Créer un grand groupe politique eurosceptique réunissant droite radicale et extrême-droite et situé à la droite des conservateurs du Parti populaire européen (PPE) au Parlement de Strasbourg tout en noyautant la Commission de commissaires souverainistes de droite radicale, le tout afin de peser sur les politiques de l’Union. Tel est le rêve que Matteo Salvini, le leader de la Ligue, espère bien concrétiser au lendemain des élections européennes du 26 mai.
Il a d’ores et déjà réclamé le poste de commissaire pour sa famille politique, fort des diverses élections locales qui montrent qu’il est désormais le partenaire dominant de la coalition formée avec le Mouvement cinq étoiles (M5S). Et il multiplie les contacts avec les familles politiques qu’il estime proche de lui et qui sont déjà au pouvoir : le FPÖ autrichien, le Fidesz du Hongrois Viktor Orban ou encore le PiS (Droit et Justice) polonais. Mais voilà : du rêve à la réalité, il y a loin, car, en dehors de leur détestation commune de l’Europe fédérale et de l’immigration musulmane, peu de chose unit ces « populistes ». Au final, Salvini risque bien de se retrouver uniquement avec ses amis de l’extrême droite européenne.
Depuis un an, Matteo Salvini se comporte davantage comme le ministre des affaires étrangères de la Péninsule que comme le ministre de l’intérieur qu’il est. Outre de multiples voyages dans l’Union et hors d’Europe, il s’est fait une spécialité des déclarations tonitruantes, essentiellement via les réseaux sociaux, contre les leaders européens qu’il exècre : d’abord Emmanuel Macron, le chef de l’Etat français, érigé au rang d’épouvantail europhile, mais aussi Angela Merkel, la chancelière allemande, accusée de vouloir asphyxier économiquement son pays, ou encore Jean-Claude Juncker, le président de la Commission dont il raille l’alcoolisme. Sans doute une façon de dissimuler la maigreur de son bilan qui, plus gênant pour lui, se situe plutôt dans la ligne européenne.
Certes, il a choqué une partie de l’opinion en refusant de laisser accoster les bateaux ayant secouru des migrants en Méditerranée, mais il n’a pas fait pire que la France d’Emmanuel Macron qui a été jusqu’à prétendre que l’Espagne était plus proche que la Corse pour accueillir l’Aquarius. En réalité, la politique des deux pays est très proche : l’Hexagone ne veut pas devenir un pays de premier accueil, l’Italie est las d’avoir dû gérer seule plusieurs centaines de milliers d’arrivées. Les deux pays, et donc la Ligue, se retrouvent ainsi pour soutenir la Commission dans sa volonté d’instaurer une solidarité européenne afin de répartir le traitement des demandes d’asile entre les Vingt-sept.
Or, ni la Pologne, ni la Hongrie, ni l’Autriche, où le FPÖ est allié aux conservateurs, ne sont sur cette ligne, pas plus que sa grande amie, Marine Le Pen dont le parti siège au sein du même groupe politique au Parlement européen que la Ligue (Europe des nations et des Libertés, ENL, 37 membres sur 751 députés) : ils considèrent que le règlement de Dublin doit s’appliquer tel qu’il est, c’est-à-dire qu’il revient aux pays de premier accueil de se débrouiller seuls.
Cette divergence d’intérêts entre partis démagogues se retrouvent dans à peu près tous les domaines. Ainsi, dans les pays de l’Est, on reste attaché au budget communautaire, c’est-à-dire à la solidarité financière qui leur permet de recevoir jusqu’à 4% de leur PIB par an, alors qu’à l’Ouest les démagogues veulent sa disparition. Même opposition sur le dumping fiscal ou social, l’Est défendant ses avantages comparatifs, alors que l’Ouest veut se protéger contre cette concurrence. Une ligne de fracture qui ne passe pas toujours entre l’est et l’ouest, par exemple sur les questions économiques : certains partis d’extrême droite sont ultra-libéraux, pendant que d’autres, comme le RN, sont étatistes. De même, l’approche n’est absolument pas la même sur la question nationale : le RN est jacobin alors que la Ligue ou la NVA belge sont régionalistes. Bref, une alliance entre toutes les forces eurosceptiques ou nationalistes risque d’être purement nominale.
Matteo Salvini est confronté à un autre problème, celui des contraintes de politique européenne et nationale. Ainsi, le Fidesz d’Orban n’a aucune intention de quitter le PPE qui lui offre une influence et une protection qu’il perdrait en ralliant un groupe qui resterait, selon les projections issues des sondages, minoritaire dans la future assemblée. De même, le PiS polonais, en quête de respectabilité et de recentrage sur la scène nationale, n’a guère envie de siéger sur les mêmes bancs que le Rassemblement national français, le Vlaams Belang belge ou le PVV néerlandais qui sont considérés partout en Europe comme infréquentables. La NVA qui partage pourtant beaucoup avec la Ligue est exactement dans la même situation. Ce n’est pas un hasard si les partis démagogiques de droite radicale siègent dans quatre groupe différents : l’ECR (conservateurs britanniques et PiS pour l’essentiel), ELDD (dominé par le britannique UKIP de Nigel Farage), l’ENL et les non-inscrits. Autant dire que la création d’un grand groupe eurosceptique paraît plus qu’improbable. Au mieux, il y aura deux groupes politiques (plus les non inscrits) dans la future assemblée. Les décisions s’y prenant à la majorité absolue et les partis démagogues partageant peu de choses dans les domaines qui relèvent des compétences européennes, le rêve de Salvini a peu de chance de se concrétiser. Le “manifeste des souverainistes” qu’il a lancé lundi à Milan signe d’ailleurs cet échec : ne seront présents que les parties d’extrême droite traditionnelle (RN, FPÖ, Vox, AfD et les partis frères danois et suédois), c’est-à-dire l’ENL actuel...
Ce sera la même chose à la Commission. Il y a déjà eu des commissaires eurosceptiques (britannique, slovaque ou tchèque) qui se sont tous, en général, comportés comme d’excellents européens. Dans une commission à 27, même si la Pologne et l’Italie envoient un commissaire de droite radicale ou d’extrême droite, cela ne bouleversera pas les équilibres, les décisions s’y prenant à la majorité simple (quand on vote, ce qui est rare). Bref, les ambitions de Salvini risquent bien de se fracasser sur la résilience européenne comme ont pu l’expérimenter les Britanniques avant lui, pourtant autrement plus solides politiquement.
N.B.: article paru dans Libération du 8 avril
Ma chronique dans «La faute à l’Europe» sur France Info.
After his meeting with Gustavo Petro, the leader of the political opposition in Colombia, on Thursday, EP Subcommittee on Human Rights (DROI) Chair Antonio Panzeri stated:
"The increase in incidents against human rights defenders and political opposition representatives in Colombia, who face all kinds of restrictions in their daily work, is alarming. This situation seriously endangers the peace agreement, including the implementation of the special jurisdiction for peace (JEP in Spanish).