HMS Prince of Wales, second Queen Elizabeth-class aircraft carrier for the Royal Navy will be formally commissioned on December, 10 2019.
Tag: HMS Prince of Wales
Le calvaire de Sylvie Goulard se poursuit. Non seulement les députés européens n’ont pas été convaincus des capacités de la candidate proposée par Emmanuel Macron à occuper le poste de commissaire européen au marché intérieur, à l’industrie, au numérique, à la défense et à l’espace, mais ils persistent à mettre en cause son intégrité. Le second jeu de questions écrites qu’ils lui ont adressé ce vendredi à la suite de son audition, mercredi après-midi, contient en effet des accusations particulièrement graves. Au point que plusieurs de ses amis politiques du groupe « Renew Europe » (RE) souhaitent même, sans trop y croire, que le Président français « débranche » rapidement celle qui apparait comme irrémédiablement éclopée et envoie quelqu’un d’autre à Bruxelles.
Car, contrairement à ce qu’a affirmé sur Cnews Amélie de Montchalin, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, les questions sur les casseroles que traine la vice-gouverneur de la Banque de France et ancienne ministre de la défense n’on pas émané des seuls rangs LR et RN : d’ailleurs, tous les groupes politiques du Parlement, à l’exception de « Renew Europe » (RE), le groupe où siège LREM, ont voté contre son investiture. Mais elle n’a pas été définitivement recalée. Goulard a jusqu’à mardi pour répondre à 11 pages de questions supplémentaires portant tant sur la façon dont elle va gérer son portefeuille, ce qui montre que même dans ce secteur du jeu elle est passé à côté de son audition, que sur son intégrité. Si elle ne parvient pas à convaincre deux tiers des membres des commissions parlementaires du marché intérieur et de l’industrie, un nouvelle audition publique sera organisée jeudi prochain. Et là, elle a une chance de passer, car il suffira alors d’un vote à majorité simple, ce qui ne sera pas la plus brillante des manières de se qualifier : elle risque d’être la seule à ne pas avoir été adoubée par une majorité des deux tiers…
Les eurodéputés exigent notamment de savoir quelle a été son activité précise au service du think tank américain Berggruen, qui apparait comme l’affaire la plus gênante pour la candidate de la France. Il faut dire qu’elle lui a facturé, entre fin 2013 et et fin 2016, une somme globale d’environ 350.000 euros bruts alors qu’elle était en même temps députée européenne. La question n’est pas neutre : Goulard suivait notamment au Parlement les dossiers financiers et bancaires alors que Nicholas Berggruen, qui finance le think tank qui porte son nom, dirige un fonds de recouvrement souvent qualifié de « fonds vautour », car il rachète des dettes impayées pour une bouchée de pain et se charge d’obtenir leur paiement par le débiteur indélicat. Or, contrairement à ce qu’affirmait mercredi Goulard, elle aurait bien eu accès à des informations confidentielles durant son mandat qui auraient pu intéresser son employeur américain. Les eurodéputés lui demandent donc une nouvelle fois si elle avait connaissance du caractère confidentiel de ces informations et si elle les a partagé avec Berggruen. De même, est-il exact, comme l’affirme l’hebdomadaire Marianne, qu’elle a fait travailler ses assistants parlementaires pour ce think tank, ce qui serait un détournement de fonds européens ? Autre question gênante : a-t-elle servi ensuite d’intermédiaire avec Macron, Berggruen étant l’un des contributeurs de sa campagne électorale… Une façon de sous-entendre que le chef de l’Etat paye une dette en l’envoyant à Bruxelles.
Les députés se demandent aussi pourquoi Berggruen a fait activement campagne auprès d’eux pour qu’ils valident sa candidature : n’est-ce pas là le signe que Sylvie Goulard, dans ses futures activités, ne sera pas totalement indépendante de son ami dont les intérêts financiers ne sont pas forcément ceux de l’Union européenne ? Savait-elle que Berggruen n’avait pas que des activités philantropiques en Europe, comme elle l’a affirmé mercredi, mais qu’il était propriétaire de la chaine de distribution Karstadt en Allemagne ?
« Ces questions sont de la dynamite », juge un responsable politique français. Car on voit mal ce qui va rester de l’autorité de Sylvie Goulard si elle survit à l’exercice. La France peut-elle se permettre d’avoir une commissaire gravement affaiblie dès le début de son mandat ?
Sylvie Goulard a été durement secouée par les députés européens lors de son audition, mercredi après-midi, à Bruxelles. La commissaire désignée par la France, qui doit hériter du méga portefeuille du marché intérieur, de l’industrie, du numérique, de la défense et de l’espace, a été longuement cuisinée par tous les groupes politiques, sauf ceux de « Renew Europe » (RE), sa famille politique où siègent les élus de LREM, tant sur l’affaire des assistants parlementaires du Modem et que sur les quelques 350 000 euros qu’elle a perçu du think tank américain Berggruen entre 2013 et 2016 alors qu’elle était eurodéputée.
Regrets
D’abord droite dans ses bottes, elle a fini par céder après plus d’une heure de feu roulant, physiquement éprouvée, en reconnaissant avoir fait des « erreurs », notamment en acceptant de travailler pour Berggruen : « J’y ai vu certains aspects intéressants, y compris certains aspects pécuniaires personnels, et j’ai eu tort (…) J’ai pu heurter des sensibilités, je le perçois mieux après vos questions ». Un acte de contrition qui ne suffira sans doute pas pour obtenir un feu vert du Parlement qui prendra sa décision jeudi soir. Au mieux, un feu orange.
Personne ne comprend à Bruxelles pourquoi Emmanuel Macron a pris le risque d’envoyer une candidate, certes compétente (diplomate, écrivaine, députée européenne entre 2009 et 2017) et multilingue (allemand, anglais et italien), mais qui traine des casseroles qui l’ont contrainte à démissionner de son poste de ministre de la Défense en juin 2017, à peine un mois après y avoir été nommée. Surtout alors qu’une partie des eurodéputés en veulent au chef de l’État d’avoir tué, en juin dernier, le système des Spitzenkandidaten qui voulait que la tête de la liste arrivée en tête aux élections européennes devienne automatiquement président de la Commission. C’est d’ailleurs pour cela que la conservatrice allemande Ursula von der Leyen, sa candidate pour diriger l’exécutif européen, n’a obtenu qu’une très courte majorité le 16 juillet lors du vote de confirmation du Parlement (383 contre 327). Autrement dit, la tentation de la revanche est forte d’où la nécessité d’envoyer à Bruxelles quelqu’un d’inattaquable. C’est d’ailleurs pourquoi tout l’entourage et les amis d’Emmanuel Macron ont essayé de le décourager de désigner Goulard, d’autant qu’il l’avait déjà recasé comme sous-gouverneur de la Banque de France, l’un des plantureux fromages de la République.
Equilibre de la terreur
En nommant Goulard, parie sur l’équilibre de la terreur puisque les conservateurs du PPE et les socialistes n’ont pas la majorité à eux deux pour la première fois depuis 1979. Autrement dit, ils ont besoin de RE pour valider leurs propres candidats et surtout ensuite atteindre la majorité absolue nécessaire à l’adoption des textes législatifs. Mais pour le Parlement, la valider en dépit de ses casseroles, c’est offrir une nouvelle victoire au Président français contre le Parlement qui, de plus, sortira affaibli de l’exercice puisque son contrôle sur la nomination des commissaires apparaitra comme de pures formes.
Finalement, les eurodéputés des commissions parlementaires du marché intérieur et de l’industrie ont décidé de jouer leur rôle en se montrant particulièrement tenaces. Comme l’a fait remarquer sèchement la sociale-démocrate allemande Évelyne Gebhardt, vétérante du Parlement, « je ne comprends pas que ce qui vous empêche d’être ministre en France ne vous empêche pas d’être commissaire ». Et c’est peut dire que Sylvie Goulard n’a pas su se montrer convaincante. Sur l’affaire de son assistant local, Stéphane Thérou, aujourd’hui employé à la mairie de Pau dirigée par François Bayrou, elle a expliqué qu’elle avait décidé de s’en séparer, car elle n’en avait pas l’utilité, mais qu’elle lui a laissé plusieurs mois pour se retourner, ce qu’elle n’aurait pas dû faire : « c’était une procédure amiable qui a duré plus longtemps que prévu ». En effet, durant cette période, il était toujours payé par le Parlement européen alors qu’il travaillait pour le Modem. Sur demande du Parlement, elle a remboursé de sa propre poche les 45 000 euros (charges comprises) correspondant à la partie contestée de son activité, un argent qu’elle n’a pas touché a-t-elle précisé.
«Je me sens à l’aise»
Mais, si l’affaire est aussi microscopique qu’elle l’affirme, on ne comprend pas pourquoi elle s’est sentie obligée de démissionner de son poste de ministre entrainant avec elle François Bayrou et Marielle de Sarnez, comme l’a fait remarquer François-Xavier Bellamy (LR, PPE) : « il y une pratique qui s’est développé en France » qui impose la démission, mais, rappelle-t-elle, « je n’ai à ce jour pas été mis en examen ». Elle affirme aussi ne pas avoir voulu peser sur les activités de son ministère. En revanche, « dans les institutions européennes, un tel usage n’existe pas », même si la justice française reste saisie tout comme l’Office antifraude de l’Union, l’OLAF : « je me sens à l’aise ». Mais les députés lui font remarquer que son dossier n’étant pas clôt, elle risque aussi de nuire à la Commission et donc que ce qui vaut pour Paris vaut pour Bruxelles… La socialiste danoise Christel Schaldemose en profite pour lui rappeler que, alors qu’elle menait la charge en 2014 contre le commissaire français désigné, le socialiste Pierre Moscovici, elle avait clamé : « il ne faut accepter que des personnalités incontestables, sinon les opinions publiques nous le reprocheraient ». Goulard se défend : « Je ne visais pas son intégrité, mais sa gestion des finances publiques ». Elle refuse aussi de dire si elle démissionnera si elle est mise en examen…
13000 euros par mois
Sur Berggruen, la charge est menée par le vert tchèque, Marcel Koloja. Les explications sont là aussi vaseuses : 13 000 euros par mois, « je conçois que ces sommes soient élevées, mais ce sont les standards internationaux ». Bref, rien de choquant et encore moins d’illégal, selon elle puisque le Parlement n’interdit pas le cumul d’activités et qu’elle a déclaré ces sommes. Pour elle, travailler pour ce think tank proeuropéen était un moyen de « poursuivre mes activités par d’autres moyens » et de « rencontrer les grands de ce monde ». Mais elle ne donne aucune précision sur ses activités. La lettre envoyée par la fondation Berggruen au Parlement la semaine dernière pour justifier sa rémunération reste tout aussi vague. Pire, elle affirme qu’elle ne connaissait pas l’activité professionnelle de Nicholas Berggruen, l’homme qui finance le think tank qui la rémunérait, alors qu’une simple recherche sur le net permet de savoir qu’il est qualifié de « financier vautour » : il dirige, en effet, un fonds de recouvrement qui se spécialise dans la récupération de dettes impayées (comme la dette argentine). Ce qui aurait dû l’inciter à la prudence. «J’espère que vous allez évaluer une personne avec son parcours, ses forces, avec ses erreurs aussi, je l’admets (...) Mais j’invoque la présomption d’innocence», a plaidé Goulard.
Sans doute en vain : il est douteux que les commissions du marché intérieur et de l’industrie lui donnent, jeudi soir, leur feu vert : le PPE a déjà fait savoir qu’il n’était pas satisfait, tout comme les Verts, la GUE, les europhobes d’ID et les socialistes devraient suivre. Or il faut deux tiers des voix pour qu’une candidature soit validée. Quatre options sont possibles et elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre : soit un rejet, soit un nouveau jeu de questions écrites, soit une nouvelle audition, soit, enfin, un redécoupage de son portefeuille pour la priver des dossiers les plus sensibles. Quoi qu’il en soit, Sylvie Goulard sortira de cet exercice en lambeaux, tout comme son mentor Emmanuel Macron.
Le décès de Jacques Chirac vient juste d’être annoncé ce jeudi matin.Lors du point de presse quotidien, la porte-parole de la Commission, la Bulgare Mina Andreva, présente les condoléances de son institution et de son président Jean-Claude Juncker, ce qui est normal. Mais, à la surprise générale, elle le fait en anglais ! Pourtant, elle parle parfaitement français, la langue de Molière est la seconde langue de la salle de presse, l’anglais, le français et l’allemand sont les langues de travail de la Commission et les 24 langues de l’Union ont le statut de langue officielle… Viendrait-il à l’idée de la Commission de présenter ses condoléances en français à la suite du décès d’un ancien premier ministre britannique ou d’un ancien chancelier allemand ? Évidemment non.
Cet impair est révélateur des dérives auxquelles mène le monolinguisme anglophone qui règne au sein des institutions communautaires : désormais, on ne rend même plus compte qu’on s’adresse à un peuple dans une langue qu’il ne comprend pas et qu’il n’a pas à comprendre, l’anglais.
Cette domination brutale est à la fois le fruit de l’élargissement, cette langue, ou plutôt sa déclinaison appauvrie le globish, étant le plus petit dénominateur commun, mais aussi d’une volonté d’une partie de l’appareil administratif européen. Ainsi, le secrétaire général du Conseil des ministres, le Danois Jeppe Tranholm-Mikkelsen, vient de donner instruction à ses services, dont la plupart des membres parlent parfaitement français, de n’envoyer que des notes en anglais au nouveau président du conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, le Belge Charles Michel, un francophone….
Cet unilinguisme de facto, puisque personne n’en a jamais discuté, est de plus en plus mal ressenti par les fonctionnaires européens eux-mêmes qui ont sans doute pris pour argent comptant la devise de l’Union : « uni dans la diversité ». Un groupe d’eurocrates de toutes nationalités vient ainsi de lancer une pétition adressée à la nouvelle présidente de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen réputée polyglotte, afin de défendre le français et plus largement le multilinguisme.
Si on les lit, la situation est proche d’une politique discriminatoire, puisqu’ils en sont à réclamer le droit « d’utiliser le français sans nous cacher et sans nous excuser ». Pour ces fonctionnaires, « le monolinguisme anglais nous bride dans nos moyens d’expression », d’autant que la qualité de cette langue ne cesse de se dégrader, le nombre d’anglophones de naissance étant particulièrement faible au sein des institutions, une situation que le Brexit ne va pas améliorer. Ils démontrent à quel point l’anglais ne s’est pas imposé comme par miracle, mais parce que quelques personnes bien placées dans l’appareil administratif en ont décidé ainsi. Les signataires demandent donc à von der Leyen de proclamer le droit de chacun à s’exprimer dans l’une des trois langues de travail et de promouvoir le multilinguisme. Bref, d’appliquer tout simplement l’un des droits fondamentaux de l’Union.
TEXTE DE LA LETTRE OUVERTE
Madame la Présidente,
Votre arrivée à la tête de la Commission européenne et votre profil multilingue nous remplit d’espoir. Nous sommes un groupe de fonctionnaires européens dont le cœur se serre en constatant qu’il nous faille aujourd’hui en appeler à la plus haute autorité pour exercer notre droit le plus simple:
NOUS VOULONS AVOIR LE DROIT DE TRAVAILLER EN FRANÇAIS (ET DANS D’AUTRES LANGUES)!
Tout d’abord, nous souhaitons souligner que notre groupe rassemble des fonctionnaires de toutes nationalités, y compris non francophones de naissance. Nous avons constaté que le monolinguisme anglais nous bride dans nos moyens d’expression et nous souhaitons notamment pouvoir utiliser le français sans nous cacher et sans nous excuser.
LE CONSTAT EST TERRIBLE, et sans vouloir nous répandre, rappelons simplement quelques faits simples:
- Par le passé, à l’exception de ceux dont c’était la langue maternelle, chacun parlait plusieurs langues. Avec l’usage généralisé exclusif de l’anglais, chacun ne semble plus capable de travailler qu’en une seule langue, sans que la qualité de l’anglais se soit pour autant améliorée. Bien au contraire, le faible nombre d’anglophones de naissance dans notre environnement professionnel conduit à une dégradation de l’anglais utilisé, qui déteint même sur les anglophones. De manière générale, l’usage exclusif de l’anglais conduit à un nivellement par le bas, chacun étant forcé de se conformer au plus petit dénominateur commun, ce qui en retour affaiblit, par manque de pratique, la maîtrise des autres langues. L’objectif d’une plus grande proximité entre l’Union européenne et les citoyens restera une illusion si les fonctionnaires européens ne sont pas en mesure de travailler, de s’exprimer et de lire couramment dans plusieurs langues.
- Les pages internet de la Commission sont dans leur immense majorité exclusivement en anglais, ainsi que les outils de communication institutionnelle (vidéos, affiches, dépliants), qui semblent plus s’adresser à une élite internationalisée et qu’aux citoyens avant tout tournés vers un espace public dans leur langue maternelle. Il en est de même pour la communication sur les réseaux sociaux (Facebook Twitter). Il est d’ailleurs rare que la Journée européenne du multilinguisme fasse l’objet d’une communication multilingue. Malheureusement, la présentation du collège, le 10 septembre dernier, n’a pas échappé à la règle: discours monolingue, documents (notamment les lettres de mission) et graphiques en anglais...
- A quelques rares exceptions, les briefings (le concept même n’existe plus en français) sont rédigés exclusivement en anglais, y compris parfois lorsque les deux interlocuteurs sont francophones.
- Lors des réunions au Parlement ou au Conseil, les représentants de la Commission semblent tenus de s’exprimer en anglais alors même qu’ils disposent de l’interprétation simultanée, préférée des interprètes.
- L’usage exclusif de l’anglais dans notre travail quotidien empêche souvent nos collègues de conceptualiser dans une autre langue, fût-elle leur langue maternelle, ce qui nuit à leur bonne communication.
- Même lorsque l’ensemble de la hiérarchie est francophone, nous recevons comme instruction orale de ne pas produire de documents (documents de travail des services, notes internes, projets législatifs ou projets de communications) dans d’autres langues que l’anglais. Ainsi le Secrétariat Général ne dispose-t-il pas de modèle de document de travail des services en français. L’obligation de fournir à la Direction générale de la traduction des documents dans une seule langue interdit de facto le travail multilingue, y compris pour les documents de travail des services qui ont par définition en principe un usage interne.
- Le service juridique de la Commission dépense une énergie considérable à travailler de plus en plus en anglais avec les différentes Directions générales alors qu’il pourrait légitimement n’utiliser que la langue de travail de la Cour de Justice de l’Union européenne, qui est le français.
- Les cahiers des charges pour les contrats cadre ou les appels d’offre sont presqu’exclusivement rédigés en anglais; et les rapports ou études commandées doivent presque toujours être fournies en anglais, ce qui limite le choix des prestataires, et favorise dans l’emploi l’usage d’experts anglophones natifs.
- Nos intranets sont très souvent exclusivement anglophones, ce qui décourage l’usage de tout autre langue. Il y a bien longtemps que Commission en Direct, notre lettre d’information interne, ne propose plus que des articles en anglais. Votre courriel adressé au personnel le 10 septembre n’était qu’en anglais, décourageant encore ceux qui voudraient utiliser d’autres langues. Il en va souvent de même des communications internes (courriels ou vidéos des Directeurs généraux).
- Certains services administratifs téléphoniques internes (PMO par exemple) n’offrent pas la la possibilité de répondre en français. Les enquêtes internes sont presque toujours exclusivement en anglais. Le service d’assistance informatique (IT Helpdesk) n’est disponible qu’en anglais (alors même que les agents qui y sont rattachés sont très souvent francophones).
- Les notes administratives internes sont très rarement en français.
En un mot, à l’heure où le Royaume-Uni se prépare à quitter l’Union européenne et où la langue anglaise ne correspond plus qu’à la langue maternelle d’une petite minorité de la population, la Commission utilise une langue qui est essentiellement devenue une langue tierce, et qui donne un avantage concurrentiel (économique et culturel) à des Etats tiers comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis.
NOUS DEMANDONS SIMPLEMENT LE DROIT DE NE PAS ETRE DISCRIMINES PARCE QUE NOUS VOULONS TRAVAILLER EN FRANÇAIS OU DANS D’AUTRES LANGUES.
Nous demandons
- le droit de rédiger des projets de communication, de documents de travail des services et des projets législatifs en français;
- le droit de passer des appels d’offres et de demander des rapports en français;
- le droit de communiquer sur les réseaux sociaux avec des matériaux graphiques et des vidéos en français;
- le droit de nous exprimer lors des réunions internes (groupes interservices, réunions d’unité, réunions de tout le personnel) en français sans être montrés du doigt ou susciter des soupirs exaspérés ou des haussements de sourcil;
- l’application du principe selon lequel un document ou un site internet qui n’est pas assez important pour être publié dans d’autres langues que l’anglais ne devrait pas être publié du tout;
- le développement d’outils (notamment de traduction automatique plus efficace) permettant de travailler quotidiennement de manière multilingue.
Face à l’inertie de l’administration, et à la pression sociale du monolinguisme, vous êtes notre dernier recours.
Nous vous demandons
- d’émettre une instruction interne rappelant notre droit d’utiliser au quotidien les langues procédurales;
- de demander à vos commissaires et aux Directeurs généraux de mettre en place une politique incitative du multilinguisme, en montrant eux-même l’exemple dans leur communication interne.
C’est avec cet espoir que nous vous prions, Madame la Présidente, d’accepter l’expression de notre considération respectueuse et dévouée.
Dacian Ciolos, 50 ans, l’ancien Premier ministre de Roumanie (2016) et commissaire européen à l’Agriculture (2010-2014), préside «Renouveler l’Europe» (Renew Europe), le groupe du Parlement européen où siègent les députés français de «Renaissance», la liste soutenue par LREM. Troisième par ordre d’importance, avec 108 députés sur 751, derrière les conservateurs du PPE (182) et les sociaux-démocrates (154), c’est le groupe charnière puisqu’aucune majorité n’est possible sans lui.
L’intégrité de plusieurs commissaires désignés est gravement mise en cause…
Ce n’est hélas pas la présidente élue de la Commission qui nomme le collège des 26 commissaires, mais les gouvernements. L’Union n’est pas un Etat avec un Premier ministre qui choisit son équipe. C’est pour ça que l’étape parlementaire est essentielle. Comme nous devons accorder l’investiture à l’ensemble de la Commission fin octobre, le Parlement a pris l’initiative d’auditionner les commissaires pour vérifier leur intégrité, leur compétence, leur engagement européen… Certes, le Parlement ne peut pas tout faire, mais il peut beaucoup. Ainsi, sa commission juridique, qui a un rôle de vérification préliminaire pour s’assurer de l’absence de conflits d’intérêts des candidats et de la sincérité de leur déclaration de revenus, a recalé le conservateur hongrois Laszlo Trocsanyi et la socialiste roumaine Rovana Plumb… Ils ne seront même pas auditionnés par les commissions parlementaires compétentes.
D’autres commissaires sont sur la sellette, dont Sylvie Goulard, qui appartient à votre famille politique. Vous a-t-elle dit pourquoi elle avait perçu 13 000 euros par mois durant plusieurs années d’un think tank américain alors qu’elle était eurodéputée ?
Non, mais elle devra répondre aux questions que ne manqueront pas de lui poser les députés lors de son audition, et ils jugeront si ses explications sont convaincantes. Le travail des commissions ne peut se faire que dans certaines limites car nous n’avons pas de pouvoir d’investigation. Nous posons des questions et le commissaire désigné doit être convaincant.
Ne craignez-vous pas qu’une partie des eurodéputés soit tentés de se venger de Macron, à qui ils reprochent d’avoir tué le système des «Spitzenkandidaten» (candidats têtes de liste), en bloquant Goulard ?
J’ai entendu parler de cette tentation, surtout à l’extérieur du Parlement. Si un groupe politique se lançait dans un tel règlement de comptes, il risquerait de perdre en crédibilité
Cela n’a jamais retenu ni les conservateurs du PPE ni les socialistes dans le passé…
C’est peut-être pour cela qu’ils ont perdu la majorité qu’ils avaient à eux deux depuis quarante ans. S’ils sont tentés par un tel coup, ils ne doivent pas oublier qu’ils devront ensuite vivre avec nous pendant cinq ans. Or ils ont besoin de «Renew» pour atteindre la majorité et faire passer les textes législatifs.
N’y a-t-il pas un risque de grand marchandage entre les groupes, chacun prenant en otage un commissaire d’une autre famille politique, ce qui pourrait aboutir à valider toutes les candidatures ?
Si nous le faisions, nous perdrions notre crédibilité. Surtout, les groupes politiques ne peuvent se substituer aux commissions parlementaires compétentes. En cas de refus, la conférence des présidents de groupe politique peut demander une autre audition ou une seconde série de questions écrites. Si le candidat ne convainc toujours pas, la présidente devra soit demander à l’Etat d’envoyer quelqu’un d’autre, soit le changer de portefeuille.
L’intitulé du poste du commissaire grec Margarítis Schinás, «protection du mode de vie européen», a choqué car il comprend l’immigration et l’asile…
Ce qui me pose problème, c’est l’absence de compatibilité entre cet intitulé et la lettre de mission dont plus d’un tiers traite de l’immigration. Or cette question, que l’on doit se poser, ne se confond pas avec le mode de vie européen qui est beaucoup plus large. L’immigration n’a rien à faire là, à la différence de l’intégration, de la diversité, de la solidarité, de la culture, des langues, de l’éducation, de l’emploi ou du changement climatique. C’est un thème qui mérite d’être traité, mais pas comme cela.
Si Von der Leyen ne modifie rien, est-ce que cela amènera Renew à voter contre l’investiture de cette Commission ?
Il y a des membres dans le groupe à qui ce manque de clarté posera un problème.
N.B.: entretien paru dans Libération du lundi 30 septembre
Combien de commissaires désignés vont tomber au champ d’honneur parlementaire ? Alors que les auditions des 26 candidats par le Parlement européen débutent aujourd’hui pour s’achever le 8 octobre, la commission des affaires juridiques, chargée d’examiner en amont les déclarations d’intérêts des futurs commissaires, a déjà fait deux victimes jeudi dernier : elle a jugé que l’eurosceptique et ancien ministre de la Justice hongrois Laszlo Trocsanyl et la socialiste roumaine Rovana Plumb sont en situation de « conflit d’intérêts » et elle s’oppose à ce qu’ils passent en l’état à l’étape des auditions devant les commissions parlementaires compétentes. Mais d’autres commissaires sont sur la sellette au premier rang desquelles la Française Sylvie Goulard (LREM, Renouveler l’Europe) ou encore la Croate Dubravka Suica (Parti populaire européen, conservateur). Autant dire que d’autres têtes risquent de tomber, surtout si les différents groupes politiques décident de venger les leurs, ce qui pourrait compromettre l’investiture de la Commission présidée par la conservatrice allemande Ursula von der Leyen le 23 octobre à Strasbourg.
Jamais la situation n’a été aussi imprévisible, car, depuis les élections européennes de juin dernier, les deux grands groupes politiques qui dominaient le Parlement depuis 1979, les conservateurs du PPE et les socialistes, n’ont plus la majorité absolue à eux deux. Autrement dit, cela rend plus difficile une entente pour valider en bloc les candidats puisqu’il faudrait y inclure un troisième larron, en l’occurrence les centristes de « Renaissance » où siègent les députés LREM, indispensable force d’appoint. En clair, ce qui s’est passé en 2014 lorsque le PPE a pris en otage le socialiste Pierre Moscovici, qui n’avait pourtant rien à se reprocher en matière de conflit d’intérêts, pour obtenir la confirmation du très sulfureux conservateur espagnol Miguel Cañete, sera plus difficile, voire impossible à obtenir en 2019.
De plus, une réforme récente du règlement intérieur du Parlement prévoit que les commissions parlementaires doivent valider la candidature des commissaires par une majorité des deux tiers et non plus simple. Ce qui rend en réalité plus facile la constitution de minorité de blocage, puisqu’il suffit d’un tiers des voix plus une… Or la chute de Trocsanyl, dont le parti est toujours membre du PPE, et de Plumb pourrait pousser les conservateurs et les socialistes, secondés par les eurosceptiques et les europhobes trop contents de semer la zizanie, à se venger en refusant un commissaire RE. D’autant qu’il n’est pas exclu que d’autres membres du PPE et du groupe socialiste tombent, le Parlement ayant à cœur à réaffirmer sa prééminence politique après avoir vu le système des Spitzenkandidaten qu’il avait imposé en 2014 (la tête de la liste arrivée en tête des élections européennes devient automatiquement président de la Commission) enterré par le Conseil des chefs d’État et de gouvernement en juin dernier.
Si rétorsion il y a, elle visera au premier chef Sylvie Goulard, députée européenne libérale de 2009 à 2017, dont l’audition aura lieu mercredi après-midi. Elle est fragilisée par l’affaire des assistants parlementaires présumés fictifs du Modem et surtout par le salaire de 13.000 euros bruts qu’elle a perçu de fin 2013 à fin 2016, soit environ 350.000 euros, du think tank fondé par Nicholas Berggruen, un « financier vautour » selon le magazine Forbes. Certes, l’été dernier, elle a remboursé au Parlement 45.000 euros correspondant aux salaires versés à son assistant local durant 7 mois entre la fin 2013 et le début 2014 à un moment où elle reconnait qu’il ne travaillait plus pour elle, mais pour le Modem. Une affirmation que conteste le principal intéressé, Stéphane Thérou, aujourd’hui employé à la mairie de Pau dirigée par François Bayrou. Selon nos informations, il a même fourni à l’Olaf, l’Office antifraude de l’Union, des preuves de son travail pour Goulard. De là à penser qu’elle a voulu se débarrasser d’une affaire qui plombait sa candidature à la Commission, il n’y a qu’un pas. Quant à ses activités pour la fondation Berggruen, elle ne s’en est pour l’instant expliqué à personne : or beaucoup se demande si le financier américain ne s’est tout simplement pas offert le volumineux carn et d’adresses de celle qui était chargée au Parlement de la réglementation budgétaire et financière de l’Union.
Or, si Plumb est tombée pour une affaire pour le moins louche de prêt électoral et Trocsanyl pour ses liens avec son ancien cabinet d’avocats, on a du mal à voir comment Goulard pourrait passer entre les gouttes, tout comme la Croate qui a les plus grandes difficultés à expliquer d’où provient sa fortune de 5 millions d’euros…
Si plusieurs commissaires tombent, pourra-t-il y avoir un grand troc entre les groupes politiques ? Dacian Ciolos, le patron de RE l’exclut. Dans ce cas, Ursula von der Leyen n’aura d’autres choix que de demander aux États de lui envoyer de meilleurs candidat(e)s. Vu l’étroite majorité qu’elle a obtenu le 16 juillet lors de son élection, elle n’a aucune marge de manœuvre pour tenir tête aux députés.
N.B.: article paru lundi 30 septembre dans Libération
Photo: Pietro Naj-Oleari / Flickr Parlement europée
« Comme toujours, quand il s’agit de l’abaissement de la France, le parti de l’étranger est à l’œuvre avec sa voix paisible et rassurante. Français, ne l’écoutez pas. C’est l’engourdissement qui précède la paix de la mort ». Jacques Chirac, de l’hôpital Cochin, à Paris, où il est hospitalisé à la suite d’un accident de voiture en Corrèze, appelle les Français à se mobiliser pour « combattre les partisans du renoncement et les auxiliaires de la décadence » que sont les europhiles au premier rang desquels figure le président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing. Cet « appel de Cochin », par référence à l’appel du 18 juin 1940, que le Rassemblement national ne renierait pas, est lancé le 6 décembre 1978, à six mois de la première élection du Parlement européen au suffrage universel qui, selon Chirac, est le début d’un engrenage qui mènera à « l’abaissement de la France » et à la soumission aux intérêts américains, les partenaires de Paris étant des atlantistes convaincus. Ce texte que l’on qualifierait aujourd’hui d’europhobe éclaire d’une lumière crue son héritage : non seulement ce Corrézien d’adoption n’a jamais été un Européen de cœur, mais il a durablement affaibli le projet lui-même, prenant souvent des décisions impulsives et contreproductives.
Narco-Etat
Dès qu’il accède à nouveau au pouvoir, en 1986 (il a été Premier ministre entre 1974 et 1976), lorsqu’il devient chef du gouvernement de François Mitterrand, il donne pour instruction au très souverainiste ministre de l’Intérieur Charles Pasqua de saboter la négociation de la Convention d’application de la Convention de Schengen de 1985 visant à supprimer les contrôles aux frontières intérieures. Il faut que Mitterrand le menace d’une crise de cohabitation, la politique européenne faisant traditionnellement partie du domaine réservé du chef de l’État, pour que les choses rentrent dans l’ordre : le texte sera finalement signé en 1990 pour une entrée en vigueur en 1995. Cependant, de retour dans l’opposition en 1988, après avoir perdu la présidentielle, il se comporte comme un véritable homme d’État en soutenant le « oui » au référendum sur le traité de Maastricht signé en février 1992, contre une partie du RPR emmené par Philippe Seguin, exactement comme il l’a fait en 1987 avec l’Acte Unique de 1986 négocié par les socialistes. Sans son ralliement, la consultation de septembre 1992 aurait incontestablement été perdue vu la faible victoire du oui (51%). Et l’euro n’aurait jamais vu le jour. C’est là son principal fait d’arme européen. Et il le restera comme le montre la suite de sa carrière.
Enfin élu président de la République, en mai 1995, il retrouve ses réflexes souverainistes de l’appel de Cochin. Ainsi, alors que Schengen est entrée en application quelques semaines plus tôt, il en suspend l’application. Il faut attendre un an pour que les contrôles soient enfin supprimés sauf avec la Belgique et les Pays-Bas, Chirac qualifiant à plusieurs reprises ce dernier pays de « narco-État », ce qui dégradera durablement les relations de Paris et d’Amsterdam.
Les Néerlandais ne sont pas les seuls à subir les foudres chiraquiennes. Dès son élection, il s’en prend violemment à l’Italie dont la lire a perdu 60 % de sa valeur depuis qu’elle a été éjectée du Système monétaire européen (SME) en 1992. Pour Chirac, il s’agit forcément d’une dévaluation compétitive -ce qui est totalement faux- qui ruine l’agriculture française et en particulier empêche l’exportation des « jeunes broutards » du plateau de Millevaches vers l’Italie, comme il l’explique lors d’une conférence de presse surréaliste en clôture du sommet de Cannes, la France présidant alors l’Union. Ne comprenant manifestement pas qu’il est le président en exercice du Conseil européen et que l’Europe entière l’observe, il lance aux centaines de journalistes présents : « comme nous sommes entre Français, laissez-moi vous dire »…
«On ne négocie pas un tapis»
Pour faire bonne mesure, Chirac se fâche avec les Allemands en décidant le 13 juin de reprendre les essais nucléaires dans le Pacifique. Or, il n’a prévenu Helmut Kohl que quelques minutes avant son intervention télévisée, ce que ce dernier ne lui pardonnera jamais : placé devant le fait accompli, le chancelier allemand n’a pas eu le temps de préparer son opinion publique qu’il sait totalement opposée au nucléaire, surtout s’il est français. Résultat : Kohl va faire face à une tempête à domicile dont il se serait bien passé et les rapports entre Paris et Bonn vont considérablement se refroidir, le chancelier se demandant à qui il a affaire. Un bilan impressionnant après un mois à la tête de l’Etat…
L’abandon du plan Juppé en décembre 1995 qui aurait permis de remettre sur pied l’économie française, à la suite de plusieurs semaines de grèves des services publics, confirme les Allemands dans leur volonté d’imposer un véritable carcan budgétaire, le Pacte de stabilité, aux pays participant à la monnaie unique afin de contenir ces fantasques Français. Même si le ministre des finances français, Jean Arthuis (UDF), est d’emblée favorable à l’idée, ce n’est pas le cas de Chirac qui voit tout le danger d’un pilotage technocratique des politiques économiques et budgétaires des États. Mais l’absence de coordination au sein du gouvernement français a ouvert une brèche dans laquelle les Allemands vont s’engouffrer pour imposer leurs idées. En décembre 1995, lors du sommet de Madrid, nouvel accroc dans la relation franco-allemande : pour Kohl, écu et « Kuh » (vache en allemand, le u se prononçant ou) sont trop proches et il veut en changer. Chirac est furieux : « c’est extrêmement préoccupant. Les Français sont extrêmement attachés à l’écu (…) Alors Helmut, je ne vois pas comment on peut envisager de le changer ». Pour Kohl, c’est à prendre ou à laisser et Chirac finit par se rallier au nom d’euro.
En décembre 1996, au sommet de Dublin, Chirac et Kohl s’engueulent franchement, le président français négociant pied à pied pour tuer le Pacte de stabilité. Agacé, Kohl lui lance : « on n’est pas à Marrakech, on ne négocie pas un tapis ». Le chef de l’Etat comprend qu’il faut en passer par les fourches caudines allemandes s’il veut faire main basse sur le mark. Après 48 heures de négociations au couteau, les Quinze adoptent le Pacte tel que voulu par les Allemands, les amendements obtenus par les Français n’en modifiant pas l’économie.
«Cela me rend gai»
La mésentente entre les deux rives du Rhin atteint son acmé en mai 1998, lors du sommet qui doit lancer la monnaie unique. Chirac, alors en pleine cohabitation avec les socialistes, humilie littéralement Kohl. A la surprise générale, il refuse que le Néerlandais Wim Duisenberg soit nommé pour 8 ans président de la Banque centrale européenne, car c’était pour lui le candidat de « l’amicale des banquiers centraux », selon son expression. Après plusieurs heures de négociations, il est convenu que le Français Jean-Claude Trichet lui succèdera à mi-mandat : « cela me rend gai » que ce soit un Français triomphe sans retenue Chirac à l’issue du sommet, puisqu’il va « défendre les intérêts de la France »… Kohl, épuisé, admet que « ce fut une dure lutte et l’une de mes heures les plus difficiles… Il m’est arrivé plusieurs fois aujourd’hui de dire à mes collègues : mais pourquoi suis-je fou au point de continuer à faire tout cela ? » Cette entaille à l’indépendance de la banque centrale jouera un rôle dans sa défaite aux élections de septembre 1998 face à Gerhard Schröder. Cet épisode ne sera jamais oublié par l’appareil d’État allemand qui le fera durablement payer à la France.
L’arrivée au pouvoir du social-démocrate Schröder, aussi peu européen que l’est Jacques Chirac, va conduire l’Europe au bord de l’abîme. Si Kohl était prêt à sacrifier les intérêts allemands au nom de l’Europe, ce n’est pas le cas de Schröder. Chirac va s’en apercevoir, en juin 1999, le chancelier voulant, pour réduire le budget de la politique agricole commune (PAC), instaurer un cofinancement national. Le Français la sauve in extremis en prenant à sa charge la partie de la ristourne budgétaire versée aux Britanniques payée par l’Allemagne. Une bombe infernale qui aboutit aujourd’hui à faire supporter l’entièreté du chèque britannique aux seuls Français (les chèques dans le chèque). Le sommet de Nice en décembre 2000, qui accouche d’un traité mal fichu, voit Allemands et Français s’affronter à nouveau avec une rare violence. Paris n’a pas compris que la République de Berlin n’est plus celle de Bonn et qu’elle revendique sans pudeur la première place qu’elle estime lui revenir sur le plan institutionnel vu son poids démographique et économique. Autrement dit, elle veut peser davantage que la France tant au Parlement européen qu’au Conseil des ministres, ce que Chirac évitera de justesse.
Second commissaire français
Mais il commet une grave erreur en acceptant de renoncer au second commissaire accordé aux grands États membres contre la promesse d’une réduction de la taille de la Commission lorsque l’Union comptera 27 pays. Il oublie au passage qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras puisqu’aujourd’hui encore l’exécutif européen compte un commissaire par Etat membre, ce qui donne le même poids aux trois Baltes qu’à l’Allemagne, la France et l’Italie réunie. Une nouvelle erreur historique qui a marginalisé les grands États au sein de la Commission et contribue à la défiance qu’elle suscite dans les opinions publiques.
Au lendemain de Nice, Chirac comprend enfin que ni la France ni l’Europe ne peuvent se payer le luxe d’une nouvelle « guerre » avec l’Allemagne. Il entreprend donc, sur les conseils de Hubert Védrine, son ministre des affaires étrangères, de retisser les liens avec Schröder, ce qui est à mettre à son crédit. Avec succès. C’est ainsi que Paris et Berlin acceptent de réunir une convention sur l’avenir de l’Europe élargie aux Parlementaires afin de rédiger un nouveau traité censé refermer la parenthèse de Nice. Dès 2002, les deux hommes se mettent d’accord sur des propositions communes de réformes institutionnelles très allantes, comme le veulent les Allemands, en échange d’une sanctuarisation du budget de la PAC à son niveau de 2006. Un deal qui met hors de lui Tony Blair qui croyait que Schröder était son allié privilégié.
Car la PAC est en réalité la seule obsession de l’ancien ministre de l’Agriculture qu’a été Jacques Chirac, comme l’a montré l’épisode de 1999. Ce qui va l’amener à commettre une autre erreur historique. Alors que le projet de traité constitutionnel européen qu’a réussi à obtenir Valéry Giscard d’Estaing, président de la Convention européenne, ne comporte que des dispositions institutionnelles, Chirac va exiger, en juin 203, lors du sommet de Thessalonique, qu’il intègre l’ensemble du traité de Rome, c’est-à-dire les politiques communes. Sa crainte est qu’elles soient placées sur un second plan et qu’elles puissent être modifiées à l’avenir à la majorité qualifiée, ce qui signerait sans doute la fin de la PAC. Si tout est placé sur le même plan, le verrou de l’unanimité des États empêchera qu’elle soit menacée. En juin 2004, les Vingt-cinq adoptent donc un énorme texte consolidant tous les traités existants.
Le référendum de 2005
Dès le mois de juillet 2004, Chirac annonce qu’un référendum sera convoqué pour adopter le traité constitutionnel européen. Mais la consultation n’aura lieu qu’en mai 2005, ce qui est tardif. Or, non seulement le texte consolidé est complexe, mais il permet à chacun de trouver un motif de mécontentement : on ne discute pas des nouveautés institutionnelles, mais des traités existant depuis 1957, ce qui est lunaire puisqu’ils ne seront pas remis en cause par un non. Chirac, en convoquant tardivement le référendum et en ne s’impliquant pas dans la campagne, va permettre au non de croitre et de l’emporter largement. Une rupture de confiance pour ses partenaires : que vaut, en effet, la parole d’un président incapable de convaincre son peuple ?
Chirac, qui ne comprend pas grand-chose aux institutions communautaires, est aussi responsable de la nomination du Portugais José-Manuel Durao Barroso à la tête de la Commission, en juillet 2004, un homme qui fera beaucoup pour la victoire du non en soutenant contre vent et marée la directive Bolkestein sur la libéralisation des services, l’épouvantail absolu en France. Son candidat et celui de Schröder étaient le Premier ministre belge Guy Verhofstadt. Mais Tony Blair pose son véto, car il voulait faire payer à Berlin, Paris et Bruxelles leur opposition à la guerre en Irak. Et il est loin d’être isolé : les pays de l’Est n’ont pas oublié que Chirac, en 2003, leur a enjoint de « se taire » alors qu’ils venaient de se rallier à la guerre en Irak. Une gaffe monumentale alors que le chef de l’État a soutenu l’élargissement et qu’il bénéficiait jusque-là d’un fort crédit à l’Est. Chirac, à la suite de ce véto, s’est désintéressé du choix du président de la Commission et a laissé Blair imposer Barroso qui était son candidat. Comme le note alors Chirac, au moins il parle français…
Le soutien déterminé du Président à l’élargissement montre à quel point il se préoccupait peu de l’avenir de l’Union : l’élargissement rapide, devenu réalité en janvier 2004, a lieu sans réforme institutionnelle suffisante et sans aucune réflexion sur l’avenir de l’Union. On aurait pu au moins attendre que le traité constitutionnel soit adopté, ce qui n’a pas été le cas. On lui doit aussi, ainsi qu’à son complice Schröder, l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie, un piège dont les Européens n’arrivent toujours pas à sortir. C’est déjà Chirac qui, en 1999, avait obtenu de haute lutte le statut de pays candidat pour Ankara…
Une zone euro affaiblie
Au débit des années Chirac, il faut aussi ajouter l’affaiblissement du Pacte de stabilité en 2003. Avec une nouvelle fois Schröder à ses côtés. Mais si Berlin a voulu se débarrasser des contraintes de la discipline budgétaire, c’est pour réformer son économie et devenir davantage compétitive. La France, elle, veut simplement pouvoir dépenser plus, ce qui a concouru à son affaiblissement. De même, Chirac a accepté l’élargissement rapide de la zone euro sans se préoccuper d’achever sa construction politique, par exemple en instaurant un minimum de solidarité financière entre les Etats partageant la même monnaie. Une inconséquence qui se paiera au prix fort en 2009 avec la crise de la zone euro qui mènera quatre pays à la faillite…
En un mot, les douze ans de règne de Jacques Chirac ont été catastrophiques pour l’Europe, celle-ci payant encore l’absence de pensée stratégique d’un politicien qui n’a jamais été un joueur d’échecs, comme François Mitterrand, mais plutôt un joueur de poker pressé d’empocher des gains à court terme. La relation franco-allemande est morte durant son règne. On peut seulement mettre au crédit du président défunt la tentative de relance de l’Europe de la défense en 1998-1999 (mais elle est restée dans les limbes) et son appui à Maastricht. C’est peu, bien peu.