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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 2 weeks 5 days ago

Élections au Sénégal : Bassirou Diomaye Faye, le président de la rupture ?

Thu, 04/04/2024 - 17:25

Élu à plus de 54% des voix dès le premier tour le 24 mars dernier, Bassirou Diomaye Faye, candidat du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), est devenu, à 44 ans, le plus jeune président de l’histoire du pays. Présenté comme un opposant antisystème, celui qui était en prison il y a encore quelques semaines incarne un nouvel élan politique auprès de la jeunesse sénégalaise. Quelle analyse peut-on faire des résultats de l’élection ? Quelles sont les orientations politiques nationales et internationales du nouveau président sénégalais ? Éléments de réponse avec Caroline Roussy, directrice de recherche à l’IRIS, en charge du programme Afrique/s.

Après le report de l’élection présidentielle décrété par Macky Sall début février, l’élection sénégalaise a eu lieu le 24 mars dernier et a été marquée par la victoire de Bassirou Diomaye Faye. Quels enseignements peut-on tirer de ces résultats et de cette victoire de l’opposition ?

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette séquence. Macky Sall avait souhaité, pour des motifs peu avouables, reporter sine die l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février dernier. Sous la pression conjuguée de la rue, des pouvoirs religieux, de la diplomatie internationale, mais surtout du Conseil constitutionnel, le président Sall a été contraint à l’organisation du scrutin avant le 2 avril, date de la fin de son mandat. Si durant cette séquence d’incertitudes les Cassandres ont prédit la fin de la démocratie sénégalaise, un possible coup d’État militaire, le pays a su montrer que ces institutions étaient solides et que les Sénégalais étaient viscéralement attachés au scrutin présidentiel tout autant qu’à l’alternance politique.

La victoire du PASTEF, parti d’Ousmane Sonko, était prévisible. Déjà il y avait un ras-le-bol de la gouvernance Sall, de son virage autoritariste au cours des trois dernières années, pour rappel : des manifestations réprimées dans le sang en mars 2021, en juin 2023 et plus récemment en février 2024 ; des centaines d’opposants politiques croupissant dans les geôles, un harcèlement des journalistes et l’impression que la République était devenue la chose de Macky Sall et de sa clientèle. En face, Ousmane Sonko, un homme jeune, un discours réformiste, souverainiste, l’envie de renverser la table pour mieux réenchanter la politique et surtout une jeunesse en mal d’espoir. Ousmane Sonko a été empêché de se présenter à la présidentielle, mais l’engouement qu’il a suscité sur sa personne depuis plusieurs années, le narratif qu’il a su créer avec les jeunes, et les moins jeunes aussi, se sont reportés sur « son plan B » Bassirou Diomaye Faye. Sans aucun doute, le rejet de Macky Sall, dont a pâti son candidat Amadou Ba, et le désir en faveur du changement expliquent cette victoire dès le premier tour avec près de 55% des voix. Il est vrai que les analystes, les observateurs ne s’attendaient pas un tel tsunami, à un tel plébiscite du PASTEF. On envisageait plutôt un scrutin à deux tours. Force est de constater que la dynamique du changement l’a emporté tout autant que la volonté d’en finir avec la page Macky Sall.

Quoi qu’il en soit on a pu observer la très grande élégance républicaine du candidat Ba qui a félicité son adversaire et lui a présenté ses vœux de réussite avant même la proclamation officielle des résultats. Le Sénégal confirme-là que c’est un pays démocratique. Il montre que le changement peut arriver par la voie des urnes. Une bouffée d’oxygène en Afrique de l’Ouest quand certains gouvernants sont tentés par des coups d’État militaire ou constitutionnel.

Le 2 avril, lors de son discours d’investiture, Bassirou Diomaye Faye a promis un « changement systémique » au Sénégal. Quelles sont les orientations nationales annoncées par le président ? Quelles sont les attentes des Sénégalais ?

Ce qui est intéressant à ce stade c’est qu’il est encore difficile de faire le lien, la jonction entre le programme du candidat Faye, entièrement tourné vers l’affirmation de la souveraineté du Sénégal en matière économique, monétaire et agricole et partant systémique, et les attentes concrètes des Sénégalaises et des Sénégalais. Un des premiers changements attendu est l’allègement du coût de la vie. Il est nécessaire de prendre la mesure de la très grande précarité dans laquelle une large partie de la population se trouve. Le SMIC est à 65.000 francs CFA. Un riz au poisson (thiep) est à 1000-15000 francs CFA. Cet ordre de grandeur suffit déjà à démontrer la difficulté du quotidien des Sénégalais. Autre attente, l’employabilité des jeunes. Le marché n’est pas en capacité d’absorber les nouveaux entrants. On relève, par ailleurs, une inadéquation entre l’offre de formation proposée aux étudiants et les besoins du marché. Autre attente également, très forte, la renégociation des accords de pêche avec l’Union européenne, notamment. Les chalutiers vident les eaux territoriales de ses poissons. L’activité des pêcheurs est très fortement touchée par ces pratiques et leur revenu a été divisé au moins par trois sinon plus au cours des dernières années. Nombreux sont ceux parmi les pêcheurs à être candidats à l’exil, quitte à s’embarquer dans des canots de fortune. Il y a bien d’autres attentes, mais ce sont celles que l’on peut classer comme prioritaires. Il est intéressant d’observer que dans son adresse à la nation le 3 avril, veille de la fête de l’indépendance, les premiers mots du président ont montré qu’il avait entendu, écouté et qu’il souhaitait répondre à ces attentes. Quelles mesures va-t-il pouvoir adopter dans les semaines à venir pour y répondre concrètement, sans doute en saura-t-on davantage lorsque l’on connaîtra la constitution du nouveau gouvernement dirigé par Ousmane Sonko et que les orientations programmatiques et leurs échéances seront précisées.

Dans le programme du PASTEF et ce qui a été confirmé par le président, il y a une volonté de changer les institutions pour éviter la trop forte présidentialisation du régime et prévenir des abus de la précédente mandature. Il y a une volonté de renégocier les contrats pétroliers et gaziers. La question de la faisabilité de cette renégociation, avec des multinationales bardées de juristes et avocats, interroge. Reste à savoir la teneur des renégociations envisagées. Enfin, sur le franc CFA, le président tout comme son Premier ministre semblent engagés pour mettre un terme à ce système monétaire, mais à quel rythme ? Dans quel espace : la CEDEAO, la zone franc, l’échelle nationale ? Souhaitent-ils aller plus loin que la proposition de l’économiste togolais Kako Nubukpo qui dans un premier temps suggère un changement de nom ? À ce stade, il y a encore beaucoup d’interrogations.

Alors que son prédécesseur Mack Sall avait maintenu de bonnes relations avec l’Occident et la France, quelle sera la ligne politique régionale et internationale envisagée par le nouveau président sénégalais ?

Le président Faye était, il y a quelques semaines encore, en prison. Avec Ousmane Sonko, c’est un nouveau tandem qui arrive au pouvoir. Peut-être doit-on leur laisser le temps de prendre possession de leur fonction respective. Pour l’heure rien n’indique qu’il y ait une volonté de rupture des relations avec l’Occident ou plus particulièrement la France, premier partenaire économique et financier du Sénégal. Le président Faye a du reste affirmé qu’il souhaitait « une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive ». Avouons qu’en 2024, cette requête en faveur de l’égalité et de la justice n’est pas franchement révolutionnaire, sinon pour ceux acquis à des relations de domination intégrée. Elle met juste en exergue un nécessaire recalibrage et rééquilibrage des relations. La France semble s’y résoudre. Le président Macron a affirmé qu’il se réjouissait de travailler avec les nouvelles autorités. Bien sûr, certains sont inquiets par rapport à des propos antérieurs plutôt durs tenus par Ousmane Sonko. Il y a deux ans encore, il déclarait sans ambages : « il est temps que la France lève son genou de notre cou », faisant référence au « let me breathe » de George Floyd et ajoutant « il est temps que la France nous foute la paix ». Il semble que depuis il ait sérieusement ripoliné son discours. Maire de Ziguinchor, il a soutenu et accueilli dans sa ville l’ouverture d’un magasin Auchan, pourtant considéré par certains comme un symbole de la tutelle économique française – rappelons que l’enseigne avait été saccagée et pillée durant les manifestations de mars 2021. Entre les discours dans l’opposition, parfois un brin démagogiques et populistes, et la réalité de l’exercice du pouvoir, il y a souvent un hiatus, ce qui du reste ne saurait être un tropisme africain… Est-ce qu’en cas de crise économique, un discours anti-français pourrait être investi par les gouvernants pour se défausser de tout bilan critique de leur propre politique ? C’est possible. Tout comme il est possible que la renégociation partenariale entre le Sénégal et la France permette de servir d’exemple à la réinvention des liens entre la France et les pays africains.

« Le système est souvent un fantasme collectif que la conquête du pouvoir cible et que son exercice réhabilite »

Thu, 04/04/2024 - 15:45

La victoire de Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle a été présentée au Sénégal aussi bien qu’ailleurs comme une rupture avec l’ère inaugurée par Léopold Sédar Senghor. Partagez-vous ce point de vue ?

Cela me semble être une lecture paresseuse, facile et rapide. Elle est du reste un récit que font pro domo les dégagistes, en oubliant une donnée majeure : les ruptures sont incarnées par des pratiques sur le long-terme ; les annonces sont souvent des prophéties trahies et c’est bien là quelque chose de factuel. Un Etat, c’est d’abord une continuité institutionnelle. Toute alternance est porteuse de rupture, de nouveauté, de nouveaux horizons, certes l’illusion d’une pureté nouvelle est contraire à ce qui fait la force des administrations, leur capacité à survivre à toutes tempêtes. Attribuer un quelconque magistère presqu’éternel à Senghor, comme substance d’un système inchangé, c’est accréditer l’idée que tout était plus ou moins condamné d’avance et les dés pipés. Une nation, un pays, un Etat évoluent, souvent dans une lenteur institutionnelle imperceptible. Les marqueurs de l’ère Senghor, si jamais on devait arriver à les nommer – bicéphalisme avec Dia, centralité étatique, socialisme – ne sont pas restés structurants pendant les magistères suivants.   Et si on reste dans une telle optique, c’est déresponsabiliser les gouvernants. Ce qu’on appelle  système est souvent un fantasme collectif que la conquête du pouvoir cible et que son exercice réhabilite immanquablement d’où d’ailleurs le sentiment de statu quo.  Bassirou Diomaye Faye a été bien élu, comme le furent avant lui Wade et Sall. Il lui reste de poser les actes d’une rupture avec les pratiques malfaisantes. Ce sont elles plus que le système, le nid des problèmes qui s’endurcissent avec le temps. Cela me paraît résolument plus pertinent que de pourchasser l’héritage de Senghor, c’est s’acharner sur l’ombre et pas la proie, préférer le confort des symboles à l’inconfort des faits.

Certains de ses partisans en commentant son élection ont déclaré : le Sénégal prend enfin son indépendance. Y a-t-il une part de réalité ?

C’est encore là la manifestation des euphories compréhensibles mais ivres et illusionnées. C’est presque nihiliste de supposer que les tous les hommes des régimes successifs, les intellectuels, les universitaires, les religieux, les artistes, les citoyens, n’ont jamais rien fait et se complaisaient dans une position d’allégeance. L’indépendance ne se proclame pas, elle se vit. Dans l’état actuel de notre économie, des flux de capitaux qui soutiennent encore l’édifice économique, d’un informel émietté qui ne donne pas de ressources majeures à l’Etat, les ambitions de souveraineté doivent répondre à un travail méthodique de longue haleine et à une habileté pour créer les conditions locales de la prospérité. Étant entendu qu’aucune autarcie, aucun isolement, aucune rupture avec le monde, et le flux des échanges, n’a jamais créé nulle part au monde, les conditions d’un essor. L’histoire regorge d’exemples de ce genre, les cités-Etats médiévales les plus développées étaient celles ouvertes au commerce du monde. Tout enclavement réduit la portée des échanges.  La notion d’indépendance devrait du reste être étudiée dans sa symbolique au Sénégal, avec la notion de « surga », qui montre la prévalence d’une dépendance interne qui, inéluctablement, influe dans les consciences.  L’indépendance est un horizon, sans illusion d’enfermement. On ne l’acquiert pas par un vote seul, fût-il démocratique mais par une ingénierie politique.

Le nouveau président  s’est présenté dans Le Monde comme un “panafricaniste africain de gauche”. Ce qui fait un peu penser à Cheikh Anta Diop. Parmi les soutiens de M. Faye figure Dialo Diop,  membre fondateur du Rassemblement National Démocratique (RND), le dernier parti politique créé par Cheikh Anta Diop. L’élection de ce nouveau président est-elle une forme de revanche de Cheikh Anta Diop sur Senghor?

Il y a bien longtemps que Cheikh Anta Diop a pris sa revanche sur Senghor. Il bénéficie d’une aura bien plus grande et il est plus cité. Mais attention également à ne pas épouser des récits tout faits. Wade comme Macky Sall ont revendiqué un ancrage panafricain, et Senghor davantage avec le FESMAN, les NEAS et il a fait de la capitale Dakar, le refuge et le havre d’un dialogue avec les Haïtiens entre autres. Il ne faut pas toujours dans une dynamique conflictuelle de segmentation du panafricanisme. Senghor est déjà condamné par le tribunal de l’histoire, mais ensevelir tout son héritage serait contre productif et bien injuste. La notion de panafricanisme de gauche est une habile trouvaille, c’est un pléonasme, parce que  le panafricanisme est du côté de la justice, de la solidarité et de l’égalité. Mais très souvent, au pouvoir, il a trahi, l’exemple de Sékou Touré étant le plus emblématique des glissements où le pouvoir devient autoritaire, répressif, fermé à l’ouverture et ne gardant plus du panafricanisme comme identité vidée. La vigilance doit être de mise pour que les mots comme l’histoire ne soient pas tronqués.

“Senghor ne doit pas être l’obsession du nouveau régime, ce serait une terrible erreur. Il a reçu un plébiscite, avec une plateforme formidable pour construire, il serait mal inspiré de s’assombrir avec l’énergie sombre de la rancœur. La terre espérée de l’homme c’est l’avenir, pas farfouiller dans les tombes.”

Y a-t-il nécessité selon vous de réhabiliter Senghor et sa pensée ?

Il n’y a jamais besoin de réhabiliter un penseur. Très souvent le temps lui donne raison. J’ai écrit un long portrait de Senghor dans SenePlus qui dit ce que je pense de lui, sans admiration ni haine. Il faut toujours lire, critiquer pour éviter l’idolâtrie : carence pathologique de la pensée.

Senghor est présenté ou caricaturé comme le symbole de la soumission à la France ou jugé trop universel. La nouvelle ère qui s’ouvre sera-t-elle synonyme de repli identitaire comme certains le craignent ou plutôt de rééquilibrage ?

Je n’ai aucun catastrophisme avec le régime qui arrive. Je lui souhaite de réussir, tout en étant conscient que cela sera dur au vu des attentes. Je ne crains ni repli, ni racornissement de notre identité. Il serait bien vain de nier que Senghor avait des relations énamourées avec la France et que cela a influé dans sa gouvernance. Tout comme il faut se garder de condamnation définitive, il faut se garder de promettre l’échec au nouveau régime. Senghor ne doit pas être l’obsession du nouveau régime, ce serait une terrible erreur. Il a reçu un plébiscite, avec une plateforme formidable pour construire, il serait mal inspiré de s’assombrir avec l’énergie sombre de la rancœur. La terre espérée de l’homme c’est l’avenir, pas farfouiller dans les tombes.

Enfin, votre dernier essai s’intitulait  « Les Bons Ressentiments ». Ces bons ressentiments ont-ils été palpables dans la séquence politique que nous venons de vivre ?

Je ne parlerai pas de bons ressentiments. Tout est prématuré pour l’instant pour statuer. Je parlerai de révolutions conservatrices. C’est ce qui a cours partout sur le globe. La défiance contre des élites, et le retour souhaité à des valeurs anciennes. C’est un bouleversement tant le conservatisme a toujours été populaire avec un État qui osait l’impopularité d’aller à rebours. Ce qui change c’est que le conservatisme est porté par l’Etat qui devient une caisse de résonance et pas de régulation de la foule. Beaucoup s’en réjouissent. J’ai plein de doute, pour dire le moins.

Propos recueillis par Adama Ndiaye pour Seneweb.com

Guerre en Ukraine : questions de crédibilité

Thu, 04/04/2024 - 11:06

Aucune éclaircie en vue sur le front ukrainien. Un relatif statu quo après l’échec russe de parvenir à Kiev et l’échec de la contre-offensive ukrainienne de reconquérir le Donbass, auquel s’ajoute les inquiétudes sur l’engagement à long terme de Washington, l’absence d’alternative à Vladimir Poutine à espérer à Moscou, et des Européens qui restent malgré tout assez soudés entre eux et solidaires de Kiev.

Qu’est-ce qui est en jeu en Ukraine ? Dans le discours occidental, il s’agit avant tout de nos valeurs. Nos valeurs, bien sûr, puisqu’il y a une guerre d’agression, il faut la nommer telle qu’elle est : une conquête de territoires par la force dans laquelle de surcroit des crimes de guerre documentés ont été commis. Mais ce n’est pas uniquement pour défendre nos valeurs que nous sommes engagés aux côtés de l’Ukraine, il faut le reconnaître. Sur d’autres territoires, dans d’autres conflits, nos valeurs sont également mises en cause et nous ne disons rien, ou peu de choses, et surtout nous n’agissons pas. C’est tellement visible sur le conflit israélo-palestinien. La promptitude des chancelleries occidentales à condamner les crimes de guerre – inadmissibles – commis par l’armée russe en Ukraine, la régularité avec laquelle ils sont évoqués dans les médias, contrastent avec la timidité de la dénonciation des crimes de guerre sur Gaza, qui sont de surcroit commis sur une population civile soumise à un blocus et à une famine organisée. Combien de minutes d’images sur les chaines d’info permanente, combien de « unes » de journaux sur l’Ukraine ? Combien sur Gaza ?

Les États occidentaux n’ont pas le même investissement pour aider des pays autres que l’Ukraine, qui font pourtant également face à des conquêtes territoriales ou à des crimes de guerre. Cela s’explique parce le fait que ce conflit se déroule sur le continent européen. Mais aussi parce que la Russie est un rival géopolitique. Dans le conflit en Ukraine, les Occidentaux agissent également par intérêt. Car si les valeurs qu’ils défendent sont de principes universels – violation du droit international, violation des droits humains, de crimes de guerre, etc. – pourquoi autant d’émotions concernant l’Ukraine et autant d’indifférence sur le Nord Kivu, le Soudan, la Birmanie, etc. ? Il n’est pas honteux d’avoir des intérêts. D’ailleurs, si on ne les assume pas, il se crée un climat de soupçons autour des motivations de notre positionnement. Certes, les Occidentaux se mobilisent pour défendre leurs valeurs, mais également pour défendre leurs intérêts mis en cause en Ukraine. Et c’est avant tout pour cela qu’ils s’opposent à la Russie. C’était tout ce que je développais dans le premier chapitre de mon livre publié le 30 août 2023 Guerre en Ukraine, l’onde de choc géopolitique (Eyrolles, août 2023). Mais le débat sur ce point a été largement occulté dans l’espace médiatique, un peu moins sur les réseaux sociaux.

Les pays occidentaux ont fourni des efforts conséquents pour aider l’Ukraine afin de défendre leurs intérêts. Ils consacrent des sommes importantes tout en subissant le contrecoup économique de la guerre, comme le reste du monde. Ils ont abandonné des avoirs importants en Russie – qui ont fortement aidé Vladimir Poutine qui a pu redistribuer à des obligés, anciens ou nouveaux, 100 milliards d’avoirs abandonnés par les Occidentaux – ne voulant pas apparaître, notamment face aux accusations de Volodymyr Zelensky, comme complices de l’effort de guerre russe.

Cet engagement s’accompagne de multiples déclarations indiquant que la crédibilité occidentale est mise en jeu dans cette guerre. De ce fait, il leur est impossible de rester sans rien faire, et ils ne peuvent accepter un cessez-le-feu dans les conditions actuelles, comme le demandent les pays du Sud. Un cessez-le-feu, à l’heure actuelle, signifierait le maintien de conquêtes territoriales opérées par la Russie depuis le 24 février 2022 et même depuis 2014 puisque la souveraineté de la Russie sur la Crimée n’est pas reconnue.

À force de répéter à de multiples reprises que leur crédibilité stratégique était en jeu, les pays occidentaux ont transformé une déclaration de principe en réalité factuelle. Si la guerre s’arrêtait dans les conditions actuelles, l’Occident aurait perdu une grande partie de sa crédibilité stratégique à ses propres yeux, auprès de la Russie et à l’égard du reste du monde, y compris de la Chine. Ils veulent donc maintenir leur soutien à l’Ukraine pour ne pas entamer cette crédibilité et que l’Ukraine ne tombe pas dans l’escarcelle de la Russie.

Jusqu’où les Occidentaux sont-ils prêts à aller ? Le problème, c’est que si les choses continuent ainsi, la guerre risque de durer longtemps. L’idée selon laquelle il faudrait franchir un pas pour aider l’Ukraine se répand. Il s’agirait non pas de maintenir le statu quo actuel, mais de gagner la guerre et ainsi de récupérer les territoires que l’Ukraine a perdus en envoyant des troupes occidentales pour inverser le rapport de force, tant en termes d’équipements militaires que d’un point de vue démographique. L’idée de « préparer la guerre si l’on veut la paix » et de ne pas renoncer à cette option progresse donc. Mais, très souvent, à préparer la guerre, on n’obtient difficilement la paix.

L’histoire fournit de nombreux exemples de situations dans lesquelles, au nom de ce principe si vis pacem, para bellum, la guerre a été précipitée. L’engrenage devient parfois incontrôlable. Il est certain qu’il faut garder une position de fermeté à l’égard de la Russie, encore faut-il savoir où l’on fixe le curseur. Doit-on se limiter à l’envoi de matériel ou aller jusqu’à l’éventuel envoi de troupes ? Je m’étais déjà exprimé à ce propos : la deuxième option, c’est prendre le risque d’une guerre directe contre la Russie, guerre directe que les Occidentaux ont toujours soigneusement évitée pendant la guerre froide entre blocs soviétique et américain, entre OTAN et Pacte de Varsovie. Il semble difficilement envisageable de rétablir la conscription, ou d’envoyer toute la jeunesse française combattre en Ukraine. Cependant, envoyer ne serait-ce que quelques milliers de soldats en Ukraine revient à prendre le risque d’un affrontement direct avec la Russie et ainsi d’ouvrir la boîte de Pandore. Le président de la République française, au nom de l’ « ambiguïté stratégique », n’a pas voulu exclure cette possibilité. Il a tenté – en vain – de faire bouger le président des États-Unis et le chancelier allemand sur ce point, ce qui aurait constitué un tournant stratégique. La plupart des commentateurs français ont applaudi cette tentative, et considéré que ceux qui s’y opposaient étaient – a minima – des lâches. L’opinion française s’est alarmée et y est hostile à 74%[1].

Les intérêts vitaux des Occidentaux sont-ils en jeu en Ukraine ? Non, si leur crédibilité l’est bel et bien, cela n’implique pas nécessairement les intérêts vitaux occidentaux. Est-ce que la Russie risque, comme le disent beaucoup, d’attaquer les pays de l’OTAN une fois qu’elle aura digéré l’Ukraine ? Et dans ce cas-là, ne faut-il pas déjà préparer la guerre, voire prendre les devants ou avoir une base avancée de militaires de l’OTAN en Ukraine ? Une agression russe contre un pays de l’OTAN semble peu probable. Joe Biden, qui exclut l’envoi de troupes en Ukraine, a maintes fois répété que si le moindre centimètre carré d’un pays de l’OTAN était attaqué, les États-Unis et leurs alliés réagiraient militairement. Certains pourront rappeler que l’ensemble des spécialistes de la Russie, et Volodymyr Zelensky lui-même, ne pensaient pas que la Russie entrerait en guerre en Ukraine. Cependant, entrer en guerre contre l’OTAN, c’est autre chose. Soit l’OTAN est effectivement « l’alliance la plus formidable de tous les temps » et l’écart de puissance et de moyens avec la Russie dissuade Moscou d’attaquer l’OTAN, soit l’organisation de défense est plus faible que ne le disent ses plus fervents partisans. Par ailleurs, rappelons que la France dispose de l’arme nucléaire. On ne peut pas à la fois dire que l’arme nucléaire sanctuarise la France et craindre d’être attaqués par la Russie. La France n’a pas craint d’être attaquée par l’Union soviétique au cours de la guerre froide. Elle devrait être dans le même état d’esprit à l’égard de la Russie aujourd’hui, par ailleurs beaucoup plus faible qu’à l’époque. La Russie est une puissance agressive, mais c’est aussi une puissance pauvre face aux membres l’OTAN.

À force d’affirmer que leur crédibilité stratégique était en jeu, face à l’échec de la contre-offensive ukrainienne, les Occidentaux sont confrontés à un choix entre des options dont aucune n’est agréable. Quelles sont les alternatives ? Attendre ? Poursuivre la guerre pour ne pas céder ? Chercher à inverser le cours de la guerre au risque d’une guerre générale contre la Russie ?  Il s’agit d’un risque à considérer et l’opinion française et plus largement occidentale ainsi que les dirigeants occidentaux ne soutiennent pas l’idée lancée par Emmanuel Macron. Le problème est d’avoir engagé la crédibilité occidentale sans avoir défini les buts de guerre. Peut-on gagner la guerre telle qu’elle est menée actuellement ? Cela semble aujourd’hui très improbable. Un effondrement de la Russie pourrait intervenir, mais ce n’est pas le scénario principal qui se dessine. À moins de prendre le risque d’un affrontement direct, le conflit risque de prendre la tournure d’une guerre de maintien des positions. Au mieux, l’armée ukrainienne pourra empêcher la Russie d’avancer, ou légèrement empiéter sur les positions russes. Avec du temps et beaucoup d’investissement, on pourrait travailler à combler le déficit de matériel militaire de l’armée ukrainienne face à l’armée russe. Mais il est peu probable que le Donbass soit reconquis, et encore moins la Crimée. Doit-on accepter une prolongation presque sans fin de ce conflit ? Est-ce que ce n’est pas un jour les Ukrainiens eux-mêmes qui vont demander à l’arrêter ? Les États-Unis ont reproché à l’armée ukrainienne de ne pas avoir prévu de consolider le front de manière défensive comme l’armée russe l’a fait à partir de l’automne 2022. L’Ukraine affirme ne pas l’avoir fait, car cela aurait été admettre de ne pas vouloir reconquérir les territoires tenus par la Russie. Elle le fait désormais et a entrepris de se doter d’un rideau défensif pour empêcher une nouvelle avancée russe.

Les Occidentaux ont fait beaucoup pression pour que la Russie mette en œuvre les accords de Minsk. Mais les pays occidentaux n’en ont jamais fait de même pour que l’Ukraine les mette en œuvre. L’ancien président ukrainien Petro Porochenko a refusé de les appliquer alors qu’il les avait signés au nom de l’Ukraine, au motif qu’il l’avait fait en position de faiblesse. Volodymyr Zelensky, qui avait fait campagne en 2019 en utilisant la langue russe, dans la perspective d’une paix avec la Russie, n’a pas été très allant sur ce point une fois parvenu au pouvoir. En décembre 2021, réunis à Paris, Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine tombent d’accord, sous l’égide d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel. Mais le président ukrainien change d’avis, sous la pression des plus radicaux de son camp à son retour à Kiev. Après le déclenchement de l’invasion russe, en mars 2022, Volodymyr Zelensky était prêt à faire un compromis avec Vladimir Poutine qui aurait remis les questions territoriales à plus tard au profit d’un cessez-le-feu immédiat.

L’Ukraine ne serait-elle pas en meilleure position aujourd’hui si elle avait accepté ces compromis jugés honteux à l’époque ?  Peut-être qu’un jour l’Ukraine acceptera cela. Et pour quels résultats la guerre aura-t-elle été prolongée ? Pour des morts supplémentaires tant du côté ukrainien que du côté russe. Le terme de négociation ne doit pas être un terme tabou, à l’instar du terme de cessez-le-feu. La question qui doit vraiment se poser et qu’on ne pose que trop peu est la suivante : y-a-t-il une chance minimale de pouvoir reconquérir les territoires perdus et que les buts de guerre de Volodymyr Zelensky puissent être atteints ? Ou ne va-t-on pas être réduit à accepter un cessez-le-feu, bien plus tard avec beaucoup plus de morts de part et d’autre ? De moins en moins d’Ukrainiens sont prêts à mourir pour le Donbass, n’en déplaise aux commentateurs français. L’enthousiasme initial pour sauver Kiev et garantir l’indépendance de l’Ukraine est moindre après 26 mois de combat, et face à l’objectif désormais de reconquérir le Donbass. J’ai mis en avant depuis longtemps que l’inégalité démographique était un facteur décisif dans ce conflit. C’est bien d’envoyer des armes à l’Ukraine, mais, à terme, elle va manquer d’hommes et de femmes pour les utiliser.

La crédibilité occidentale serait encore davantage atteinte si un cessez-le-feu devait intervenir dans les conditions actuelles, mais plus tard. Il faut parfois savoir limiter les pertes. Le scénario d’une victoire sans déclencher une guerre générale contre la Russie pour laquelle il faudrait faire preuve d’un peu de patience est certes intéressant, mais les responsables militaires ne semblent pas trop y croire. Si l’on pense que la victoire n’est pas certaine, alors il n’est pas interdit de réfléchir à des sorties prématurées du conflit. Il faut savoir ne pas s’enfoncer dans l’erreur en maintenant la même ligne. Il s’agit de questions importantes qui sont difficiles à poser. Jusqu’à quand faut-il accepter de maintenir le statu quo ? Est-ce que les Occidentaux doivent nécessairement calquer leurs buts de guerre sur ceux de l’Ukraine ? Les intérêts sont-ils alignés ? Dans quelle mesure dispose-t-on d’une vision claire sur la gestion de l’Ukraine et sur le débat interne qui s’y joue sur la conduite de la guerre ? Qu’en est-il du poids des oligarques, du degré de corruption, et de l’efficacité de la lutte contre cette dernière ?

Pourquoi les Occidentaux n’auraient-ils pas leur mot à dire sur les buts de guerre, au regard de leur participation et des coûts qu’ils subissent ? C’est de la taxation sans représentation. Les pays occidentaux soutiennent l’Ukraine, mais ne semblent pas avoir leur mot à dire. Il nous faut défendre nos intérêts et cela peut impliquer de ne pas suivre inconditionnellement le gouvernement ukrainien.

[1] Sondage Odoxa pour Le Figaro et Backbone consulting du 29 février 2024.

Cet article est également disponible sur le blog de Pascal Boniface ou Mediapart.

Haïti : quand la France, sous le regard bienveillant des États-Unis, obligeait les esclaves haïtiens à dédommager leurs anciens propriétaires

Wed, 03/04/2024 - 15:33

Haïti a payé sa liberté au prix fort. Au XIXe  siècle, la France a imposé une dette colossale à son ancienne colonie. Et le pays en subit encore les conséquences aujourd’hui.

Tout au long du XIXe siècle puis du XXe siècle, les esclaves haïtiens libérés par eux-mêmes à la suite de plusieurs révoltes et leurs descendants ont été contraints de payer une dette à leurs anciens maîtres français et à leurs familles, afin de les dédommager de la perte occasionnée. Un paiement exorbitant qui a condamné dès les origines la première république noire à la pauvreté et à un sous-développement chronique.

Dans un article publié en août 2022, France culture nous propose une excellente chronologie des événements dont je reprends brièvement ici les grandes lignes :

En 1791, les esclaves de Saint-Domingue, colonie française des Antilles, se révoltent dans l’île et abolissent l’esclavage.

En 1804, les esclaves – Bonaparte venait de restaurer l’odieuse institution – repoussent les Français et proclament l’indépendance de l’île qui devient Haïti.

Le 17 avril 1825, une flotte de navires français arrive au large de Port-au-Prince. L’escadre menace l’ancienne colonie d’un blocus et d’une intervention militaire. Après de longues négociations, un accord est finalement trouvé : Haïti devra payer une somme à la France pour qu’elle tienne ses navires éloignés et ne pénètre pas dans l’île afin d’en reprendre possession et d’y rétablir l’esclavage.

Le montant fixé par la France de Charles X est astronomique : 150 millions de francs-or, soit 10 fois le budget annuel du petit État.

La jeune république n’ayant pas les moyens de payer une telle somme, est donc contrainte d’emprunter à des taux d’intérêt très élevés… et à des banques françaises. Non seulement Haïti doit s’acquitter de cette somme, mais également de taux d’intérêt prohibitifs qu’implique l’emprunt qui va avec. C’est une mise sous sujétion économique sans précédant d’une ancienne colonie qui a osé se révolter.

Pour payer cette dette, le gouvernement haïtien lève de lourds impôts. Mais l’obligation assèche rapidement les finances de l’île qui investit ce qui lui reste dans des forts militaires, pour faire face à la menace d’une potentielle invasion française en cas de non-respect des échéances… De l’argent que le gouvernement aurait pu utiliser dans des infrastructures vitales pour le développement du pays.

En 1838, Louis-Philippe, « plus généreux » que son prédécesseur Charles X, accepte de réduire la dette de 150 à 90 millions de francs-or dans un accord nommé « Traité de l’amitié ».

L’argent haïtien sert donc à dédommager les grands propriétaires français de l’ex-colonie qui ont perdu leurs esclaves, mais une partie va également dans les caisses de l’État français. Le reste est capté par des banques via des emprunts toxiques.

Haïti ne terminera de payer la dette elle-même qu’en 1888 mais les intérêts, eux, ne seront complètement remboursés que dans les années 1950 !

C’est une amie, Michaëlle Jean, ancienne gouverneure-générale du Canada et ancienne patronne de la Francophonie, elle-même d’origine haïtienne, et à qui j’ai consacré un livre axé sur son mandat à la tête de l’OIF[1], qui m’a aidé à mieux comprendre ce scandale historique, aujourd’hui en grande partie oublié des Français.

Jean qui se souvient des exécutions publiques à Port-au-Prince du temps de la dictature de François Duvalier et du visage horriblement tuméfié de son père torturé par les Tontons Macoutes, se rappelle aussi très bien les discussions de ses parents à propos de cette créance que leur génération avait eu à acquitter.

En 2001, le président Aristide évoquait un manque à gagner total de 21,6 milliards de dollars pour Haïti, soit quasiment deux fois le PIB annuel de l’île au début des années 2020.

Les États-Unis, malgré leur soutien déclaré à l’indépendance d’Haïti et en dépit de la doctrine Monroe, ne sont jamais intervenus dans cette affaire, même une fois leur puissance devenue hégémonique sur le continent américain. Le maintien d’Haïti dans une situation économique précaire, correspondant à leurs intérêts économiques et géopolitiques dans la région des Caraïbes.

Il y a quelques années, une annonce a laissé croire que le Quai d’Orsay allait restituer aux Haïtiens l’indemnité que la France leur avait recelée. Il s’agissait bien sûr d’un canular, les Français n’ayant même pas encore à ce moment-là honoré leur engagement quant au fonds mis sur pied pour la reconstruction d’Haïti par les Nations unies à la suite du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Néanmoins, ce canular a eu le mérite de relancer un minimum le débat sur une affaire qu’il faut bien qualifier d’escroquerie historique et dont la réparation demeure, aujourd’hui encore, une revendication légitime.

Bien évidemment, la crise sans précédent que connait aujourd’hui Haïti ne trouve pas uniquement sa source dans le racket imposé par la France pendant plus d’un siècle. La plupart des gouvernements qui se sont succédé ces dernières décennies à Port-au-Prince ont une lourde part de responsabilité. Leur gestion inefficace et la corruption généralisée au sein des institutions haïtiennes ont contribué de manière significative à la perpétuation de la pauvreté endémique dans le pays. Cependant, il est crucial de ne pas négliger le rôle de la France, pays des droits de l’homme, qui a persisté à tirer profit, au détriment des Haïtiens, de la compensation pour la perte de ses esclaves jusqu’à la IVe République.

Il est curieux de constater que les médias américains semblent aujourd’hui non seulement plus préoccupés par l’effondrement d’Haïti que leurs homologues français, mais également plus conscients des responsabilités occidentales dans cette situation, comme l’a récemment démontré CNN en abordant justement ce scandale des esclaves haïtiens contraints de dédommager leurs anciens maîtres.

Il est également à regretter que la plupart des intellectuels français, occupés qu’ils sont par les différentes crises internationales que nous connaissons actuellement, ne puissent trouver le temps de tourner leur regard vers les Caraïbes. Tout cela n’est sans doute pour eux que menu fretin.

Certains d’entre eux évoquent la « solitude d’Israël ». Pour ma part, j’aimerais que l’on parle un peu plus de la solitude d’Haïti.

 

[1] Romuald Sciora, Femme vaillante – Michaëlle Jean en Francophonie, (Montréal : Éditions du CIDIHCA, 2021).

 

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Romuald Sciora dirige l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS, où il est chercheur associé. Essayiste et politologue franco-américain, il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et documentaires et intervient régulièrement dans les médias internationaux afin de commenter l’actualité. Il vit à New York.

Élections américaines : Donald Trump et la guerre des « deepfakes »

Wed, 03/04/2024 - 15:27

Il y a quelques semaines, on a vu se multiplier des images de campagne de Donald Trump posant avec des groupes souriants de supportrices et supporters noirs, un électorat dans lequel il espère progresser en novembre prochain dans les Etats clés, surtout chez les hommes et chez les jeunes. Or ces photos laissaient une impression étrange. En y regardant de plus près, comme l’a fait la BBC, on s’est aperçu qu’elles étaient fausses : les collages étaient grossiers, les doigts d’un protagoniste manquaient, un autre avait trois bras. Il n’empêche : ces visuels ont été largement partagés par de (vrais) partisans de Trump et des médias ultraconservateurs acquis à l’ancien président. Avec son aval, voire à son initiative ? Nul ne le sait.

En revanche, le candidat républicain a, lui, bel et bien diffusé, fin mars, une vidéo parodique mettant en scène Joe Biden pieds et poings liés à l’arrière d’un pick-up. Et son compte Instagram publie régulièrement des montages montrant par exemple un camion-benne estampillé « Biden-Harris » en feu ou encore le président démocrate déroulant le tapis rouge à une foule de migrants en pleine course pour franchir la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Et en matière de deepfakes, il n’y a pas que les images. En janvier, des électeurs et électrices du New Hampshire ont reçu un appel téléphonique dans lequel la voix trafiquée du président en exercice leur déconseillait de voter aux primaires démocrates de l’Etat (la chaîne NBC a révélé depuis qu’un consultant politique, embauché par la campagne d’un rival de Joe Biden à l’investiture démocrate, en était à l’origine).

Il n’en reste pas moins que, depuis la campagne de 2015-2016, Donald Trump n’a cessé de propager et promouvoir de fausses images violentes ciblant ses adversaires ou celles et ceux qu’il définit comme tels : balles de golf lancées à pleine vitesse pour percuter et faire chuter Hillary Clinton ou Joe Biden, Donald Trump maniant une batte de baseball à côté de l’image du procureur de Manhattan Alvin Bragg ou encore match de catch dans lequel il frappait et mettait à terre une personne travaillant pour la chaîne CNN.

L’intelligence artificielle (IA) va-t-elle donc trop loin ? En réalité, la problématique, toujours la même, est plutôt celle-ci, quelle que soit la technologie : éviter de confondre l’outil et les usages que l’on en fait. On pourrait penser que le but, avec les deepfakes, demeure celui de la parodie. Cela relèverait alors du registre de l’humour, liberté inaliénable en démocratie. Le degré de mensonge auquel le trumpisme, aidé par le modèle économique des algorithmes, a mené depuis bientôt huit ans contraint néanmoins à parler de propagande antidémocratique et à poser la question des relais de cette dernière.

Du mythe de l’élection volée de 2020 en passant par les insultes et les appels à la haine (contre les journalistes, les migrants, les juges et leur famille, les opposants politiques, les femmes qui l’accusent de violences sexuelles, etc.), Trump est passé maître dans la stratégie de brouiller tous les repères et d’induire l’électorat et les leaders d’opinion en erreur, en promouvant une fausse histoire et non des moindres : il serait au-dessus des lois et de la Constitution.

Ce qui pose la question, comme pour les campagnes de 2016 et 2020, de la régulation des logiciels et réseaux sociaux, qui ont toujours un temps d’avance dans l’usage des technologies. Les plateformes ne sont pas non plus en dehors de l’Etat de droit. Des accusations d’interférence dans le processus électoral peuvent, leurs dirigeants le savent, leur valoir de graves ennuis judiciaires.Le 13 mars, le générateur d’images Midjourney – par lequel de fausses photos du pape François en doudoune blanche, du président français Emmanuel Macron ramassant des poubelles ou de Donald Trump arrêté par des policiers sont devenues célèbres – a décidé de bloquer la fabrication de visuels de Trump et de Biden générés par l’IA dans le cadre de la campagne 2024. De leur côté, Facebook et Microsoft (pour OpenAI) viennent de déclarer qu’ils ajouteraient la mention « fabriqué avec l’IA » aux posts et aux images en lien avec la campagne. Et cependant, on apprend que Meta va supprimer, en août, le logiciel CrowdTangle qui aide les journalistes à débusquer la désinformation sur Facebook et Instagram…

Donald Trump a, pour sa part, déjà riposté : il affirme que le Lincoln Project, un groupe de républicains qui lui est opposé, publie des messages utilisant l’IA pour le mettre en défaut et le « faire passer pour aussi mauvais et pathétique que Joe Biden l’escroc ». Mais si les spots en question alignent gaffes, hésitations et confusions de l’ancien président dans ses meetings et ses interviews, toutes ont réellement eu lieu. Ce n’est pas du fake. Retourner, contre celles et ceux qui les formulent, les accusations et critiques dont il fait l’objet est une stratégie systématique de Trump. Histoire d’alimenter un peu plus le récit de sa persécution.

Par Marie-Cécile Naves pour Le Nouvel Obs.

Iran-Pakistan : un incident clos ?

Thu, 25/01/2024 - 17:32

Le 18 janvier, le Pakistan a mené des frappes sur le territoire iranien en réponse aux attaques iraniennes du 16 janvier sur les bases du groupe terroriste Jaish Al-Adl à Pangjur au Pakistan. Dans quel contexte s’inscrivent ces attaques ? Alors que la frappe iranienne s’inscrit dans une série d’attaques menées par la République islamique d’Iran au Moyen-Orient, quelle stratégie le pays poursuit-il dans la région ? Comment les tensions ont-elles été désamorcées par la voie diplomatique et comment la relation entre l’Iran et le Pakistan est-elle susceptible d’évoluer ? Le point avec Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran.

Alors que ces deux pays entretenaient des relations étroites, dans quel contexte s’inscrivent ces attaques ?

Cet échange de missiles entre l’Iran et le Pakistan a surpris tous les observateurs parce qu’il s’agit de deux pays musulmans qui depuis la Révolution iranienne ont de bonnes relations, avec des visites bilatérales régulières entre les dirigeants des deux pays. Mais il y avait déjà depuis longtemps des tensions, Islamabad et Téhéran s’accusant de ne pas en faire assez par rapport aux groupes autonomistes baloutches, qui sont présents dans les deux pays.

Il convient de replacer les événements dans leur contexte. Il y a quelques semaines, une attaque du groupe terroriste Jaish Al-Adl a été lancée contre un poste de police dans la province du Sistan-Baloutchistan faisant 11 morts. L’Iran a réagi en envoyant un missile, alors même que quelques heures avant, le ministre des Affaires étrangères iranien rencontrait son homologue pakistanais à Davos. Il faut également prêter attention au contexte régional et national de l’Iran. Il y a eu en très peu de temps cette attaque du groupe Jaish Al-Adl, mais aussi une attaque israélienne, qui a tué en Syrie un commandant Pasdaran de haut niveau jouant un rôle très important dans la politique régionale de l’Iran. À ces événements s’ajoute un attentat à Kerman qui a été revendiqué par l’État islamique et qui a tué au moins 90 personnes, même si les « durs » en Iran ont accusé Israël et les États-Unis d’être derrière cet attentat. En réaction, l’Iran a donc lancé une frappe contre le Pakistan, des missiles en Syrie contre des bases de l’État islamique et au Kurdistan contre ce que les Iraniens ont dit être un centre des services secrets israéliens. Téhéran a ainsi affiché sa volonté d’envoyer un message à ses ennemis actuels et potentiels dans la région pour signifier qu’elle détenait un moyen de réponse, notamment par l’intermédiaire de ses missiles. Par ailleurs, l’Iran traversant une crise politique intérieure depuis la fin 2022, les dirigeants iraniens ont souhaité montrer à la population iranienne que le pays avait la capacité de faire face à ces attentats terroristes.

Avec cette série de frappes iraniennes au Pakistan, en Irak, en Syrie et au Kurdistan, quelle stratégie la République islamique d’Iran poursuit-elle dans la région ?

La stratégie de la République islamique d’Iran dans la région n’a pas changé, même si les tenions dans la région sont montées avec l’éclatement de la guerre entre le Hamas et Israël : elle consiste à soutenir l’« axe de résistance » contre Israël. Contrairement à ce qui a pu être dit, il est peu probable que ces attaques changent cette politique. En revanche, alors que Téhéran avait pour habitude d’agir indirectement par l’intermédiaire de ses alliés, l’Iran s’est retrouvé en première ligne avec ces frappes balistiques, en Irak contre ce centre que Téhéran a déclaré utilisé par le Mossad, en Syrie contre des bases de l’État islamique et au Pakistan contre des membres de Jaish Al-Adl.

Si la stratégie de l’Iran de soutenir l’« axe de résistance » n’a pas changé, des critiques émergent à l’intérieur de l’Iran par rapport à ces frappes, notamment celles au Pakistan. Ces critiques dénoncent une surréaction de l’Iran à l’égard d’un « pays ami ».  Il est vrai que cette attaque de l’Iran contre le Pakistan a été une surprise mais elle peut s’expliquer notamment par le contexte politique en Iran. L’attentat perpétré à Kerman en janvier 2024 a été l’attentat terroriste le plus grave enregistré en Iran depuis la Révolution islamique, conduisant, comme pour n’importe quel pays devant faire face à un tel évènement, à un véritable traumatisme pour les Iraniens. Ainsi, il y avait sans doute un souci de la part du gouvernement de rassurer la population iranienne après toutes ces attaques sur la capacité de réaction et de protection du pays. En effet, le gouvernement iranien, déjà largement contesté depuis la crise politique de 2022, risquait de perdre encore de sa légitimité, s’il n’arrivait plus à assurer la sécurité de sa population.

Par conséquent, si l’on a assisté à une rupture par rapport à la politique étrangère iranienne de bonnes relations avec le Pakistan, la politique de soutien de l’Iran à l’ « axe de résistance », tout en évitant de tomber dans un conflit ouvert avec Israël ou les États-Unis, reste valable.

Appels à la désescalade d’Ankara et Riyad, incitation à la retenue de la part de Washington et des Nations unies, ou encore proposition de médiation chinoise… l’Iran et le Pakistan semblent désormais s’orienter vers une sortie de crise diplomatique, enrayant en partie la crainte d’une escalade du conflit dans la région. Comment les tensions ont-elles été désamorcées et comment la relation entre l’Iran et le Pakistan est-elle susceptible d’évoluer ?

Dès le début, les deux pays ne souhaitaient pas vraiment que cette crise, tout de même surprenante, prenne de trop grosses proportions. La déclaration du ministre des Affaires étrangères iranien juste après cette attaque iranienne montrait déjà la volonté de l’Iran d’éviter que la situation s’envenime. Il a précisé que l’Iran ne visait que des bases du groupe Jaish Al-Adl et qu’il ne s’agissait pas d’une attaque contre l’intégrité territoriale du Pakistan (alors que c’était manifestement le cas…). On voit très bien également qu’Islamabad a répondu en attaquant des bases de groupes baloutches, ennemis du Pakistan, basés en Iran. Il y avait donc une sorte de symétrie dans la réponse du Pakistan, preuve que le pays ne souhaitait pas non plus que cette crise prenne de plus grandes proportions, d’autant plus que le pays est à la veille d’élections législatives. Ce qui aurait été vraiment surprenant c’est que cette crise s’aggrave.

L’incident est donc clos, même si la question de l’activité des groupes baloutches reste posée. Il ne s’agit pas d’un problème nouveau, notamment du côté iranien puisque cela fait longtemps que les autorités iraniennes se plaignent auprès des autorités pakistanaises du fait que des groupes baloutches venant commettre des attentats en Iran possèdent des bases de repli au Pakistan.

Poutine va-t-il se lancer dans une nouvelle guerre ?

Thu, 25/01/2024 - 17:03

La Russie pourrait-elle lancer une guerre contre l’Allemagne et l’OTAN dans les années à venir ? Cette hypothèse a été évoquée par Boris Pistorius, ministre allemand de la Défense, le 19 janvier dernier, dans une interview accordée au quotidien allemand Der Tagesspiegel. Une telle crainte est toutefois à relativiser : Poutine s’est montré incapable de réaliser ses ambitions d’invasion totale de l’Ukraine et, depuis le début de la guerre, la position internationale de la Russie s’est considérablement affaiblie. Certes, en attaquant l’Ukraine, la Russie de Vladimir Poutine est devenue une puissance ennemie de l’OTAN, mais tout porte à croire qu’elle n’a pas les moyens de lancer une guerre de cette ampleur.

Kamala Harris à la Maison-Blanche d’ici l’été ?

Wed, 24/01/2024 - 15:45

Les couloirs du Congrès bruissent de nouvelles rumeurs selon lesquelles Joe Biden envisagerait de quitter la Maison-Blanche avant l’été, ouvrant ainsi la voie à sa vice-présidente pour la présidentielle de novembre.

L’idée semble ingénieuse. Imaginons le scénario : Joe Biden, candidat discrédité, dégringolant chaque jour un peu plus dans les sondages, annonce son retrait pour raisons de santé. Du jour au lendemain, Kamala Harris devient la première femme à occuper le Bureau ovale. Une dynamique puissante s’installe, faisant de la convention démocrate une balade pour elle, aucun démocrate sérieux ne voulant rivaliser avec la présidente en titre. Sa victoire en novembre 2024 assurerait alors au parti de l’âne de conserver le Sénat, voir peut-être même de regagner du terrain à la Chambre des représentants.

Pas mal sur le papier. Mais je n’y crois pas. Non pas que la chose me déplairait. Bien au contraire. Nous assistons aujourd’hui à l’une des pires présidences démocrates de l’histoire récente. Il faut remonter jusqu’à Grover Cleveland pour voir quelque chose de pareil. Même Carter ressemble à un champion face à Biden. Et cela quoiqu’en disent les observateurs français qui ont bien souvent une vision biaisée de la situation.

Voir le sieur Joseph Robinette Biden, Jr tirer sa révérence au profit de Kamala Harris, ne pourrait donc que me réjouir. Au moins, le contribuable américain que je suis n’aurait plus à financer le White Housse Anti-Gaffe Squad attaché aux basques du 46e président des États-Unis ! Mais cela n’arrivera pas. En tout cas, pas de cette manière.

Et cela tout simplement parce que Biden et son entourage immédiat ne peuvent pas encadrer Harris. Les violentes et souvent justifiées attaques de celle-ci durant la campagne des primaires de 2020 à l’encontre de l’ancien vice-président de Barack Obama ont laissé de profondes cicatrices. Depuis, Biden ne s’est jamais vraiment pardonné d’avoir cédé aux pressions de ceux qui l’avaient poussé à prendre l’élue californienne comme colistière. Le mot d’ordre a donc été pendant longtemps de faire payer « celle qui n’a été choisie que parce qu’issue des minorités » en l’éloignant des centres de décision et en l’isolant le plus possible sur la scène politique intérieure. La voir rempiler une seconde fois sur le ticket démocrate est déjà dur à avaler, alors lui offrir la présidence sur un plateau d’argent, c’est non ! Faut quand même pas pousser mémé – ou plutôt pépé – dans les orties.

Et c’est bien dommage. Car que cela soit comme sénatrice ou comme procureure générale de Californie, Kamala Harris a su faire preuve à plusieurs occasions d’une ténacité et d’un courage exemplaires ainsi que d’un vrai sens politique. Qualités qui ne sont pas si courantes au sein de l’actuelle administration américaine. On se croirait presque revenu au temps où un Kennedy jaloux marginalisait un Lyndon Johnson pourtant destiné à devenir le dernier grand président américain – du moins pour ce qui est de la politique intérieure.

Alors, s’il est donc peu probable selon moi que l’équipe de la Maison-Blanche soit à l’origine des rumeurs de départ de Robinette, d’où celles-ci peuvent-elles bien provenir ? D’ennemis cachés qui cherchent à humilier le président en mettant en avant son état de santé dégradé et son Alzheimer ? De démocrates qui redoutent par-dessus tout de voir Biden s’enliser dans une campagne présidentielle qu’il ne peut que perdre – imaginez les trois débats face au Donald ! – et qui espèrent qu’à force d’être répétée cette possible fausse information de retraite anticipée finisse par influencer le réel ?

Je n’ai pas la réponse à cette question, mais ce qui est pour moi une quasi-certitude, c’est que si Joe Biden continue à s’accrocher à son poste comme une moule à son rocher, c’est l’instigateur du coup d’État raté du 6 janvier 2021 qui fera son entrée à la Maison-Blanche l’année prochaine.

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Romuald Sciora dirige l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS, où il est chercheur associé. Essayiste et politologue franco-américain, il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et documentaires et intervient régulièrement dans les médias internationaux afin de commenter l’actualité. Il vit à New York.

Réarmement : quelle concurrence pour l’industrie de défense européenne ?

Wed, 24/01/2024 - 12:39

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les États européens ont dépensé 170 milliards d’euros pour se réarmer. Quelle est la situation de l’industrie de défense européenne et française dans ce contexte ? Comment expliquer ce besoin de réarmement européen ? Quels sont les concurrents de l’industrie de défense européenne ? Quel problème cela pose-t-il pour la construction de l’Europe de la défense et pour la perception de la France comme partenaire de défense ? Autant d’enjeux sur lesquels revient Louise Souverbie, chercheuse à l’IRIS, dans le cadre des chroniques « Vu d’Europe ».

China’s rise is a matter of concern for US, but not a problem for France

Wed, 24/01/2024 - 12:23

How do you evaluate the development of China-France exchanges over the past 60 years? What do you think is the most prominent achievement?

It’s a long way and a historic progress for France and China. There are many changes. Of course, France is not what it used to be in 1964, but we are more or less the same kind of country, while China is totally different from that time.

There are different steps in our cooperation. In the beginning, France was allied with the US, nevertheless, we have decided to be independent, not to rely on the US for our own security. Meanwhile, given the big differences in economic and political systems, China and France have decided to work together to enlarge our room to maneuver.

China is now the second biggest economy in the world, and maybe it could be No.1 in a few years. But the desire to cooperate, though there is a difference in political systems, is still the basis of our relationship. So sometimes we are partners, sometimes we could be rivals, but we have both accepted our differences.

In April last year, French President Emmanuel Macron tweeted about his trip to China on social media, saying that « there is so much for us to do together. » What does he mean by saying « so much for us to do? » Which fields are promising in our future cooperation?

We have many fields that we could cooperate in, for example, both China and France are fighting against climate change. It’s a priority for our two countries. Therefore, we have been working together since the Paris Agreement in 2015. We also called for common interest to contribute to African development. Meanwhile, we are also coming into other peaceful settlements of conflict and working together at the UN Security Council to try to find a solution to the most important conflicts, both in Gaza and between Russia and Ukraine.

France and China have differences, but we have decided to keep in contact and try to find a common solution. And France doesn’t want to follow the American policy against China. France is reluctant to include China in the NATO agenda. As President Macron once said, NATO is an organization that concerns the North Atlantic, China has little to do with the North Atlantic. Both France and Europe have to set freely and independently their own policies toward China and not follow blindly Washington’s policy.

President Macron recently announced France’s decision not to join the US-UK joint strikes on Houthi sites in Yemen. You once said that the alliance with the US makes it difficult for France to back down, as history has proven many times. And that « the time when Europe just obeys the US is over. Europeans must define their own policy by themselves. » How do you see the prospects for French and European strategic autonomy? To what extent can France and even Europe get rid of dependence on the US?

To be frank, it is true that since the beginning of the war between Russia and Ukraine, it has been much more difficult to plead for European strategic autonomy.

European countries want to stick to NATO policy, so for the time being the European society is brain dead but this could change again, notably if Trump is elected in November. But regarding the specific issue of the Houthis and the strikes on Yemen, France considers that it’s not a good solution, and it could only widen the problem, because the Houthis won’t be deterred by the US and the UK’s strikes. They will react even more strongly. So we will agree to provide a protective shelter over the boats that pass through the Red Sea, but not to make strikes on Yemen, otherwise, the situation will deteriorate.

How do you see the possibility of a cease-fire between Russia and Ukraine in 2024? Europe is considered to be the biggest victim of the Russian-Ukrainian conflict, how much will it affect Europe if it continues? How can China and France cooperate in promoting a cease-fire?

Honestly, these goals are desirable, but they are just impossible to reach. Maybe in a couple of months, the situation will change. The Western countries can give military help to Ukraine, but they don’t want to send troops.

How will the tension between the US and China affect the development of France itself and China-France cooperation? What does France’s emphasis on strategic autonomy mean for China-France and China-EU relations?

The French position is that there is a worry between China and the US. In fact, the main reason is not the difference of regime, but China’s rise. So it’s a matter of concern for the US, but it’s not a problem for France. When I began to work on strategic issues in the 1980s, France was richer than China, and now it’s the contrary. But this doesn’t hinder the establishment of good relations. We are not fighting for world supremacy. Between the US and China, there is a rivalry for being the No.1 in the world. Therefore, the American perspective and the French perspective are not the same.

You have also mentioned that France should not transform China into a systemic enemy. Why did you say that? Currently, there are various versions of the « China threat » theory in Europe, such as the threat of China’s electric vehicles, the threat of China’s wind power, etc. Which forces are hyping the « China threat » and pushing to turn China into an enemy?

China is a friend, it’s also an economic competitor. We have an unbalance in trade between our two countries. Therefore, its market must be more open. If we have a strong economic exchange with China, many French producers are happy to have access to the Chinese market. China could be a rival, could be a competitor, but  »enemy » is not the correct word to describe China.

Wu Bowei contributed to this interview for Global Times.

« Trotskisme, histoires secrètes. De Lambert à Mélenchon » – 4 questions à Denis Sieffert

Wed, 24/01/2024 - 11:32

Denis Sieffert, éditorialiste et ancien directeur de Politis, répond aux questions de Pascal Boniface à l’occasion de la parution de son ouvrage Trotskisme, histoires secrètes. De Lambert à Mélenchon, co-écrit avec Laurent Mauduit, et publié aux éditions Les Petits matins.

Comment expliquer que les Lambertistes ne se soient pas mobilisés contre la guerre du Viêtnam, contrairement à l’ensemble des composantes de la gauche ?

On ne peut pas dire que l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI), le mouvement lambertiste de l’époque, ne se soit pas mobilisée. Mais l’OCI n’a pas été en tête des manifestations, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y avait comme un embarras sur la question. La résistance vietnamienne était dirigée par le Vietminh, le parti communiste fondé par Hô Chi Minh. Un parti stalinien, selon l’OCI, et qui avait assassiné le leader des trotskistes vietnamiens Ta Thu Thau, en 1945. Les slogans à la gloire de Hô Chi Minh heurtaient profondément les lambertistes. On retrouvait la même quête de « pureté » idéologique qui avait déjà conduit Lambert à s’opposer au FLN algérien, jusqu’à nier son rôle dirigeant dans la guerre d’indépendance. Comme si l’anticolonialisme ne suffisait pas, il fallait en plus que le mouvement de libération nationale, qu’il soit algérien ou vietnamien, soit trotskiste ou « trotskisant ».  Ce qui a conduit l’OCI à un isolement à gauche, alors que la mobilisation contre la guerre du Viêtnam a structuré toute une génération. De même, l’OCI n’a pas donné la priorité à l’Amérique latine à une époque où les États-Unis de Nixon et de Kissinger promouvaient les dictatures militaires dans le cadre de l’opération Condor. Là encore l’OCI n’a pas été en première ligne, sans être totalement absente non plus. C’était une faute politique et morale qui résultait de l’idée que l’anti-stalinisme était la priorité absolue. De plus, les lambertistes critiquaient fortement la fascination que la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), la grande rivale trotskiste, pouvait avoir pour la guérilla. Les lambertistes étaient favorables aux mobilisations ouvrières de masse, et étaient hostile à la guérilla. En Amérique latine, l’OCI soutenait les mouvements sociaux. Elle s’est beaucoup mobilisée notamment pour les mineurs en grève en Bolivie et au Pérou.

Y-a-t-il eu des combats géopolitiques spécifiques du trotskisme ?

Les lambertistes privilégiaient l’anti-stalinisme. D’où de fortes mobilisations pour la libération des prisonniers politiques en URSS, et contre la répression des révolutions politiques à Budapest, Prague, puis en Pologne aux côtés de Solidarnosc. Elles ont été ponctuées par de grandes victoires, comme la libération du mathématicien Léonid Pliouchtch emprisonné dans un hôpital psychiatrique spécial. Cela a minoré la mobilisation de l’OCI contre l’impérialisme américain. Mais il y avait une certaine cohérence dans son analyse puisque, pour l’OCI, les Partis communistes, aux ordres de Moscou, étaient devenus les obstacles principaux à la révolution. On aperçoit l’ambiguïté d’une telle position, entre antistalinisme et anticommunisme. Ce qui plaide en faveur de l’OCI, c’est que cette organisation a toujours fait la différence entre la bureaucratie stalinienne et l’URSS en tant que telle, héritière de ce que les lambertistes appelaient « les acquis de la révolution d’Octobre ». C’était en fait une illusion, car on a bien vu que le Mur de Berlin a emporté dans sa chute les acquis d’Octobre et recyclé la bureaucratie en oligarchie et en mafia.

 Sur le plan stratégique, les néoconservateurs reprochent à Jean-Luc Mélenchon son anti-américanisme… Vous aussi ? 

C’est le caractère systématique de l’antiaméricanisme que l’on peut critiquer chez Mélenchon. Surtout quand cela le conduit à manifester une indulgence coupable pour Vladimir Poutine. Mélenchon est ce qu’on appelait autrefois un « campiste ». Il est toujours antiaméricain. C’est pavlovien, et cela l’entraine parfois du mauvais côté de l’histoire, de Poutine à Maduro, au nom de l’adage « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Il a ainsi tendance à apprécier les régimes autoritaires issus du camp communiste. On le trouve plutôt du côté de Xi Jinping que des Ouïghours ou des Tibétains.

Comment expliquer que Jean-Luc Mélenchon, qui a longtemps été réticent à s’exprimer sur le conflit israélo-palestinien, ait pris un tournant radical ? 

C’est, pour partie, l’héritage du lambertisme. Le conflit et la guerre civile au Liban faisaient l’objet d’articles très dogmatiques, mais le désintérêt était tel que l’OCI n’a pas hésité à liquider l’organisation trotskiste israélienne. Le leadership palestinien était aux yeux des lambertistes trop lié à Nasser, puis à Moscou et à Pékin. Toujours cette exigence de pureté idéologique. Il y avait aussi une erreur d’analyse en ce qui concerne le syndicat israélien Histadrout. L’OCI le considérait comme un syndicat ouvrier, ce qui résultait d’un lien étroit avec la gauche travailliste israélienne, alors que les trotskistes israéliens le voyaient comme un instrument du colonialisme. C’est eux qui avaient raison. Mélenchon était éloigné de ces débats, ou inconsciemment sous l’emprise de l’analyse lambertiste. Son intérêt soudain pour la cause palestinienne a surtout à voir avec la situation en France, et l’avantage qu’il croit pouvoir tirer électoralement d’un discours d’apparence radicale. Mais refuser de reconnaître le caractère terroriste du Hamas est une faute politique et morale. Il faut ajouter des conflits avec les dirigeants du Crif qu’il a vécus affectivement. Il réagit alors très maladroitement, sans avoir tort sur le fond, car il sut vite intégrer des connaissances historiques qu’il n’avait pas, et caractériser le conflit israélo-palestinien comme un conflit colonial. Au total, ses maladresses et ses fautes sur le Hamas lui ont valu des soupçons d’antisémitisme injustes. Il aurait pu avoir sur le sujet une parole forte et rationnelle, il a cédé aux excès de langage, et c’est dommage pour toute la gauche.

 

Gaza : vers une trêve ? Mais après ?

Tue, 23/01/2024 - 18:11

Les événements s’accélèrent à Gaza. Israël vient de connaître son plus lourd bilan humain en une seule journée : 24 soldats tués. Sous la pression des familles des otages et de la société israélienne, Benjamin Netanyahou semble prêt à accepter une trêve humanitaire de deux mois en échange de la libération de tous les otages détenus par le Hamas, mais toujours pas de cessez-le-feu. Mais sans réelle pression, ni même de sanctions internationales, il garde les mains libres pour poursuivre sa guerre et se maintenir au pouvoir. Quelles seront les perspectives de sortie du conflit après la trêve ? Le maintien d’un état de confrontation, au risque d’alimenter violence et terrorisme, ou la mise en place d’un véritable moyen de coercition de la part de la communauté internationale pour assurer la coexistence des États palestinien et israélien ?

Guinée : la fin des promesses

Tue, 23/01/2024 - 12:45

Multiplication des violations du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, banalisation de la répression, gestion autoritaire de l’espace public, rumeurs de scandales financiers… La junte guinéenne s’éloigne de ses premières promesses de changement et de promotion des valeurs démocratiques. Au point de semer le doute sur le respect du calendrier de la transition.

En février 2023, Mamadi Doumbouya, le chef de la junte guinéenne affirmait solennellement son engagement à « rendre le pouvoir aux civils à l’issue de la transition, fin 2024 ». Celui qui a renversé le pouvoir du président Alpha Condé, le 5 septembre 2021, précisait alors : « Nous allons bien sûr organiser la transition mais nous ne ferons pas partie de l’après-transition. Pour nous, c’est clair et ça doit l’être ». Ces propos, souvent réitérés, ont contribué à présenter, aux yeux de l’opinion, la situation en Guinée, depuis le putsch de 2021, comme une « exception », en comparaison avec les juntes du Mali et du Niger, soupçonnées de vouloir prolonger indéfiniment leur séjour au sommet de l’Etat. D’ailleurs, pour signifier sa démarcation programmatique à l’égard de ses « frères d’armes »maliens et burkinabè, tout en exprimant sa solidarité envers eux, le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement, organe dirigeant de la junte guinéenne), avait, au début de l’année 2023, courtoisement signifié son refus d’adhérer au projet d’une « fédération » réunissant les trois pays. Ainsi, quelques mois plus tard, la Guinée prendra définitivement ses distances avec la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), réunissant le Mali, le Burkina Faso et le Niger,dirigés par des régimes issus de putschs.

Vague d’arrestations de journalistes, restriction d’accès à Internet…

Mais, si le CNRD n’a cessé de multiplier les gages d’un respect du calendrier de la transition devant déboucher, en 2024, sur des élections et un retour à un régime civil, l’opinion a commencé à exprimer ses doutes depuis le deuxième semestre 2023. Premier signal embarrassant, l’évocation, par les autorités, du budget du programme des activités menant à la fin de cette transition. Quelque 600 millions de dollars sont attendus de divers partenaires, sans que l’on sache réellement le contenu précis du cahier des charges etles sources escomptées de financement. Où en est le gouvernement, huit mois après l’énoncé de ce chiffre ? En réponse à cette question, le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, s’est contenté de déclarer récemment : « Je n’ai pas les détails des contributions, puisque ce n’est pas de mon niveau, mais je sais quand même que les Etats-Unis, l’Union européenne, et d’autres partenaires ont commencé à mettre quelque chose ». Rien de bien précis, donc. Alors que les opérations de recensement de la population ne sont pas encore programmées, difficile, à l’heure actuelle, de déceler les signes d’un chantier d’achèvement de la transition. Difficile aussi d’avoir la moindre indication de calendrier pour le référendum constitutionnel prévu, ou encore la probable adoption d’un nouveau code électoral… En attendant, le gouvernement semble regarder ailleurs, insistant davantage sur ses projets de construction d’infrastructures afin de « marquer son passage » auxcommandes de l’Etat. De plus, le pouvoir souhaiterait voir la conclusion des procédures judiciaires en cours à l’encontre de certaines figures du régime renversé. Sans compter cette antienne de « refondation de l’Etat », inscrite dans son programme d’actions et dont nul ne saurait aujourd’hui cerner les contours et moins encore l’agenda. D’autant que l’on se demande toujours s’il est du ressort d’un régime de transition de refonder l’Etat…

Particulièrement inquiétant, le raidissement de l’Etat envers les espaces d’expression des libertés individuelles et collectives. Arrestations et incarcérations de journalistes, fermetures, suspensions et brouillages de médias -presse écrite et audiovisuelle-, restriction de l’accès à Internet, contrôle et contraction du territoire d’activité des partis politiques… Toutes choses aux antipodes de la profession de foi formulée par la junte après son putsch contre un régime liberticide et massivementdécrié. Aux journalistes protestant le 18 janvier dernier contre les atteintes à l’exercice de leur métier, le pouvoir a réagi par une vague d’interpellations et une brutalité pleinement assumée. Ce bras de fer entre les professionnels des médias et les autorités de la transition met en relief le refus de toute forme de contestation par la junte, qui a interdit les manifestations revendicatives depuis 2021. Elle avait dans le même temps prononcé la dissolution du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui fut le fer de lance de la vague de protestation contre le régime déchu du président Alpha Condé. La dissolution de cette coalition militante aura été l’une des premières erreurs politiques du CNRD. En prenant cette décision, les militaires transformaient un allié objectif de leur putsch en un adversaire de fait…

Mêmes causes, mêmes effets…

Mi-janvier 2024, face au Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) qui, en même temps que les ambassadeurs accrédités dans le pays, en appelait à la « libération des médias et réseaux sociaux », les autorités ont justifié ces mesures par des « problèmes sécuritaires », sans pour autant en préciser la nature… Déjà, en décembre 2023, Amnesty International avait relevé, dans un rapport,« la multiplication et la banalisation des violations du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information par les autorités de transition ». Selon cette organisation, les actions de la junte guinéenne « perpétuent et aggravent une situation à laquelle elle affirmait vouloir remédier lors de sa prise de pouvoir ». Selon Samira Daoud, directrice régionale du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, « les violations du droit à la liberté d’expression sont désormais permanentes, et s’ajoutent à celles du droit de réunion pacifique entre autres. Les autorités guinéennes ont choisi de tourner le dos aux droits les plus élémentaires garantis par le droit international, que la charte de la transition signée le 27 septembre 2021 par le chef de l’État prétendait pourtant défendre ».

Jusqu’à récemment encore, le pouvoir militaireguinéen avait subtilement choisi de gérer la transition en s’assurant la prudente bienveillance -à défaut d’un soutien affirmé- de ses principaux partenaires extérieurs. Mais, à présent, nombre d’observateurs et diplomates n’hésitent plus à exprimer leur préoccupation à l’égard des dérives et abus du CNRD. Le goût de plus en plus affiché du président Mamadi Doumbouya pour les attributs de sa fonction, les rumeurs de scandales financiers dans les cercles du pouvoir, l’affirmation d’une gestion autoritaire de l’espace public… Des tendances lourdes qui ne permettent pas d’entrevoir une issue sereine et consensuelle au processus de transition dans les délais attendus…

Toutefois, mis à part les arguments, voire les prétextes d’ordre budgétaire ou logistique, de quelles justifications pourrait user le CNRD pour prolonger la transition au-delà des délais consignés ? Au sein de ce régime, pas de discours « souverainistes », d’arguties « néo-panafricanistes » ou d’odes russophiles pour transformer le coup d’Etat en une rupture systémique, comme chez les voisins du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Pas de crise sécuritaire, non plus, pour justifier -fallacieusement- une prolongation de la période de transition. On pourrait alors redouter que la junte guinéenne, succombant à la funeste logique du report de la fin de la transition, n’ait d’autre choix que de recourir aux mêmes méthodes qu’elle disait combattre en commettant son coup d’Etat : une campagne de répression soutenue pour dissuader toutes les velléités de contestation. Ce serait oublier qu’ici, en Guinée, les mêmes causes pourraient fatalement produire les mêmes effets. Les forces contestataires et les déçus du putsch de septembre 2021 pourraient, par des moyens encore insoupçonnables, mettre fin à ce régime qui aura foulé du pied ses propres promesses de changement et de promotion des libertés démocratiques. Ces libertés que nombre de Guinéens tentent sans relâche de conquérir depuis plus d’une décennie, souvent au péril de leur vie. Il est, peut-être, encore temps, pour les membres du CNRD de tirer les enseignements utiles de cette aspiration constante et irréductible de leurs concitoyens…

Publié par LSi Africa.

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