En prétendant que la suspension du regroupement familial permettrait de juguler la principale source de l’immigration, outre l’erreur sur les chiffres, cette démarche révèle la poursuite d’une chimère : régler à relativement peu de frais un problème d’une ampleur considérable voire insoluble, en tout cas un problème avec lequel il faudrait apprendre à vivre durablement . L’immigration s’est invitée dans la campagne de la primaire à droite en vue de la présidentielle, avec un retour du débat autour du regroupement familial, qui reste pourtant une source modeste de titres de séjour.
« Je ne serai pas le candidat des compromis bancals, des dénis de réalité et des demi-solutions sur l’immigration comme sur le reste », a affirmé Nicolas Sarkozy. L’ex-président propose de « suspendre » le regroupement familial en France, « tant qu’il n’y aura pas en Europe une authentique et réelle politique migratoire commune et de frontières européennes protégées ».
L’idée ne fait pas l’unanimité: son rival à la primaire Alain Juppé a répliqué qu’une telle suspension ne serait « pas une attitude humaine » et a dénoncé l’absurdité d’une démarche qui supposerait entre autres choses de sortir de la Convention européenne des droits de l’Homme et mettre à mal la Directive de l’Union européenne.
Le regroupement familial, qui revient régulièrement dans le débat à droite, constitue aujourd’hui une part limitée de l’immigration légale dans le pays, où 215.220 titres de séjour ont été délivrés en 2015, selon les chiffres de la Direction générale des étrangers en France.
L’immigration familiale dans son ensemble concerne en effet 89.500 personnes. Mais il s’agit à 55% de Français qui font venir leur famille (50.000 titres au total).
Le reste concerne surtout ce qu’on appelle les « membres de famille » (24.000). Au sein de cette sous-catégorie, le regroupement familial stricto sensu, concernant les étrangers en situation régulière depuis 18 mois au moins faisant déménager conjoint et enfants, a représenté 11.500 titres environ l’an dernier. A ceux-ci s’ajoutent notamment les membres de famille d’un ressortissant de l’Union européenne (5.200), et les parents d’enfants scolarisés (2.800).
La seconde source d’immigration est étudiante, avec près de 70.000 titres délivrés l’an dernier.
– Durcissement en Allemagne –
François Baroin (Les Républicains), soutien de Nicolas Sarkozy, a souligné que sa proposition sur le regroupement familial visait à « lancer le débat au niveau européen » et rappelé le durcissement récent décidé en Allemagne, où les migrants bénéficiant de la « protection subsidiaire », qui se situe un cran en dessous du statut de réfugié, n’auront désormais plus le droit pendant deux ans de faire venir leur famille.
En France, cette « réunification familiale », distincte du regroupement, permet aux membres de famille d’un réfugié (conjoint, enfants de 19 ans ou moins) de solliciter un visa de long séjour, qui a bénéficié à 4.150 personnes l’an dernier.
A titre de comparaison, l’asile a été accordé à près de 80.000 personnes, soit une hausse de 22% sur un an.
A l’heure de la crise économique et des attentats jihadistes, les sondages font apparaître une inquiétude diffuse autour de l’immigration. Une récente étude Ipsos révélait que 57% de Français jugent les immigrés « trop nombreux ». La France comptait début 2013 quelque 5,8 millions d’immigrés (c’est-à-dire nés étrangers à l’étranger), selon les chiffres de l’Insee. (cf. autre article dans Eulogos)
La députée Front national Marion Maréchal-Le Pen avait estimé après l’attentat de Nice que « dorénavant, les conditions d’acquisition de la nationalité doivent être intégralement revues pour éviter la fabrication de Français de papier, en supprimant le regroupement familial et évidemment le droit du sol ».
Sur ce thème, Nicolas Sarkozy a estimé que le droit du sol devait rester « un principe de base », mais « plus aussi automatique »: ne pourraient ainsi pas accéder à la nationalité française à leurs 18 ans les personnes possédant un casier judiciaire, ou nées en France de parents en situation irrégulière.
Restreint en 1993 par la « loi Pasqua-Méhaignerie », le droit du sol avait été rétabli en 1998 par la « loi Guigou ». L’idée de le réformer revient de façon sporadique à droite.
La loi prévoit aujourd’hui que tout enfant né en France de parents étrangers acquière de plein droit la nationalité à sa majorité s’il y réside depuis au moins cinq ans. L’an dernier, 24.159 l’ont obtenue par déclaration anticipée (avant leurs 18 ans) et 1.730 sans formalité à leur majorité. Que dit l’Union européenne ? Dans le débat actuel on a perdu de vue qu’existe une Directive européenne, elle-même solidement encadrée par toute une jurisprudence de la Cour de Justice dont un arrêt récent (printemps 2016) qui a réaffirmé la conditionnalité des ressources financières qui doit être introduite de façon « prospective ». C’est donc par cet aspect sinon un durcissement une précision supplémentaire contraignante qui est demandée. Au niveau national la jurisprudence est également. Appliquons la loi plutôt que d’enflammer inutilement la(es) campagne(s) électorale(s). cf. infra « Pour en savoir plus » pour retrouver le texte de la directive et la jurisprudence de la Cour, les rapports de la Commission européenne sur l’application de la Directive accompagnée de ses principes directeurs.
Pour en savoir plus : principales sources d’information
-. Dossier des articles de Eulogos sur le regroupement familial http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3900&nea=175&lang=fra&arch=0&term=0
-. La Cour de justice européenne et le regroupement familial http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3725&nea=175&lang=fra&lst=0
-. Eulogos : regroupement familial, l’examen des ressources financières d’un ressortissant d’un pays tiers demandeur peut être fait de façon prospective https://europe-liberte-securite-justice.org/2016/04/26/regroupement-familial-lexamen-des-ressources-financieres-dun-ressortissant-de-pays-tiers-demandeur-peut-etre-fait-de-facon-prospective-selon-larret-de-la-cour-de-justice/
http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3819&nea=172&lang=fra&lst=0
C’est par Twitter que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, mandaté par l’ONU pour veiller sur le respect des libertés fondamentales, s’est attaqué aux décisions toujours en vigueur dans plusieurs communes françaises, d’interdire aux femmes le port du burkini. Le propos est simple, sans excès, un simple rappel des grands principes gouvernant les droits de l’homme. Puis dans un deuxième temps pour bien marquer le coup , c’était le bureau du Haut-Commissaire qui réagissait.
Mardi, c’est sur Twitter que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU (HCDH) a décidé de réagir à l’interdiction du port du burkini décrété en France dans 26 communes, et pour le moment annulé par le Conseil d’État dans la seule commune de Villeneuve-Loubet.
Alors que les annulations des arrêtés de quatre autres communes sont attendus cette semaine (à moins d’une rébellion des juges administratifs), le HCDH a fait savoir sur Twitter qu’il se félicitait de la décision du Conseil d’État, tout en appelant les maires à abroger d’eux-mêmes les arrêtés toujours en vigueur sur leur territoire.
« Nous appelons toutes les autorités locales ayant adopté des interdictions similaires et qui ne l’auraient pas encore fait à les annuler immédiatement, plutôt que de mettre à profit la portée géographique limitée de cette décision [du Conseil d’État] afin de maintenir leurs interdictions hautement discriminatoires jusqu’à la fin de la période des vacances », écrit Rubert Colville, le porte-parole du HDCH.
Dans d’autres tweets, le HCDR rappelle que « les limites à la liberté de toute personne de manifester sa religion ne sont autorisées que dans des circonstances très limitées », et que « l’égalité des genres ne peut être obtenue en réglementant les vêtements que les femmes décident de porter» Selon les standards internationaux concernant les droits de l’homme, les limites à la liberté de toute personne de manifester sa religion ou ses convictions, y compris par le choix de tenue vestimentaire, « ne sont autorisées que dans des circonstances très limitées, y compris pour la protection de l’ordre public, la santé ou la morale ». De plus en vertu du droit international des droits de l’homme, « les mesures adoptées au nom de l’ordre public, doivent être appropriée, nécessaires et proportionnées »rappelle le communiqué.
Plus claire encore le bureau du Haut Commissaire aux droits de l’homme a publié, dans un deuxième temps, un communiqué qui est plus qu’une annonce d’une prise de position sur twitter.
Dans son communiqué, le Haut-Commissariat appelle « toutes les autorités locales ayant adopté des interdictions » à les retirer. Les codes vestimentaires, tels que les décrets anti-burkini, affectent de manière disproportionnée les femmes et les filles et sapent leur autonomie en niant leur aptitude à prendre des décisions indépendantes sur leur manière de se vêtir.
Pour le bureau du Haut-Commissaire, « l’égalité des genres ne peut être obtenue en réglementant les vêtements que les femmes décident de porter ». Ces arrêtés « n’améliorent pas la situation sécuritaire ; ils tendent au contraire à alimenter l’intolérance religieuse et la stigmatisation des personnes de confession musulmane en France, en particulier les femmes », a dénoncé le Haut-Commissariat.
« En favorisant la polarisation entre les communautés, ils n’ont réussi qu’à aggraver les tensions et pourraient, en réalité, miner les efforts destinés à combattre et prévenir l’extrémisme violent, des efforts qui dépendent de la coopération et du respect mutuel entre les communautés », relève le communiqué, qualifiant ces interdictions de « hautement discriminatoires ».
Les derniers mots sont loin d’avoir été prononcé, compte tenu du contexte politique français, le candidat à la présidentielle française, Nicolas Sarkozy, entendant bien en faire un élément majeur d’instrumentalisation de sa campagne électorale. Sont aussi susceptible d’intervenir outre de Conseil constitutionnel français, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), voire la Cour de Justice de l’Union européenne.
Pour en savoir plus : principales sources d’information
-. Journal Libération, état des lieux à la date du 29 août concernant les arrêtés municipaux http://www.liberation.fr/france/2016/08/29/les-arretes-anti-burkini-de-quatre-communes-devant-les-tribunaux-cette-semaine_1475318
L ’enquête a été menée dans 23 pays et révèle qu’en Europe, l’immigration est rarement considérée par les sondés comme un apport pour le pays d’accueil. « Global view on immigration » : la vague d’août du Global @dvisor montre une crispation de l’opinion publique sur les questions d’immigration commune à tous les pays. Le symbole de cette crispation est représenté par le lien qui est fait entre immigration et terrorisme, une tendance qui grandit. Partout, la majorité des interviewés estime que l’immigration a augmenté ces cinq dernières années et a un impact plutôt négatif pour le pays. L’enquête qui vaut aussi beaucoup par les commentaires de Brice Teinturier montre bien l’écart entre la réalité et la perception qu’en a l’opinion publique, réduire cet égard est une nécessité urgente sinon un préalable à une politique européenne de l’Union en matière de migration, c’est dire quelle est l’ampleur de la tâche. L’étude montre également que les contextes nationaux jouent dans la perception de l’immigration, les héritages culturels et identitaires restent fondamentaux. Une double difficulté donc. De cette étude il ressort également que la France présente une situation singulière, a-part !
Un peu plus de la moitié des 17 600 personnes interrogées pense qu’il y a trop d’immigrés dans son pays. La récente annonce du Ministre de l’Intérieur de 17 500 reconduites à la frontière depuis janvier, pour un objectif « historique » de 30 000 pour la fin 2011, sonne comme une tentative de réponse à une inquiétude devenue majoritaire dans la société française, sur la question de l’immigration : 79% des Français estiment que la proportion d’immigrés dans la population a augmenté ces cinq dernières années, 54% d’entre eux pensent que l’immigration a un impact négatif pour le pays et 52% jugent « qu’il y a trop d’immigrés ». Le niveau d’inquiétude relevé en France est dans la moyenne des 23 pays testés, moyenne qui masque toutefois des situations très contrastées. L’opinion publique est ainsi nettement plus radicale en Russie, en Belgique et en Grande-Bretagne, où plus de 70% des personnes interrogées pensent qu’il y a trop d’immigrés, quand à l’inverse, moins de 30% de la population est de cet avis en Pologne, en Corée du Sud ou au Japon. L’image de l’immigration est en fait étroitement corrélée aux difficultés économiques du pays. Les trois-quarts des Russes jugent ainsi que l’immigration a rendu la recherche d’emploi plus difficile, 76% des Britanniques, 70% des Espagnols ou 68% des Belges estiment que l’immigration provoque un engorgement des services publiques (santé, transports, éducation), soit autant de pays où la part de ceux qui pensent qu’il y a trop d’immigrés est importante. En France les avis sont un peu plus partagés, avec 41% des sondés qui déclarent que l’immigration aggrave les problèmes d’emploi et 56% qui relient immigration et problèmes des services publics. Plus globalement, l’idée que l’immigration est une bonne chose pour l’économie n’est majoritaire dans aucun pays. On s’en approche tout de même au Brésil (47%) ou au Canada (43%). Près de la moitié des Brésiliens (49%) et des Canadiens (48%) considèrent d’ailleurs aussi que « les immigrés contribuent à faire du pays un endroit plus intéressant à vivre ». Ils y gagnent pour cette enquête la palme des pays les plus accueillants.
Comment l’immigration et la crise des réfugiés sont-elles perçues dans le monde ? Négativement, selon un sondage Ipsos réalisé dans 22 pays.
Alors que les populations ont le sentiment que l’immigration augmente (78%), seules 20% des personnes interrogées estiment que son impact est positif. Et si moins de la moitié (38%) souhaite fermer les frontières aux migrants, c’est sur ces derniers que se concentrent les angoisses. En moyenne, 61% des sondés pensent qu’il y a dans leur pays « des terroristes qui prétendent être réfugiés » (67% en France).
« La thématique de l’immigration prend de l’ampleur au niveau mondial, accentuée ces deux dernières années par la crise des migrants et les attentats », souligne Brice Teinturier, directeur général délégué France d’Ipsos. L’institut, qui traite du sujet à travers le monde depuis 2011, a mené cette dernière enquête entre le 24 juin et le 8 juillet 2016, avant les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du- Rouvray.Dans cette étude mondiale, la France se singularise à bien des égards.
D’abord sur le sentiment que l’immigration augmente. L’Hexagone se situe au-dessus de la moyenne (+ 9 points, à 87%). « C’est le pays où l’on observe le plus de décalage entre la perception et la réalité sur la question de l’immigration. Ce n’est pas le cas par exemple pour le chômage, où le décalage entre perception et réalité peut être plus fort dans d’autres pays », explique Brice Teinturier, qui y voit le témoignage d’une « extrême sensibilité sur le sujet ».
Rares sont les pays qui pensent aujourd’hui que l’immigration a un impact positif.
Mais là encore, c’est encore plus vrai pour les Français : 11% le pensent, contre 18% pour les Allemands, 20% pour les Espagnols. Pourquoi ce sentiment exacerbé ? Plus que la moyenne, les Français s’inquiètent de la pression exercée sur les services publics. « L’idée que les immigrés viennent s’installer pour profiter de la Sécurité sociale est partagée par une partie importante de la population, a fortiori quand elle est relayée par des responsables politiques de premier plan », observe Brice Teinturier. Cette inquiétude prend d’ailleurs le pas sur la question de l’emploi. « Le lien immigration-chômage était un argument historique du Front national, rappelle-t-il. Au bout de quarante ans de chômage de masse, les Français ont intégré d’autres facteurs explicatifs que l’immigration, comme, par exemple, l’enjeu de la compétitivité ou la concurrence de pays à faibles coûts de main-d’œuvre. »
Si les contextes nationaux jouent dans la perception de l’immigration, les héritages culturels et identitaires restent aussi prégnants. Ainsi l’« impact culturel» de l’immigration est vu plus positivement aux États-Unis (42%) et en Angleterre (45%) qu’en France (17%). « En France, la mondialisation est ressentie comme un accélérateur du déclin du pays, une menace et une fragilisation de l’identité nationale », précise Brice Teinturier. Reste que dans le contexte actuel, les pays européens ont globalement tendance à être moins confiants sur l’intégration des réfugiés.
Pour en savoir plus : sources principales des informations
-. IPSOS @Visor : Global Views on immigration (august 2016) http://www.ipsos.fr/sites/default/files/attachments/globaladvisor_immigration.pdf
-. Commentaires du journal le Figaro http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2016/08/22/sondage-ipsos-seuls-11-des-francais-pensent-que-l-immigratio-5838774.html