A la suite de l’attentat revendiqué par Daech dans un marché de Noël à Berlin, ayant causé la mort de 12 personnes le 19 décembre, l’Europe essaie de relancer la coopération en matière de lutte anti-terroriste. Des avancées notables ont déjà eu lieu en matière sécuritaire entre Etats membres et de nombreuses voix s’élèvent pour poursuivre ces efforts et les renforcer .On ne peut pas continuer à nier tout les progrès réalisés à ce jour. Un dernier paquet de propositions par la Commission l est récent : il date du 21 décembre, deux jours après l’attentat de Berlin : ces propositions concernent le financement du terrorisme, le renforcement du système d’information Schengen, le renforcement de la lutte contre les fraudes liées aux documents de voyage. Ces propositions ont été rendues publiques deux jours après l’attentat de Berlin, ont connu une publicité restée d’une très grande discrétion.
Des progrès en termes de coopérationLa vague d’attentats ayant frappé l’Europe depuis 2015 a poussé les Européens à renforcer leurs liens pour protéger les citoyens de l’UE. Le couple franco-allemand est un exemple en la matière ; il s’est efforcé de donner la bonne impulsion sans toujours réussir comme ils le souhaitaient. Dans le contexte actuel de l’attentat de Berlin, l’entente franco allemande est plus que jamais indispensable en matière de sécurité. Il est bien connu désormais que les services nationaux de sécurité et les justices des deux pays collaborent activement depuis de nombreuses années. Une relation que Bernard Cazeneuve, longtemps ministre de l’intérieur et actuellement premier ministre a su renforcer en nouant des rapports étroits avec son alter ego au ministère de l’Intérieur allemand, Thomas de Maizière. La coopération existe notamment en termes de renseignement, moyen le plus efficace de lutte contre le terrorisme. En matière de protection contre le terrorisme, c’est le renseignement qui constitue la protection principale pour déjouer un attentat avant qu’il n’ait lieu.
Une dynamique existe dans ce domaine, on ne peut le nier. Pierre Berthelet, spécialiste du renseignement et chercheur en sécurité intérieure à l’université de Pau, l’explique dans une interview à Libération (cf. Pour en savoir plus) « Le partage de renseignements n’a jamais été aussi important entre Etats membres. Il y a la volonté claire, face à un phénomène qui touche l’Europe dans son ensemble, d’échanger de l’information de façon beaucoup plus efficace« . Une sensible amélioration de la situation par rapport à l’époque où la menace terroriste était plus faible en Europe, même si elle pourrait être encore renforcée : « Pendant longtemps, celle-ci était transmise, mais sur un mode du donnant-donnant. C’est toujours le cas, il ne faut pas se leurrer. Mais une nouvelle dynamique existe depuis 2015, même si le renseignement reste l’apanage de l’Etat et de lui seul« , analyse Pierre Berthelet.
« Des appels pour plus d’Europe en matière de sécurité apparaissent de plus en plus dans les médias »Dans la Croix François Ernenwein considère que seule la coopération permettra de mettre fin au terrorisme : « Ce n’est en effet que grâce à un élan et par une coopération renforcée, il est vrai encore balbutiante, que nous pourrons espérer vaincre le terrorisme. Car ce n’est pas telle ou telle nation qui est visée par ces attaques. La cible de ceux qui sèment la mort a toujours été nos valeurs. Plus unis, nous les défendrons mieux« , conclut-il son éditorial. Dans l’éditorial du Monde , le journal s’en prend aux arguments des partis d’extrême-droite en Europe : « Quoi qu’en disent les formations d’extrême droite, en Allemagne et en France, qui, cherchant à exploiter la violence islamiste, veulent démolir l’UE, même les plus réticents des Vingt-Huit en conviennent : le repli national est illusoire, un dangereux fantasme ; la lutte contre le terrorisme islamiste passe par une coopération renforcée entre Etats membres – et pas par un démembrement de l’Europe« .
Une fois de plus Marine Le Pen et Geert Wilders ont au lendemain de l’attentat de Berlin fulminé contre Schengen démontrant encore leur ignorance profonde de son fonctionnement, notamment le fait que dans six pays (France, Allemagne, Autriche, Danemark, Suède, Norvège) l’application de Schengen est suspendue depuis plusieurs mois et pour encore plusieurs mois. Cette suspension permet aux pays concernés de contrôler systématiquement les entrées sur leur territoire. Cette suspension, à l’évidence n’a pas permis de démontrer un renforcement de l’efficacité des contrôles nationaux, bien au contraire. Le contexte électoral explique largement ces attaques. Les formations europhobes espèrent encore progresser, voire arriver au pouvoir, de quoi à leurs yeux justifier une campagne contre ce symbole de la construction européenne. Des attaques qui ne s’embarrassent pas d’informations vérifiées ou d’explications éclairantes, ce qui restent pour eux des détails. Un examen plus attentif leur aurait montré que ce qui est en cause dans les disfonctionnements c’est plus que Schengen, plus que ce symbole tant honni de la construction européenne, ce sont des négligences, des erreurs de jugement, le plus souvent individuelles, une coordination insuffisante et l’insuffisance de ressources pour avoir tout le monde à l’œil. Le problème des moyens est un thème jamais abordé par les eurosceptiques. Yves Bertoncini, directeur de l’Institut Jacques Delors l’a bien souligné dans un éditorial du Huffington Post : « c’est en accordant des moyens financiers, humains et juridiques supplémentaires à la police et à la justice (…) qu’on pourra lutter efficacement contre de tels attentats terroristes. Non en affectant ces moyens à la surveillance des frontières intérieures de l’espace Schengen pour y contrôler en pure perte et pour des coûts exorbitants les centaines de millions de franchissements ».En ces temps de rigueur budgétaire, l’argument du coût/efficacité comparatif mérite d’être pris en considération. Le Système d’Information Schengen (SIS) contient environ 70 millions d’entrées (et c’est encore insuffisant) ; il a été consulté environ 2,9 milliards de fois en 2015, année particulièrement marquée par les attentats ou tentatives, soit 1 milliard de plus qu’en 2014 ! Que ferions-nous sans tout cela ? C’est cette argumentation qu’a retenue la Commission dans son rapport d’évaluation du 21 décembre 2016 (cf. pour en savoir plus). Le réintroduction totale des contrôles aux frontière au sein de l’espace Schengen occasionnerait des coûts immédiats et directs se situant entre 5 milliards d’euros 18 milliards par an, à cela s’ajouteraient les coûts indirects énormes( pertes de temps, perte de nuitées touristiques…)qui pèseraient lourdement sur l’appareil économique et sa compétitivité.
« La Commission propose de créer de nouvelles alertes dans le Système d’information Schengen »
L’efficacité de Schengen est certes à renforcer comme son organisation, comme le reconnait le rapport d’évaluation de la Commission. C’est le moment ( le 21 décembre) qu’a choisi la Commission de renforcer l’efficacité su SIS. A l’avenir les Etats membres auront l’obligation de crée une alerte SIS dans les cas de crimes liés au terrorisme. Il s’agit aussi d’améliore le partage des informations et la coopération entre Etats membres, notamment en introduisant une nouvelle catégorie de signalement, celle relative aux personnes inconnues recherchées et en octroyant à l’agence Europol de coopération policière des droits d’accès complet à la base de données. En plus des personnes signalées au niveau des Etats membres ou des objets volés perdus ( voitures, armes à feu, documents d’identités), le Système SIS devra obligatoirement contenir des données sur les personnes faisant l’objet d’une interdiction de territoire. Le SIS permettra par ailleurs d’accélérer l’exécution des décisions de retours, la Commission proposant aux Etats membres de créer une nouvelle catégorie d’alerte pour les décisions de retours. Plus d’informations également sur les personnes disparues.
Les modifications présentées visent aussi à mieux protéger les enfants en permettant aux autorités de publier, des signalements préventifs d’enfants qui courent un risque élevé d’enlèvement, en plus des signalements d’enfants disparus.
L’utilisation des données telles que les images faciales et les empreintes palmaires, pour identifier les personnes pénétrant dans l’espace Schengen de libre circulation des personnes sera facilitée. Le soutien à la prévention et aux enquêtes relatives aux vols et à la contrefaçon sera également renforcée via l’élargissement de la liste des biens et documents volés ou falsifiés pouvant faire l’objet d’un signalement.
La Commission veut faciliter l’utilisation de SIS II et en améliorer la sécurité en prévoyant des exigences uniformes pour les agents sur le terrain sur la façon de traiter les données. Elle propose de renforcer la protection des données en introduisant des garanties supplémentaires pour assurer que la collecte, le traitement et l’accès aux données se limitent à ce qui est strictement nécessaire, dans le plain respect de la législation de l’UE et des droits fondamentaux, « y compris le droits à des recours effectifs ».
« Dans sa lutte contre le terrorisme, la Commission propose de renforcer le contrôle des capitaux et faciliter la confiscation des avoirs criminels »
Un point mérite en particulier toute l’attention : le financement du terrorisme. Sur BFM TV le commissaire aux Affaires économiques Pierre Moscovici vient de proposer notamment d’améliorer la collaboration afin de lutter contre les sources de financement du terrorisme. « Il faut un cadre européen commun« , estime-t-il, même si « la sécurité est essentiellement un apanage national« . Nous allons voir que lutter contre le financement du terrorisme est un axe majeur de la lutte des européens et cette volonté ne date pas d’aujourd’hui.
La Commission propose une nouvelle directive visant à combattre le blanchiment de capitaux en modifiant le droit pénal et en dotant les autorités compétentes des dispositions législatives qui leur permettront de poursuivre les criminels et les terroristes. Les mesures proposées vont établir des règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions pénales liées au blanchiment des capitaux, et combler les écarts entre les règles nationales pour empêcher l’exploitation de ces différences à des fins criminelles.
La Commission veut également éliminer les obstacles à la coopération, judiciaire et policière transfrontière, en mettant en œuvre des dispositions communes pour améliorer les enquêtes concernant les infractions liées au blanchiment des capitaux, et aligner les normes de l’UE sur les obligations internationales énoncées dans la Convention de Varsovie du Conseil de l’Europe et les recommandations du groupe d’action financière (GAFI).
Dans un règlement distinct, la Commission propose de renforcer le contrôle des mouvements d’argent liquide pour les personnes qui entrent ou sortent de l’UE avec au moins 10 000 euros en espèces. «Toute somme d’argent supérieure à10 000 euros qui entre ou qui sort de l’Union, qu’il s’agisse de liquide, de métaux précieux, ou de cartes prépayées, qu’elles soient transportées par une personne physique ou envoyées par la poste pourra donner lieu à un contrôle approfondi de la part des douaniers ». Il s’agira également de permettre aux autorités d’agir de même lorsque les montants concernés sont inférieurs au seuil de 10 000 prévu pour la déclaration en douane, lorsqu’elles soupçonnent une activité criminelle, cela voudra dire que les douaniers pourront immobiliser la somme pendant un mois, le temps de mener l’enquête nécessaire.
La Commission propose également des mesures pour améliorer l’échange d’informations entre Etats membres, étendre les contrôles douaniers aux envois d’argent liquide par colis postal ou par fret ainsi qu’aux matières précieuses telles que l’or, qui ne sont pas actuellement pas couvertes par la déclaration douanière standard.
En ce qui concerne le gel et la confiscation des avoirs, il s’agit de remédier aux lacunes actuelles par un règlement d’application directe, de favoriser la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation et de gel des avoirs. L’objectif de la Commission et de pouvoir geler et confisquer ces avoirs le plus rapidement possible.
Le règlement qui a été proposé, relatif à la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation d’avoirs d’origine criminelle permettra de disposer d’un instrument juridique unique pour la reconnaissance tant des décisions de gel que des décisions de confiscation dans les autres Etats membres de l’EU, simplifiant ainsi le cadre juridique existant.
Il élargira la portée des règles actuelles relatives à la reconnaissance transfrontière à la confiscation des avoirs de tiers ayant un lien avec le criminel. Ce règlement concernera également la confiscation dans e cas où le criminel n’est pas inculpé, par exemple, en raison de sa fuite ou de son décès.
Les décisions de reconnaissance des ordres de gel des avoirs détenus dans un autre pays et les décisions de procéder au gel de ces avoirs pourront ainsi être rendues plus vite, dans un délai de 48 heures (24 heures maximum pour la décision et 24 heures maximum pour l’exécution).
Le règlement prévoit aussi le respect des droits à réparation et à restitution en faveur des victimes. Dans les cas d’exécution transfrontière des décisions de confiscation, le droit de la victime primera sur celui de l’Etat d’exécution et d’émission.
La Commission avait déjà proposé une directive en 2011 sur le gel et la confiscation des avoirs des groupes criminels et terroristes, mais uniquement dans le but de faciliter ces saisies au niveau national. A l’heure actuelle elle estime que 98,9% des profits des groupes criminels restent à leur disposition et le règlement a pour vocation de renforcer les confiscations et gels d’avoirs quand ils dépassent le cadre d’un seul pays.
C’est un tour de vis sérieux qui est donné, réclamé depuis longtemps, au moins depuis le rapport de Mme Alfano sur la lutte contre la grande criminalité et les mafias.
« Plan d’action de la Commission pour renforcer la lutte contre les fraudes liées aux documents de voyage »
La Commission a présenté le 8 décembre dernier une communication sur un plan d’action pour renforcer la réponse européenne aux fraudes liées aux documents de voyage » (disponible uniquement en anglais). Celle-ci formule des recommandations claires à l’attention des Etats membres en matière de lutte contre les fraudes liées aux documents de voyage et liste les mesures qui seront prises par la Commission. Ainsi, les Etats membres devraient examiner comment rendre moins vulnérables à la fraude les « documents sources », notamment les certificats de naissance et de mariage, et comment améliorer l’échange d’informations sur les meilleures pratiques en ce qui concerne l’inscription de données biométriques et les procédures de délivrance des documents. En outre, la Commission finalisera une étude sur les options stratégiques dont dispose l’Union européenne pour améliorer la sécurité des cartes d’identité et des titres de séjour de ses citoyens afin de protéger ces documents contre les risques de fraude et de falsification dans la perspective d’une éventuelle initiative législative qui serait présentée à la fin de l’année 2017. Enfin, la communication souligne l’importance que les Etats membres procèdent à l’enregistrement systématique de tous les cas de documents volés, perdus, détournés ou invalidés dans le système d’information Schengen (« SIS ») et dans la base de données d’Interpol sur les documents de voyage volés et perdus, qu’ils garantissent aux garde-frontières un meilleur accès aux systèmes appropriés et qu’ils accélèrent la mise en œuvre de la fonctionnalité de recherche d’empreintes digitales dans le SIS.
A la lecture de la communication on reste littéralement stupéfait qu’ue l’on soit aussi peu avancé (stade de la communication et non de la proposition) pour un domaine aussi manifestement prioritaire. Les beaux jours dont ont manifestement bénéficié jusqu’à maintenant criminels et terroristes sont-ils désormais comptés ?
Pour en savoir plus :
Plan d’action pour renforcer la lutte contre le financement du terrorisme http://ec.europa.eu/justice/criminal/files/aml-factsheet_fr.pdf
Les priorités de la Commission http://ec.europa.eu/priorities/justice-and-fundamental-rights_fr
Lancement du centre européen de lutte contre le terrorisme http://ec.europa.eu/news/2016/01/20160125_fr.htm
Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et l’extrémisme violent https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network/ran-best-practices/docs/ran_collection-approaches_and_practices_fr.pdf
Portail de la Commission :Schengen,Frontières et visas https://ec.europa.eu/home-affairs/what-we-do/policies/borders-and-visas_en
Portail de la Commission concernant le terrorisme https://ec.europa.eu/home-affairs/what-we-do/policies/crisis-and-terrorism_en
A European Agenda on security : state of play december 2016 https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-security/fact-sheets/docs/20161221/european_agenda_on_security_state_of_play_21122016_en.pdf (FR) https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-security/fact-sheets/docs/20161208/factsheet_security_union_fr.pdf
La Commission adopte des règles renforcées pour combattre le financement du terrorisme http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-4401_fr.htm?locale=en ;http://europa.eu/newsroom/home_en
Troisième rapport sur la mise en œuvre de l’Agenda sur la sécurité de l’Union(12 décembre 2016) https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-security/legislative-documents/docs/20161221/third_progress_report_towards_effective_genuine_security_union_en.pdf
Rapport de la Commission du 21 décembre 2016 sur l’évaluation du SIS II de la deuxième génération http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/COM-2016-880-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF
Présentation par le commissaire Avramopoulos du plan d’action concernant la lutte contre les fraudes liées aux documents de voyage http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-16-4326_fr.htm
Communiqué de presse de la Commission concernant la lutte contre les fraudes liées aux documents de voyage (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-4264_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-4264_en.htm
Plan d’action visant à renforcer la réponse de l’UE aux fraudes liées aux documents de voyage(EN) https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-security/legislative-documents/docs/20161208/communication_-_action_plan_to_strengthen_the_european_response_to_travel_document_fraud_en.pdf
Communication de la Commission du 14 septembre 2016 « accroitre la sécurité dans un monde de mobilité »(FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-3003_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-3003_en.htm
Communication « ouvrir la voie à une Union de sécurité réelle et effective » (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1445_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1445_en.htm
Une pensée particulière pour vous, chers lecteurs, en ce premier jour de 2017 que je vous souhaite excellente, du moins sur le plan personnel. Une pensée aussi à tous ceux qui suivent « les coulisses de Bruxelles » depuis son lancement, en décembre 2005 : onze ans d’existence pour un blog, ce n’est pas si fréquent.
Pour le reste, en ces temps où la raison recule chaque jour face aux passions les plus viles excitées par des démagogues qui nous mènent en musique vers le gouffre, l’année 2017 s’annonce mal, encore plus mal que 2015 et 2016. Malraux disait que le XXIe siècle serait religieux ou ne serait pas, je crains qu’en réalité le XXIe siècle soit celui de la bêtise triomphante, comme le montre l’élection sidérante de Donald Trump aux États-Unis.
Qu’on y songe: certains, même à gauche, ont osé voir dans la victoire de ce multimilliardaire raciste, misogyne, autoritaire, n’ayant jamais payé ses impôts, la révolte du « peuple » (ah, le peuple) contre les « élites » corrompues représentées par Hillary Clinton. Résultat: outre qu’en réalité les citoyens ont donné 3 millions de voix d’avance à Clinton, les États-Unis ont désormais un gouvernement qui n’a jamais compris autant de représentants de Goldman Sachs, du complexe militaro-industriel et de l’extrême droite suprémaciste blanche. Une leçon pour tous ceux qui sont tentés par un vote pour un parti démagogue, style FN, un FN qui incarne pourtant le « système » qu’il prétend dénoncer. Ce parti d’extrême droite autoritaire, ce n’est pas un parti, c’est un gang héréditaire dirigé par une riche famille allergique à toute démocratie interne. Qu’on y songe: depuis 1974, à chaque élection présidentielle, il y a eu un bulletin Le Pen, le père puis la fille. Le changement dans la continuité en quelque sorte. Et ces démagogues, Le Pen ou Trump, ne changeront pas le « système » qu’ils incarnent autant que la caste des énarques, ils l’utiliseront à leur profit. L’histoire l’a déjà montré et une nouvelle fois, elle bégaye.
Information de service pour terminer: je suis en train d’écrire mon nouveau livre, « les salauds de l’Europe » qui va paraitre chez Calmann-Lévy au printemps prochain. Je serai donc moins présent dans les semaines qui viennent. Je vous demande donc un peu de patience.
Under the aegis of the African Union, the 54 states will set up a "Schengen-like" borderless area in 2017 to boost trade. Negotiations for the establishment of a Continental Free Trade Area (CFTA) in Africa were formally launched in June 2015 at the African Union Summit in Johannesburg. A year later, a boost seems to be given to the project, although the project exists since the signing in 1991 of the Treaty of Abuja.
Why now ? In a context of global economic crisis, African states are somewhere forced to accelerate the pace. In 2015 the Tripartite Initiative involving COMESA, EAC and SADC was launched, with a view to the preparation of a large free trade area from Cairo to Cape Town. The Tripartite Initiative, the largest free trade agreement involving 26 countries from three regional economic communities (RECs), Comesa, CEA and SADC, with a total of 530 million inhabitants for a gross domestic product Total of $ 630 billion, more than half of Africa's economic output. This initiative has rekindled the interest of African leaders in broadening the continental free trade area.
Intra-African trade must be saved because it accounts for only 10% of trade on the continent, while in the EU, Asia and North America, intra-regional trade represents respectively 70 %, 52% and 50% of trade. Moreover, the share of Africa in world trade is even more derisory since it represents only about 2%. Implementing such an Africa-wide FTA could boost intra-African trade to the tune of US $ 35 billion annually by 2022. A review of the genesis and functioning of this area of free movement of more than one billion people.
The CFTA is a priority initiative of the AU Agenda 2063. The objective of the CFTA is to create a single continental market for goods and services, to establish the free movement of business people. It also aims to pave the way for the acceleration of the establishment of the customs union in 2022 and an African economic community by 2028. This gradual approach is justified by the fact that integration should be consolidated at regional level, through the creation and the strengthening of regional economic communities (RECs). The RECs would ultimately merge into the African Economic Community. (There are 8 RECs : UMA, CEN-SAD, CEDEAO / ECOWAS, UEMOA, MRU, CEEAC, SADC, COMESA, IGAD.)
The current intra-African trade situation is disappointing. Despite the fact that the free movement of persons, the right of residence and the right of establishment are the founding principles enshrined in Chapter VI of the Abuja Treaty, a truck that delivers supermarkets in Southern Africa needs 1,600 documents, permits and licenses to legally cross borders.In the future, the continental free trade area could just as well require the removal of barriers such as the imposition of visa requirements that restrict the movement of people across national borders. Far from being settled, remains the issue of labor mobility among African countries, one of the most contentious issues for African leaders due to security or political instability problems.
Trade and industry are catalysts for African development for the African Union, once the establishment of the CFTA, the competitiveness of industrial products would be increased by exploiting the potential of economies in a wider continental market . The initiative would also help diversify and transform the African economy, improve resource allocation, reduce prices in countries and make Africa less vulnerable to external trade shocks. In addition, regional integration of the continent should integrate regional markets with efficient infrastructure to attract investment and improve access to better products and services.
Twenty million dollars were raised to finance the initial CFTA projects in the areas of goods and services, investment and intellectual property. Of the amount so far obtained from development partners, the AU Member States contributed $ 3 million for 2016 and $ 4.9 million for 2017.
CFTA can be a paradise for international and african criminality and smuggle, like the Schengen area? Planned for 18 July 2017, the release of an African electronic passport should enable nationals of the 54 African countries to travel visa-free across Africa. For now, the initiative only concerns heads of state, government and foreign ministers. In practice, African citizens would retain their national passports and would be issued an African e-passport by the AU. A first on the world scale. But the billion African citizens will have to wait until 2025 to benefit.
After nearly a decade of support for civilian police in Afghanistan, the European Union Police Mission in Afghanistan (EUPOL) officially closed its activities today, Saturday (31 December 2016) at midnight. In fact, the mission has already slowed down its activities for a few days already. A meeting marking the end of the mission was organized, Wednesday, December 14, a few days after the official end of the mission.
Tag: EUPOL AfghanistanCSDPPourquoi ce dossier sur le dopage et les jeux olympiques ? Parce que le dopage corrompt tout, une véritable gangrène qui ne peut être éradiquée qu’en l’amputant de tous les membres atteints. Tout s’y mêle : la criminalité internationale organisée, les considérations géopolitiques puisque la Russie en est l’acteur principal. Ce qui est en jeu c’est plus que le respect d’une morale sportive. Il faut sensibiliser, informer l’opinion publique chez qui la prise de conscience grandit même si elle reste insuffisante. Les évènements qui suivirent les Jeux de Rio furent plus nombreux que ceux qui les précédèrent et leur gravité n’a fait que grandir au fur et à mesure des découvertes. La prise de conscience grandit la résistance s’organise :boycotts, médailles retirées, parfois de nombreuses années après qu’elles aient été décernées.
Et si le salut venait des athlètes eux-mêmes qui menacent de boycotter et supportent de plus en plus difficilement toutes les déviations, les fraudes, les manipulations systématiques constamment affinées, les mensonges, les centaines de noms transmis aux fédérations sportives etc … L’AMA (Agence mondiale contre le dopage) s’attaque à une œuvre de longue haleine. La Russie encore montrée du doigt ! Un tournant ? la Russie fait un aveu sur sa culpabilité, mais pour un bref instant avant de démentir. Cette année olympique se clôture par le rapport de Richard Mc Laren « une conspiration institutionnelle à un niveau sans précédent ». Dans le tableau d’ensemble apparaissent les Services secrets et une géopolitique digne de la guerre froide, cinq mois après le premier rapport qui avait débouché sur la privation d’une centaine se sportifs russes des JO de RIO. Un cocktail étonnant d’organisations étatiques et de bricolages déments. Il est impossible de savoir depuis quand et jusqu’où remonte cette conspiration » a conclu Mc Laren mais le tableau est riche et complet. C’est clair, le rapport démontre une attaque frontale contre l’intégrité du sport.
La Russie a comme à l’habitude démenti alors que tout était bon pour elle et pour que la stratégie d’Etat dans le sport soit efficace. On a vraiment reculé devant rien pour briller. La Russie est restée impavide comme face aux bombardements en Syrie, persistant dans sa culture du déni.
Au cours de cette année si riche en évènements , la Fédération internationale d’athlétisme a été la première, sans doute, à lancer des mesures contre le dopage .
Cernée par les affaires de dopage et de corruption, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) espère avoir trouvé la parade avec l’adoption samedi 2 décembre d’un train de réformes comprenant notamment la création d’une unité indépendante chargée des questions de dopage et d’intégrité.
« C’est un moment très important dans l’histoire de notre sport »: le président de l’IAAF Sebastian Coe s’est voulu solennel après le vote des membres de l’instance réunis en Congrès extraordinaire à Monaco.
L’heure est grave en effet pour une organisation qui n’en finit pas de se débattre avec les scandales à répétition. Il y a d’abord eu les révélations concernant un vaste système de dopage d’Etat en Russie, suspendue et privée des JO de Rio. Puis, dans la foulée, l’implication de hauts responsables de l’IAAF, soupçonnés d’avoir couvert ces agissements en échange d’argent, au premier rang desquels l’ancien président Lamine Diack, poursuivi pour corruption et blanchiment aggravé, et son fils Papa Massata Diack qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par la justice française. Face à ce climat délétère, la réponse de la Fédération internationale se veut à la hauteur des enjeux.
La nouvelle entité indépendante ainsi créée devrait gérer l’ensemble des questions relatives au dopage et à l’intégrité des acteurs de l’athlétisme. Elle aura la responsabilité de la réalisation des tests, des enquêtes et de la promulgation des résultats pour tous les athlètes de niveau international et leur encadrement personnel.
Les autres mesures approuvées par 180 fédérations nationales (10 ont voté contre et 5 bulletins n’ont pas été validés) comprennent notamment une limitation des mandats du président à 12 ans et la parité entre hommes et femmes parmi les 26 membres du Conseil de l’IAAF (le gouvernement de l’instance, ndlr) à partir de 2023, avec la nomination de deux vice-présidents de chaque sexe.
Un geste audacieux :
Symbole toutefois du travail qui reste à mener dans ce domaine: seulement 3 femmes ont pris la parole devant le Congrès, sur les 42 interventions effectuées avant le vote sur les réformes. Celles-ci ont d’ailleurs été rejetées par l’Arabie saoudite et le Qatar, hôte des Mondiaux d’athlétisme en 2019, et lui aussi sous le coup d’accusations de corruption pour l’obtention de cette épreuve.
Le quotidien français Le Monde a révélé le 25 novembre le versement par le fonds d’investissement Qatar Sports Investments (QSI) de près de 3,5 millions de dollars (2,5 M EUR de l’époque) à la société de marketing sportif Pamodzi Sports Consulting, dirigée par Papa Massata Diack, quelques semaines après l’annonce de la candidature de Doha pour les Mondiaux-2017, finalement attribués à Londres.
Fin octobre, la Fédération internationale avait indiqué qu’elle ne pousserait pas son enquête sur les accusations de corruption visant le Qatar, une enquête préliminaire n’ayant pas apporté de preuve pertinente.
Malgré ces couacs, la matinée a été une réussite pour Seb Coe. « Je n’aurais pas réclamé des changements si je ne pensais pas que nous en avions besoin. Je veux des vérifications. Je ne veux pas être dans un bureau à choisir la moquette tout en étant déconnecté des dépenses », a-t-il lancé après le vote.
L’ancienne star du demi-fond britannique (double champion olympique du 1500 m) a surtout reçu l’onction de la superstar de l’athlétisme, Usain Bolt: « Je sais que Sebastian Coe est en train de rendre l’athlétisme plus transparent. C’est un geste audacieux de sa part. Cela permettra d’augmenter la confiance des gens dans ce sport. Il st évident, l’IAAF ne désarme pas et poursuit ses recherches. La silhouette du Qatar se profile, aussi insistante que celle de la Russie, la corruption prenant le relai du dopage sans que celui- soit exclu.
La Russie encore montrée du doigtL’Agence mondiale antidopage (AMA) n’a pas apprécié d’avoir appris a posteriori l’organisation et la composition du comité de supervision de l’agence russe de lutte contre le dopage (Rusada), présidée par Yelena Isinbayeva. Une réaction dont la présence à sa tête de l’ancienne perchiste n’est sans doute pas étrangère. Dans un communiqué publié jeudi 8 décembre, l’AMA ne cite pas le nom de Yelena Isinbayeva, mais précise: « Nous nous attendions à être consultés sur les questions importantes (…) comme la structure de l’organisation, avant que les intéressés soient recrutés, conformément à la feuille de route fournie à la Rusada en novembre ». Yelena Isinbayeva avait été très critique envers l’AMA, en juillet dernier, avant les Jeux de Rio. Il lui reviendra désormais, dans le cadre de son rôle de présidente du comité de supervision, de gérer les relations avec l’agence internationale et de désigner un patron pour la Rusada, sans doute avant la fin de l’année 2016.
Les préliminaires à 48 heures de la publication du rapport Mac Laren. Les questions n’ont pu être évitées
On pouvait s’y attendre. Déjà au deuxième jour de la réunion de la commission exécutive du CIO, mercredi 7 décembre à Lausanne, un sujet a dominé les débats et alimenté les conversations. Le dopage en Russie. A 48 heures de la publication du dernier volet du rapport McLaren, prévue vendredi, l’organisation olympique n’a pas pu éviter la question. Au point de rendre presque secondaire un dossier pourtant très attendu: la validation des sites des cinq nouveaux sports admis au programme des Jeux de Tokyo 2020.
Solidaires dans leur fermeté et leur volonté de combattre le mal à sa source, les membres de la commission exécutive du CIO ne pouvaient éviter de prolonger les sanctions contre la Russie mises en place le 19 juillet, au lendemain de la publication de la première partie du rapport McLaren. (cf. Article de Eulogos)Une façon de signifier aux autorités du pays que leurs efforts en matière de lutte antidopage restent insuffisants.
Dans les faits, les sanctions en question consistent surtout de la part du CIO en un refus répété d’organiser ou d’apporter son « patronage » aux rencontres ou événements internationaux en Russie. Se dessine un appel aux fédérations internationales des sports d’hiver de « geler » les organisations dans le pays. Se dessinent également les conséquences des derniers chiffres de la vaste opération de ré-analyse des échantillons des Jeux de Pékin 2008 et Londres 2012. Ils laissent rêveurs ! Et le pire est encore à venir et la liste est longues des tests encore à effectuer.
Cinq mois après la publication de la première salve, que peut attendre la communauté sportive internationale d’une nouvelle série de révélations ?
Q: Quelle était la teneur de la première partie du rapport ?
R: Le 18 juillet, Richard McLaren avait lâché une bombe à quelques jours de l’ouverture des jeux Olympiques de Rio. Chargé deux mois plus tôt par l’Agence mondiale antidopage (AMA) d’enquêter sur les dires de l’ancien patron du laboratoire de Moscou, Grigori Rodtchenkov, le juriste canadien avait mis au jour un système de dopage d’Etat instauré avant les Jeux de Sotchi, en 2011, et poursuivi jusqu’en 2015, reposant sur la manipulation et/ou la falsification d’échantillons en amont et à l’intérieur du laboratoire russe. Déléguées par le Comité international olympique (CIO) aux fédérations internationales, les sanctions individuelles avaient frappé plus d’une centaine de Russes, impliqués de près ou de loin dans le premier rapport McLaren ; ils étaient interdits de participer aux Jeux de Rio, rien de moins.
Q: Que peut-on attendre du second volet du rapport qui allait être présenté ?
R: La suite du dossier devrait apporter de nouvelles preuves de la récurrence et du systématisme des tricheries russes et renforcer le premier volet. Mille sportifs seraient concernés par les cas de manipulation d’échantillons et de nouveaux noms devraient être rendus public. « Je ne sais pas ce qu’il y aura dans le rapport, mais il faut se souvenir qu’il s’agira du quatrième rapport concernant la Russie. Ce qui est clair, c’est que le sport en Russie est pourri jusqu’à l’os », a estimé Travis Tygart dans une interview à l’AFP. Même ton chez Dick Pound, membre du CIO et ancien président de l’AMA, également interrogé par l’AFP: « Je ne sais pas ce qu’il y aura dans le rapport (…) mais je m’attends à ce qu’il soit très, très accablant pour la Russie. Procéder à des échanges d’échantillons en pleins JO est une attaque grave contre les jeux Olympiques. » Même du côté russe on s’attend au pire. En l’occurrence « une violente attaque contre le sport russe », prédit Vitaly Moutko, ministre des sports russe au moment des faits, promu vice-premier ministre en charge des sports.
Q: Quelles peuvent être les conséquences de nouvelles révélations ?
R: C’est là que le bât blesse. Le CIO, dont la prochaine grande échéance, les Jeux d’hiver de Pyeongchang (Corée du Sud), ne pointe que dans quatorze mois, a plutôt fait preuve de laxisme jusqu’à présent, notamment en refusant de céder aux appels de l’AMA en punissant collectivement la Russie. « Si le Guatemala était concerné, la réponse aurait été différente et plus rapide. Le mouvement olympique va devoir réagir avec fermeté, sous peine de voir sa crédibilité encore plus entamée », poursuit Dick Pound. En cas de preuves massives sur un sport, rien n’empêchera cependant une fédération internationale de prendre des sanctions collectives, comme l’ont fait les fédérations d’athlétisme (IAAF) et d’haltérophilie (IWF) avant Rio. Mais déjà les signes inquiétants se multiplient comme la tenue des prochains Mondiaux de bobsleigh, en février 2017 à Sotchi. En juillet dernier, le CIO avait précisé qu’il n’organiserait ni n’accorderait « son patronage à aucune rencontre ou événement sportifs en Russie ». Mais avait laissé les fédérations internationales olympiques libres de suivre son exemple.
Q: La Russie a-t-elle sérieusement réformé son système antidopage ?
R: La Russie fait étalage de sa bonne foi depuis juillet dernier. Le 1er décembre, Vladimir Poutine en personne a annoncé le lancement en février 2017 d’un vaste programme national antidopage, censé devenir le « plus moderne » de tous ceux en vigueur. Juridiquement, la Russie s’appuie désormais sur une loi sanctionnant de peines de prison les entraîneurs et médecins reconnus coupables d’avoir poussé des sportifs à se doper. En revanche, alors que plusieurs responsables sportifs mis en cause dans la première partie du rapport McLaren ont été limogés ou démissionnés, le ministre des Sports Vitaly Moutko, cité nommément dans ces pages, a été lui promu fin octobre vice-Premier ministre chargé des Sports.
Le Rapport Mac Laren : explosif mais sans surprises, aucune surprise
Il s’annonçait explosif. Il n’a déçu personne. Vendredi 9 décembre, la version finale du rapport McLaren sur le dopage en Russie a fait trembler le mouvement sportif international à la façon d’une secousse sismique. Le juriste canadien, missionné par l’AMA pour faire la lumière sur la réalité de la triche et de la corruption dans le sport russe, a étalé ses chiffres et ses découvertes. Le résultat laisse sans voix.
Richard McLaren l’a expliqué en conférence de presse, depuis Londres: « Une conspiration institutionnelle a été mise en place pour les sports d’hiver et d’été, avec la participation du ministre des Sports et de ses services comme l’agence russe antidopage (Rusada), le laboratoire antidopage de Moscou et le FSB (les services secrets russes, ex KGB), afin de manipuler les contrôles antidopage. Cette manipulation systématique et centralisée des contrôles antidopage a évolué et a été affinée au fur et à mesure de son utilisation, aux Jeux olympiques de Londres en 2012, aux Universiades de 2013, aux championnats du monde d’athlétisme 2013 à Moscou et aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014. »
Les Universiades à Kazan, au cours de l’été 2013, auraient ainsi été utilisées par les dirigeants russes comme un ballon d’essai pour tester les méthodes de manipulation dans la perspective des Jeux d’hiver de Sotchi, l’hiver suivant. Un événement olympique et paralympique où, selon le rapport McLaren, pas moins de 12 médaillés russes, dont 4 en or, auraient bénéficié de la manipulation de leurs échantillons afin d’échapper à une suspension. « Cela visait à assurer à la Russie, le pays hôte, qu’il pourrait décrocher le plus de médailles possible en permettant à ses meilleurs sportifs prétendant à une médaille de se doper et, parfois, dans certains cas, y compris pendant les Jeux », note Mc Laren.
Les chiffres en disent long sur l’ampleur du phénomène. A en croire Richard McLaren, « plus de 1000 athlètes russes participant à des disciplines d’été, d’hiver ou paralympiques ont été impliqués ou ont bénéficié de ces manipulations pour contourner les contrôles positifs. » Un bataillon entier, sans doute le plus imposant depuis la fin du bloc soviétique. Le phénomène concernerait 30 sports.
Autres découvertes : les méthodes de dopage auraient évolué en Russie en fonction des règles et des moyens de l’Agence mondiale antidopage. « L’évolution de l’infrastructure visait à répondre aux changements de règlement de l’agence mondiale antidopage (AMA) et de ses interventions inopinées », précise Richard McLaren.
Les autorités russes n’ont pas lésiné sur les moyens. Elles auraient formé très en amont de l’événement les futurs sélectionnés à contourner les contrôles avant et pendant les Jeux de Londres 2012.
Curieusement, le professionnalisme du système a parfois contrasté avec des techniques assez rudimentaires. Richard McLaren révèle, par exemple, que « du sel et du Nescafé ont été ajoutés dans les échantillons urinaires pour fausser les résultats. » Autre preuve des manipulations: deux hockeyeuses sur glace de l’équipe de Russie aux Jeux de Sotchi ont eu des tests d’urine révélant de l’ADN masculin.
Sans surprise, la publication du rapport final du juriste canadien a déclenché une avalanche de réactions dans le mouvement sportif. La Russie n’a pas été la dernière à se fendre d’un commentaire, cherchant à minimiser l’impact de la fraude. Le ministère des Sports a nié l’existence d’un dopage d’état systématique dans le sport, répétant comme une litanie sa détermination à lutter contre le dopage avec la volonté d’une « tolérance zéro ».
L’IAAF a annoncé, de son côté, avoir décidé d’analyser à nouveau les échantillons des athlètes russes depuis les Mondiaux 2007 à Osaka. Une opération qui aurait déjà permis de détecter trois cas positifs.
Le comité paralympique international (IPC) a qualifié les révélations du rapport McLaren d’incroyables et sans précédent. L’organisation a assuré que Mc Laren avait « frappé directement au cœur de l’intégrité et de l’éthique du sport. »
La réaction du CIO n’était pas la moins attendue. Elle est intervenue tardivement, plusieurs heures après la conférence de presse de Richard McLaren à Londres. Dans un communiqué, l’organisation olympique annonce sa décision de ré-analyser plus de 250 échantillons des athlètes russes aux Jeux de Sotchi 2014, et de soumettre à une nouvelle analyse tous les prélèvements réalisés deux ans plus tôt aux Jeux de Londres. Son communiqué évoque une « attaque fondamentale contre l’intégrité des Jeux et du sport en général. »
Mais la palme des réactions au rapport McLaren revient au Danemark. Michael Ask, le président de l’agence danoise antidopage, appelle à une exclusion de la Russie des événements sportifs. Le Scandinave estime que le pays ne devrait plus avoir le droit d’organiser de compétitions internationales, pas même la Coupe du Monde de football en 2018, en Russie.
Chronologie du scandale de corruption et de dopage qui touche la Russie, jusqu’à la publication du rapport final du juriste canadien Richard McLaren, vendredi, 9 décembre qui fait état « de fortes preuves d’un dopage institutionnalisé entre 2011 et 2015 » dans le pays.(Chronologie établie par l’AFP)
DECEMBRE 2014
« Dossier secret sur le dopage: comment la Russie produit ses vainqueurs »: ce documentaire de la chaîne allemande ARD révèle un dopage systématique couvert par les autorités russes dans l’athlétisme.
le Comité international olympique (CIO) demande l’ouverture d’une enquête.
deux membres de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) renoncent à leurs fonctions alors que des allégations de corruption et de dopage sont examinées par la commission d’éthique de l’instance: le président de la Fédération russe d’athlétisme et trésorier de l’IAAF Valentin Balakhnichev, ainsi qu’un consultant marketing de l’IAAF, Papa Massata Diack, l’un des fils du président d’alors, Lamine Diack.
l’Agence mondiale antidopage (AMA) met sur pied une commission d’enquête afin d’enquêter sur les allégations de l’ARD. Elle est présidée par le fondateur de l’AMA, le Canadien Dick Pound.
AOUT 2015
juste avant les Championnats du monde à Pékin, ARD diffuse un nouveau documentaire « Dopage – top secret: le monde opaque de l’athlétisme », avec de nouvelles accusations à l’encontre d’athlètes russes et kényans. ARD et le journal britannique The Sunday Times évoquent des listes d’athlètes aux profils suspicieux, environ 5.000 tests sanguins troubles sur 12.000 échantillons. Le reportage émet également des doutes concernant des médaillés et des champions olympiques.
le Britannique Sebastian Coe, ex-athlète et figure de proue de la candidature de Londres pour les JO-2012, est élu à la présidence de l’IAAF, succédant à Lamine Diack en poste depuis 15 ans.
NOVEMBRE 2015
deux jours avant la publication du rapport de la commission d’enquête de l’AMA, un des co-auteurs affirme à la BBC que ce rapport pourrait « bouleverser le fonctionnement de ce sport ».
Coe déclare à l’AFP être « choqué, en colère et profondément attristé ».
L’AMA rend publique les premières conclusions du rapport d’enquête de sa commission indépendante. Elles sont accablantes pour la Russie, sévèrement pointée du doigt jusqu’aux plus hauts sommets. Ces cas de dopage n’auraient « pas pu exister » sans l’assentiment du gouvernement, écrit la commission d’enquête. Elle préconise la suspension de la Fédération russe d’athlétisme pour les prochains JO-2016 de Rio.
depuis Sotchi, le président russe Vladimir Poutine joue l’apaisement, pour ses premières déclarations depuis que le scandale a éclaté. Le chef du Kremlin ordonne une enquête interne et plaide pour des sanctions individualisées plutôt que collectives.
le Conseil de l’IAAF suspend provisoirement la Fédération russe d’athlétisme, ouvrant la voie à une possible absence des athlètes russes pour les JO-2016 de Rio.
la Fédération russe d’athlétisme (ARAF) renonce à faire appel et accepte sa suspension.
JANVIER 2016
l’AMA rend publique la seconde partie de son rapport, mettant en avant la responsabilité de l’IAAF. Ses dirigeants « ne pouvaient pas ne pas connaître l’ampleur du dopage dans l’athlétisme », énonce-t-elle.
MARS 2016
l’ARD diffuse un nouveau documentaire dans lequel la chaîne allemande affirme que la Russie enfreint toujours les règles antidopage.
la joueuse de tennis Maria Sharapova annonce qu’elle a été contrôlée positif au Meldonium, un médicament destiné à traiter des problèmes relatifs au diabète et vendu uniquement en Europe de l’Est, mais détourné pour un usage dopant. Près de deux cents sportifs de toutes disciplines ont été contrôlés positif au Meldonium, dont de nombreux russes.
le Conseil de l’IAAF, réuni à Monaco, maintient la suspension de la Fédération d’athlétisme de Russie malgré les « progrès considérables » faits par le pays depuis sa suspension. La décision définitive quant à la participation des athlètes russes aux JO de Rio est programmée pour juin.
MAI 2016
l’ancien directeur du laboratoire de Moscou, Grigory Rodchenkov, exilé aux Etats-Unis pour raisons de sécurité, révèle dans le New York Times que les Jeux d’hiver de Sotchi 2014 ont été l’objet d’une triche à grande échelle. Il implique les services secrets russes, coupables d’avoir échangé les échantillons douteux, et affirme qu’au moins 15 médaillés russes étaient dopés. C’est la génèse du rapport McLaren.
JUIN 2016
un nouveau documentaire de l’ARD, le quatrième, met en cause directement le ministre russe des Sports Vitali Moutko qui aurait couvert un cas de dopage dans le football russe en 2014. La chaîne estime que le dopage d’Etat dans le sport russe se poursuit.
Réuni à Vienne, le Conseil de l’IAAF maintient la suspension de la Fédération russe d’athlétisme prononcée en novembre 2015, mais laisse la porte ouverte à la présence d’athlètes russes aux JO de Rio (5-21 août).
Le CIO, lors d’un Sommet olympique, décide que les athlètes russes non suspectés de dopage et repêchés par l’IAAF pourront participer aux JO, sous bannière russe.
JUILLET 2016
la lanceuse d’alerte Yulia Stepanova, désormais réfugiée aux Etats-Unis, est déclarée éligible pour les JO de Rio par l’IAAF.
Anna Chicherova, championne olympique en titre à la hauteur, est contrôlée positive après une nouvelle analyse de l’échantillon prélevé lors des JO de Pékin 2008. Elle est suspendue par l’IAAF.
68 athlètes russes ont saisi le TAS pour obtenir la levée de leur suspension par l’IAAF. Le tribunal de Lausanne annonce sa décision pour le 21 juillet au plus tard.
Darya Klishina, spécialiste du saut en longueur, déclarée éligible pour les JO par l’IAAF, sous maillot neutre. Klishina, double championne d’Europe en salle (2011, 2013), est basée en Floride.
le premier volet du rapport McLaren provoque un séisme: commandé par l’AMA, il dénonce un « système de dopage d’Etat », touchant 30 sports, depuis 2011 et jusqu’en 2015, avec l’aide active des services secrets russes (FSB), et ce notamment lors des JO de Sotchi 2014 et des Mondiaux d’athlétisme de Moscou en 2013.
La commission exécutive du CIO déclare « explorer toutes les options juridiques » entre exclusion collective de la Russie et « droit à la justice individuelle » des sportifs russes. Concrètement, le CIO explique que « l’admission de chaque athlète russe devra être décidée par sa Fédération internationale, sur la base de l’analyse individuelle des contrôles antidopage auxquels il s’est soumis au niveau international ».
le CIO annonce qu’il se donne sept jours pour étudier le verdict du TAS attendu le lendemain.
le TAS rejette l’appel des athlètes russes de leur suspension par l’IAAF, les privant donc définitivement des Jeux de Rio.
le CIO ne suspend pas le Comité olympique russe. L’instance olympique confie le soin aux diverses Fédérations internationales de trier parmi les sportifs russes et d’éliminer des JO de Rio ceux qui ne pourraient prouver être « propres ». Tous les athlètes russes sanctionnés pour dopage n’iront pas à Rio, même ceux qui ont déjà purgé leur sanction. Ainsi, Stepanova est recalée pour Rio, en raison de son passé d’athlète dopée.
AOUT
Les sportifs russes sont finalement 276 aux JO de Rio qui débutent, après la réintégration en dernière minute des sept derniers nageurs, initialement exclus. A peine plus d’une centaine donc ont été exclus, à l’issue d’un processus qui pose question.
Sifflée après le 100 m brasse où elle décroche une médaille d’argent, la Russe Yulia Efimova, ouvertement critiquée par ses rivales pour son implication dans deux affaires de dopage et repêchée in extremis pour les JO, se défend, en larmes. « Je peux comprendre certains athlètes mais ce que je n’arrive pas à comprendre, ce sont ceux qui font de la politique. Peuvent-ils imaginer une seconde ce que je ressens ? ».
OCTOBRE
Tennis. Maria Sharapova, suspendue 2 ans pour avoir pris du meldonium, voit sa suspension réduite à 15 mois par le TAS. La Russe pourra reprendre la compétition le 26 avril 2017.
DECEMBRE
Les retombées ne se sont pas faites attendre.
Vitaly Mutko, l’ex ministre russe des Sports, aujourd’hui élevé au rang très envié de vice Premier ministre, l’a annoncé comme une faveur: la Russie accepte la décision du CIO de procéder à une nouvelle analyse des échantillons des Jeux de Londres 2012 et Sotchi 2014. Au surlendemain de la publication du rapport McLaren, un refus de sa part aurait été suicidaire. « Le CIO a décidé de re-tester tous les prélèvements, laissons-le faire », a lâché Vitaly Mutko au site R-Sport. Mais le dirigeant russe, qui était ministre des Sports en 2012 et 2014, s’est empressé de préciser que son pays surveillerait d’un œil le processus.
La machine est lancée. Jusqu’où ira-t-elle? Difficile de répondre. Vendredi 9 décembre, quelques heures seulement après la conférence de presse du juriste canadien missionné par l’AMA pour faire la lumière sur la réalité du dopage en Russie, était suggéré que la Russie n’ait plus le droit d’organiser d’événements sportifs majeurs sur son sol, y compris la Coupe du Monde de football en 2018.Menace reprise par Daniel Cohn-Bendit, l’ancien député européen vedette du Parlement européen, s’exprimait sur Européen dans son émission quotidienne sur Europe 1
Peu réaliste. A moins que les athlètes s’en mêlent et prennent la tête du mouvement. Ils sont les premiers concernés. Les premières victimes, également, de la triche d’état mise en musique par les autorités sportives russes depuis au moins deux olympiades.
A ce titre, le cas des prochains championnats du monde de bobsleigh et skeleton, prévus en février 2017 à Sotchi, sur la piste des Jeux d’hiver en 2014, pourrait servir de révélateur. En début de mois, le New York Times a informé que la commission des athlètes de la Fédération américaine avait voté à l’unanimité pour un boycott de la compétition. Depuis, une autre voix a repris le même refrain. Une voix très écoutée dans la discipline.
Au surlendemain de la publication du second rapport McLaren, la Fédération de Lettonie de skeleton a annoncé sa décision de boycotter à son tour les Mondiaux 2017 à Sotchi. Une initiative qui privera la compétition du plus illustre athlète de la discipline, Martin Dukurs , quadruple champion du monde (2011, 2012, 2015 et 2016), médaillé d’argent aux Jeux de Vancouver en 2010 puis Sotchi en 2014. La Fédération lettone a fait connaître sa décision dans un communiqué publié dimanche 11 décembre. Le texte se veut direct et sans langue de bois. « Trop c’est trop, écrit l’organisation nationale. Au moment où notre fédération internationale en est à « lire et assimiler » le rapport McLaren, nous faisons de notre côté ce que nous pouvons. Nous serons heureux de disputer les Mondiaux n’importe où dans le monde, mais nous ne PARTICIPERONS PAS aux championnats du monde à Sotchi, en Russie, où l’esprit olympique a été bafoué en 2014″.
Martin Dukurs ne s’est pas exprimé publiquement sur le sujet. Mais son père et son coach ont confirmé le boycott de l’équipe de Lettonie. Le numéro 1 mondial du skeleton a relayé le communiqué de sa fédération sur la page Facebook qu’il partage avec son frère Tomass, classé 4ème aux derniers Jeux d’hiver.
A Sotchi, en 2014, Martin Dukurs avait été privé du titre olympique par le Russe Alexander Tetriakov, sacré sur ses terres. Depuis, le nom du spécialiste russe de skeleton a été cité dans le rapport McLaren.
La Lettonie est la première nation à annoncer officiellement son boycott d’une compétition internationale organisée en Russie. Les Etats-Unis pourraient suivre. Au Canada et en Grande-Bretagne, plusieurs athlètes ont interpellé récemment la Fédération internationale de
Le biathlon mène l’enquête
Après l’athlétisme, le biathlon. A l’image de l’IAAF, l’Union internationale de biathlon (IBU) a décidé de mener sa propre enquête sur le dopage en Russie après les révélations de la dernière partie du rapport McLaren. L’organisation internationale a annoncé via un communiqué son intention de mettre sur pied un groupe de travail composé de juristes et d’experts de la lutte antidopage. Il aura pour mission de mener sa propre investigation sur les découvertes du rapport McLaren et d’en rapporter les conclusions, « le plus rapidement possible », au comité exécutif de l’IBU. Aux Jeux de Sotchi en 2014, la Russie avait remporté trois médailles en biathlon.
Les Britanniques suivent le mouvementLe ciel est en train de s’assombrir au-dessus de Sotchi, en Russie, où étaient prévus les prochains championnats du monde de bobsleigh et skeleton (13 au 26 février 2017). Après les athlètes américains et la Fédération de Lettonie, au tour des Britanniques d’évoquer un boycott de la compétition. Hugh Robertson, le nouveau président du comité olympique du Royaume-Uni (BOA), a expliqué à la BBC sa volonté de soutenir tout athlète ou instance sportive qui prendrait la décision de boycotter la compétition. Martin-Fourcade l’exceptionnel n° 1 mondial en ski de fond a menacé de boycotter les compétitions internationales si la Russie n’était pas sanctionnée. Pressée de toutes parts de délocaliser les Mondiaux dans un autre pays, il devenait impossible de résister. Comme annoncé, la Fédération internationale de bobsleigh et skeleton (IBSF) a attribué à la station allemande de Koenigssee l’organisation des championnats du Monde 2017. L’événement devait initialement se dérouler à Sotchi, sur la piste des Jeux de 2014, mais l’IBSF l’a retiré aux Russes après les menaces de boycott brandies par plusieurs nations au lendemain de la publication du deuxième rapport McLaren. Les Mondiaux 2017 se tiendront aux dates prévues, du 13 au 26 février. La station de Koenigssee avait déjà été sollicitée pour organiser les championnats du Monde en 2011, après le retrait de Val Gardena, en Italie, où la piste ne présentait pas toutes les garanties, mais la décision de l’IBSF était intervenue deux ans avant la compétition. Cette fois, les organisateurs allemands ont moins de deux mois pour se préparer. Bonne chance !
Et maintenant c’est au tour des athlètes allemands de se rebiffer. Le salut viendra peut être des athlètes eux-mêmes ? Les athlètes allemands veulent une nouvelle analyse
Les athlètes allemands se sont invités au débat sur le dopage dans le sport russe. Réunie lundi 12 décembre, la commission des athlètes du comité national olympique (DOSB) a publié un communiqué dans lequel ses membres appellent à une ré-analyse de tous les échantillons des Jeux à partir de Pékin 2008. Les athlètes du DOSB demandent également à ce que les personnes reconnues coupables d’avoir organisé la triche dans le sport russe (entraîneurs, médecins, officiels) soient suspendus à vie.
Cette pression médiatique a porté ses fruits, d’elles mêmes les autorités russes on retiré la candidature de Sotchi.
L’AMA s’attaque à une œuvre de longue haleine. Vital !
L’AMA publie un projet de recherche d’une réelle ampleur sur la lutte contre le dopage axé sur la littérature actuelle en sciences sociales
Montréal, le 7 décembre 2016 – L’Agence mondiale antidopage (AMA) est heureuse de publier un projet de recherche qu’elle avait commandé, intitulé Social psychology of doping in sport: a mixed studies narrative synthesis. Ce projet, dirigé par la professeure Susan Backhouse et son équipe de l’Université de Leeds Beckett, au Royaume-Uni, fait suite à un projet de recherche effectué en 2007 par la même chercheuse.
Rob Koehler, directeur général adjoint de l’AMA , a déclaré ce qui suit : « L’AMA se réjouit de pouvoir affirmer, comme le corrobore ce projet de recherche, que la compréhension des comportements liés au dopage et au sport propre dans notre société s’est considérablement améliorée au cours des dix dernières années. Nous pouvons maintenant nous faire une image plus précise des approches qui seront les plus efficaces dans la lutte contre le dopage, même si la recherche est encore incomplète en ce qui a trait à l’évaluation des initiatives en éducation. L’AMA et ses partenaires se sont engagés à consacrer plus de ressources humaines et financières à l’éducation fondée sur les valeurs afin de rehausser l’efficacité des programmes antidopage à l’échelle mondiale. »
Le projet montre que la recherche en sciences sociales dans le domaine de la lutte contre le dopage a connu une croissance exponentielle depuis 2007, comme en témoignent les 27 documents évalués par des pairs publiés en moyenne chaque année, ce qui est encourageant. Cette croissance de l’ensemble des connaissances nous aide à mieux comprendre le dopage dans le sport.
Les constatations du projet viennent appuyer ce que nous savons déjà. Par exemple, la recherche confirme encore les limites d’un modèle antidopage axé sur les méthodes de détection et de dissuasion. Par conséquent, la prévention du dopage par le biais de l’éducation doit occuper une place plus centrale au sein du système et faire partie intégrante de tous les efforts menés dans le cadre de la lutte antidopage. Il s’agit donc d’enseigner des valeurs susceptibles de renforcer la capacité des sportifs et de leur personnel d’encadrement à prendre des décisions éthiques tout au long de leur carrière sportive.
Omettre de corriger les limitations inhérentes à la politique et aux pratiques antidopage actuelles risque de prolonger la crise de légitimité qui encourage les sportifs et d’autres partenaires du milieu du sport à remettre en question le bien-fondé du système de contrôles et des règles qui le régissent. Cette situation, combinée à la perception que le taux de détection est faible, risque d’accroître la vulnérabilité et la prédisposition des sportifs au dopage ou de les priver de leurs droits.
Le projet souligne aussi que les sportifs et le personnel d’encadrement des sportifs ont reçu très peu de formation structurée sur les mesures antidopage. Cette situation est surtout préoccupante dans le cas des entraîneurs et des parents : ils constituent en effet les principales sources d’information pour les sportifs et peuvent donc facilement les conduire au dopage par inadvertance. Internet et les médias sont aussi des sources d’information importantes pour les sportifs, c’est pourquoi les organisations antidopage doivent entretenir des liens avec ces plateformes pour s’assurer que les messages transmis sont exacts et précis.
Mais avant tout, le projet démontre que le dopage est un comportement d’une grande complexité que des solutions simples ne parviendront pas à corriger. Selon Susan Backhouse, « il faut de toute urgence cesser de se concentrer uniquement sur les sportifs individuels et chercher à ‘éliminer la pomme pourrie’ pour faire aussi la promotion de stratégies qui permettront de s’attaquer aux facteurs individuels, sociaux et environnementaux afin de prévenir le dopage dans le sport. Grâce à l’adoption d’une approche systémique, nous pourrons accorder la priorité à l’établissement d’une meilleure collaboration dans le sport et toucher ainsi plusieurs sphères d’influence. En outre, nous devons absolument tenir compte de la culture sportive et des milieux où les sportifs façonnent et définissent leurs comportements. Nous devons donc encourager une collaboration des diverses agences pour que la santé et le bien-être des sportifs passent en premier ».
Malgré la croissance évidente de ce secteur de recherche pendant le déroulement du projet, plusieurs lacunes et incertitudes demeurent. Voici quelques-uns des besoins qu’il faudra combler :
Pour obtenir une copie du rapport intégral de ce projet de recherche (en anglais seulement), veuillez cliquer sur le lien suivant : https://www.wada-ama.org/fr/ressources/sciences-sociales/reviewing-the-social-science-of-drugs-in-sport-five-years-on.
AUTRES PROJETS DE RECHERCHE IMPORTANTS DU PROGRAMME DE RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES DE L’AGENCE
L’AMA souhaite aussi mentionner quelques projets de recherche importants qui ont été réalisés l’année dernière dans le cadre du Programme de recherche en sciences sociales de l’AMA.
Bujon – Sport intensif à l’adolescence : l’apprentissage de la douleur
Ce projet porte sur la conceptualisation de la douleur par les membres de l’entourage des sportifs (dissimulation et gestion de la douleur) et sur l’adoption éventuelle de pratiques de dopage. L’utilisation de substances qui apaisent la douleur et d’analgésiques par les athlètes passe souvent inaperçue et s’intensifie à mesure que la carrière du sportif progresse. L’utilisation accrue de ces médicaments subit l’influence normative de la culture sportive et peut inciter les jeunes sportifs à refuser de respecter le temps de repos recommandé par les médecins en cas de blessure.
Corrion – « Dire non au dopage » : antécédents et modalités de développement des compétences psychosociales (CPS) chez les sportifs de haut niveau
Ce projet cherche à déterminer si les mécanismes d’autorégulation et les compétences psychosociales peuvent être transférables et donner aux sportifs le pouvoir de dire non au dopage dans des situations où ils pourraient être vulnérables. La recherche a permis de montrer que l’autorégulation des émotions et les réactions aux pressions sociales constituent chez les sportifs des facteurs de protection importants contre le dopage. Mais plus important encore, ces compétences de vie peuvent être enseignées et développées dans des situations quotidiennes, puis transférées au contexte sportif.
Kamenju – Awareness, Perception and Attitude to Performance-Enhancing Drugs and Substance Use among Athletes in Teacher Training Colleges in Kenya (en anglais seulement)
Cette étude avait pour objectif d’évaluer la sensibilisation, la perception et l’attitude à l’égard du dopage et de l’utilisation des substances améliorant la performance dans les sports auprès d’athlètes suivant une formation pour devenir enseignants et participant à des sports de balle et à des compétitions d’athlétisme à l’échelle nationale. La population visée se composait de sportifs et de sportives participant à ces activités. Elle fournit des statistiques descriptives pour chacun de ces construits et permet d’obtenir des données de base qui pourront être étendues à d’autres populations sportives du Kenya.
Kavussanu – A Cross-Cultural Approach to a Cross-Cultural Issue: Psychosocial Factors and Doping in Young Athletes (en anglais seulement)
Ce projet étudie la motivation et la moralité dans les sports d’équipe au Royaume-Uni, au Danemark et en Grèce, et l’influence de ces facteurs sur l’intention d’avoir recours au dopage. Les résultats ont montré que les sportifs qui avaient une faible identité morale et qui percevaient un climat de motivation axé sur la performance et approuvant le dopage étaient plus susceptibles de signaler leur intention d’utiliser des substances interdites pour améliorer leur performance et accélérer leur rétablissement à la suite d’une blessure. Le projet a aussi examiné la relation entre le niveau d’amour-propre, le désengagement moral et le sentiment de culpabilité anticipé relativement à leur intention de recourir au dopage.
Wylleman – A lifespan and holistic approach to the influence of career transitions on athletes drug-taking behaviors (en anglais seulement)
L’étude cherche à déterminer les principaux facteurs décisionnels qui peuvent conduire un sportif à se doper ou à ne pas le faire à certains moments critiques de sa carrière. Fondée sur le modèle HAC (Holistic Athletic Career) et sur le modèle Push Pull Anti-push Anti-pull, elle illustre clairement ce qui incite des sportifs à se doper à divers niveaux de développement (sportif, psychologique, social, scolaire et financier) tout au long de leur carrière.
Courage que l’AMA ne baisse pas les bras. Des nouvelles encourageantes : 28 Russes sanctionnés, des aveux russes en partie vite démentis !Les champions se rebiffent
L’heure des sanctions est arrivée pour le CIO. L’organisation olympique a annoncé, vendredi 23 décembre, sa décision de sanctionner 28 athlètes russes ayant participé aux Jeux d’hiver de Sotchi en 2014. Leurs échantillons d’urine, prélevés au moment des épreuves, auraient été manipulés. Parmi ces 28 tricheurs figurent 6 skieurs de fond. Leur identité n’a pas été révélée, mais la Fédération internationale de ski (FIS) les a déjà suspendus à titre provisoire. Aux Jeux de Sotchi, la Russie avait remporté cinq médailles, dont une en or, dans les épreuves masculines de ski de fond. Nous avons vu plus haut combien les jeux étaient menacés et aussi que les plus grands champions comme Martin-Fourcade se rebiffent et menacent de boycotter les épreuves.
Pendant combien de temps la Russie peut-elle persister dans son déni ? Peu de temps, avait- on espéré suite aux « aveux » de la directrice de la lutte anti-dopage avant que des démentis ne viennent doucher d’eau froide cet espoir.Un événement de taille, sur le dossier du dopage, les Russes passent aux aveux ! Trop beau pour être vrai ! Pour la première fois depuis le début du feuilleton sur le dopage dans le sport russe, une voix très officielle a reconnu l’existence d’un système de triche à grande échelle dans le pays. Une forme d’aveux, peu attendus à ce stade de l’histoire, recueillis après plusieurs jours d’interviews par le quotidien The New York Times.
Anna Antseliovich, directrice générale de l’agence russe antidopage (Rusada),a confié au quotidien new-yorkais: « C’était une conspiration institutionnelle » reprenant ainsi les mots du rapport Mc Laren. Elle a également avoué avoir été « choquée » en découvrant dans le rapport McLaren l’étendue du phénomène et le nombre de sportifs concernés. Vitaly Smirnov, 81 ans, l’ancien ministre russe des Sports et président du comité national olympique, s’est laissé aller lui aussi à admettre les faits. « De mon point de vue, nous avons commis beaucoup d’erreurs, a suggéré le dirigeant, très récemment désigné par Vladimir Poutine pour mener la réforme du système national de lutte antidopage. Nous devons maintenant comprendre les raisons qui ont poussé tous ces jeunes gens à se doper ou à accepter d’être dopés. »
L’avancée peut sembler timide. Anna Antseliovich et Vitaly Smirnov n’en sont pas encore à tout dévoiler. L’un comme l’autre se contentent de reconnaître l’ampleur du phénomène. Mais ils rejettent la thèse d’un système de dopage instauré par l’État russe. Selon eux, les dirigeants russes n’étaient pas impliqués.
Ils n’empêchent, leurs déclarations constituent un tournant dans une affaire débutée en juillet 2015(cf. article de Eulogos) avec les premiers documentaires de la chaîne allemande ARD. Début décembre, après la publication du second volet du rapport McLaren, faisant état d’un millier d’athlètes russes et d’une trentaine de sport touchés, l’ex ministre des Sports Vitaly Mutko avait nié en bloc toutes les accusations du juriste canadien. Il avait juré ses grands dieux que la thèse d’un dopage d’Etat piloté en haut lieu était diffamatoire. Il avait pointé que les accusations de « conspiration institutionnelle » n’étaient pas étayées par la moindre preuve.
A l’évidence, le ton est en train de changer dans le sport russe. Après le temps du complot vient celui de l’amorce d’une remise en question. Les dirigeants sont nombreux désormais à juger que la priorité est de restaurer l’image d’un sport et d’un pays montrés du doigt par le reste de la planète. Anna Antseliovich et Vitaly Smirnov viennent d’ouvrir la porte, d’autres suivront ? Une porte à peine entrouverte et vite refermée : Anna Antseliovich fait marche arrière. Dans un communiqué, Rusada assure que les propos de sa directrice dans le quotidien américain ont été « déformés et sortis de leur contexte ». Anna Antseliovich envisagerait même, selon plusieurs sources, de porter plainte contre le New York Times.
Conclusions très provisoires
Très difficiles à tirer si non par une injonction : à suivre…Pour preuve la dernière information de l’année qui boucle de curieuse façon l’année olympique. Depuis la fin de la soirée du 28 décembre, le site officiel du CIO a rayé des résultats des jeux de RIO les noms de certains des médaillés les plus illustres, Mo Farah, David Rushida par exemple. Leurs noms ont disparu purement et simplement. A l’évidence l’organisation olympique a été victime d’un piratage informatique. Une cyber-attaque derrière laquelle on devine une nouvelle offensive des Fancy Bears, le groupe de hackers russes bien connu depuis plusieurs mois pour distiller des révélations plus ou moins crédibles sur le dopage dans le sport et suspecté d’être impliqué dans d’autres affaires (TV 5 Monde, OSCE, parti démocrate américain). C’est une information emblématique au regard de toutes celles qui ont jalonné toute l’année olympique et à ce stade il est difficile de déterminer la logique, les motivations profondes des hackers derrière cette opération encore inédite dans l’univers olympique.
Affaire brumeuse, affaire à suivre donc !
Pour en savoir plus
Rapport Mac Laren https://www.wada-ama.org/sites/default/files/resources/files/mclaren_report_part_ii_2.pdf
USA to day http://www.usatoday.com/story/sports/olympics/2016/12/09/more-than-1000-russian-athletes-involved-doping-mclaren-report-says/95187710/?csp=breakingnews BBC MC Laren Report http://www.bbc.com/sport/38261608#%22
Le sport en danger: articles de Eulogos http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3983&nea=177&lang=fra&arch=0&term=0
Il faut avoir la foi du charbonnier pour encore croire à l’avenir glorieux de l’Union. La nouvelle « pensée unique » est clairement anti-européenne comme le montre l’omniprésence dans le discours public des mots « euroscepticisme » et « europhobie ». L’Union n’est plus la solution, mais une partie du problème que ce soit pour les partis de gouvernement ou pour les partis extrémistes. Pas un jour sans qu’un politique ou un média ne dénonce les méfaits de l’Europe ou/et annonce sa fin prochaine. Le pessimisme règne. Qui ose encore se proclamer « europhile » par les temps qui courent ? D’ailleurs, on ne dit plus « europhile » ou pro-européen, mais « européïste » un mot négativement connoté inventé par les eurosceptiques afin de mieux les disqualifier : on dit « européïste » comme on dit « fasciste » ou « communiste ».
Alors que, le 25 mars prochain, à Rome, on célèbrera les soixante ans du traité du même nom qui fut signé, entre les six pays fondateurs (Allemagne, France, Italie, Benelux), sur le Capitole, non loin de la roche Tarpéienne, sans doute au moment où Londres activera enfin l’article 50 du traité qui lancera le processus de sortie de l’Union, l’avenir de l’Union apparaît bien sombre. Pourtant, la construction communautaire n’a pas dit son dernier mot, n’en déplaise aux pessimistes et aux nationalistes. Six raisons d’y croire, six comme les États fondateurs.
1/ L’euro a passé l’épreuve du feu
La crise de la zone euro de 2010-2012 a vu fleurir les docteurs Philippulus (on les appelle docteurs « Doom » aux États-Unis) prédisant la disparition de la monnaie unique. En France, le démographe Emmanuel Todd (« je serais très étonné que l’euro, dans sa forme actuelle, survive à l’année 2011 »), l’économiste pro-Poutine Jacques Sapir (« la crise terminale de l’euro aura lieu à l’hiver 2011-2012 ») ou encore l’ancien conseiller de François Mitterrand Jacques Attali qu’on a connu plus inspiré (la question est de savoir si « l’euro existera toujours à Noël (2011)? Il y a plus d’une chance sur deux pour que la monnaie unique ne soit plus là ou du moins qu’elle soit en train de se défaire») se sont particulièrement illustrés… À l’orée de 2017, on mesure la pertinence de ces prédictions. Non seulement l’euro est toujours là, mais tous les pays qui ont été placés sous assistance financière de la zone euro, mis à part la pathologique Grèce, se portent mieux : Irlande, Chypre, Portugal, Espagne.
Surtout, la zone euro s’est fédéralisée sous les coups de boutoir des marchés, ce que personne n’aurait imaginé en 2009 : une union bancaire a été mise en place, le Mécanisme européen de stabilité a été pérennisé et doté de 700 milliards d’euros, ce qui lui permet de venir en aide à un pays attaqué par les marchés, la surveillance budgétaire a été renforcée, les marchés financiers ont été réglementés, etc. En outre, la Banque centrale européenne a totalement changé de doctrine : comme toutes les grandes banques centrales, elle a ouvert grand le robinet à liquidités, en janvier 2015, pour soutenir les économies (un quantitative easing qui permet un rachat d’actifs de 80 milliards d’euros par mois au moins jusque fin 2017), a ramené à zéro le coût de l’argent, ce qui a permis une baisse de l’euro (qui est à son plus bas niveau depuis 2003 face au dollar) et facilité le financement de l’économie et des publiques.
Certes, il manque encore des pièces au puzzle : un budget de la zone euro, une capacité d’emprunt fédéral ou encore un contrôle démocratique de la Commission et de l’Eurogroupe (l’instance qui réunit les ministres des Finances de la zone). Mais nul ne doute que l’édifice sera un jour achevé : le soixantième anniversaire du traité de Rome devrait lancer un nouveau cycle d’intégration.
2/ Le Brexit n’a pas suscité de nouvelles vocations
La messe était dite selon les eurosceptiques : si le 23 juin, les Britanniques votaient en faveur du « Brexit », d’autres pays suivraient dans la foulée. Comment ne pas voir dans un tel évènement le début de la fin, puisque pour la première fois un État quitterait l’Union ? À tout le moins, ses futurs ex-partenaires chercheraient à préserver leurs intérêts commerciaux et négocieraient chacun dans leur coin avec Londres, ce qui lui assurerait de garder un accès au marché unique. Bref, le Brexit serait gagnant-gagnant ce qui donnerait des idées à d’autres pays.
Qu’a-t-on vu ? Exactement l’inverse. Non seulement les États les plus eurosceptiques, comme la Pologne ou la Hongrie, ont protesté de leur ferme volonté de rester dans l’Union, mais ils ont demandé à ce qu’elle se dote enfin d’une défense digne de ce nom, un sujet jusque-là tabou. Il faut dire que la sortie de l’Union, un joli slogan, est infiniment plus compliquée qu’il n’y paraît : le fameux article 50 du traité européen qui lancera le processus ne sera finalement activé qu’en mars 2017, presque un an après le référendum. La complexité du divorce est telle qu’on estime qu’il faudra embaucher 30.000 fonctionnaires de plus pour le gérer, soit autant que d’eurocrates à la Commission. Un comble !
Et alors que la séparation n’a pas encore eu lieu (elle ne sera effective qu’en mars 2019), les mauvaises nouvelles s’accumulent : la croissance pour 2017 sera divisée par deux, la livre a chuté de 10 %, les embauches et les investissements sont au point mort. De quoi calmer bien des ardeurs. Si, comme c’est probable, le Brexit se termine mal pour Londres, c’est-à-dire qu’elle se retrouve dans la position d’un simple pays tiers et qu’une partie de ses activités, notamment financières, quitte l’île, cela enlèvera des arguments aux démagogues qui, d’ailleurs, s’inquiètent de voir que le Brexit ne débouchera pas sur des lendemains qui chantent, ce qui leur enlèvera un sacré argument. Dès lors, il n’est pas étonnant que les instituts de sondages aient constaté un rebond du sentiment pro-européen, y compris en Grande-Bretagne : non seulement 56 % des Britanniques voteraient maintenant pour rester dans l’Union, mais on a assisté à des manifestations pro-européennes ! Du jamais vu depuis son adhésion en 1973.
Enfin, à la grande déception des eurosceptiques, les Européens sont restés unis : pas question de négocier en solo avec Londres et surtout d’accepter que la Grande-Bretagne ait un accès au marché unique sans libre circulation des personnes. Boris Johnson, le secrétaire au Foreign office, a même réussi à faire l’unanimité contre lui en menaçant les Italiens de ne plus pouvoir vendre de Prosecco en Grande-Bretagne. Réplique de Rome : si l’Italie vend moins de Prosecco à 64 millions de Britanniques, le Royaume-Uni vendra moins de fish and chips à 27 pays…
3/ La crise des réfugiés et des migrants a permis un nouveau saut dans l’intégration
Lorsque la crise des réfugiés et des migrants éclate, début 2015 et surtout à partir de mi-juillet, les États européens réagissent en ordre dispersé, faute d’avoir voulu voir qu’un jour les conflits armés à ses portes finiraient par produire des flux de réfugiés. La Grèce, État failli aux avant-postes, l’a laissé passer faute d’avoir les moyens de bloquer qui que ce soit. Les pays balkaniques non membres de l’Union ont fait de même et c’est la Hongrie, puis l’Autriche qui se sont retrouvées à devoir gérer cet afflux massif et brutal. En application du règlement de Dublin, ils auraient dû renvoyer plus d’un million de personnes en Grèce, pays de première entrée, ce qui était évidemment impossible. La réaction de Budapest a été brutale : elle a construit un mur tout le long de sa frontière avec la Serbie, puis avec la Croatie. Cette dernière suivie par la Slovénie et la Macédoine ont alors fait de même pour empêcher les migrants de passer par leur territoire. Les images ont horrifié une partie des opinions publiques, mais en même temps, les candidats à l’accueil de cette masse de réfugiés n’ont pas été légion. Finalement Berlin et Stockholm, pour éviter un désastre humanitaire, ont décidé, unilatéralement, d’accueillir tous ceux qui voulaient se rendre chez eux, tout en évitant de condamner les Hongrois pour avoir fait le sale boulot.
La crise a révélé que les États européens étaient loin de partager les mêmes valeurs, les pays d’Europe centrale excluant d’accueillir des musulmans chez eux, considérant que leur culture était irréductible à celle de l’Occident. En outre, le système Schengen a montré qu’il ne fonctionnait que par temps calme. En effet, lorsque les contrôles fixes aux frontières intérieures ont été supprimés en 1995, on a laissé chaque État disposant d’une frontière extérieure la contrôler souverainement. Ou pas. En clair, au lieu d’européaniser ce contrôle, les États ont décidé de se faire mutuellement confiance…
Les tensions suscitées par cette crise humanitaire ont fait craindre une explosion du système Schengen et la remise en cause d’un principe fondamental de la construction communautaire, celui de la libre circulation des personnes. Il a fallu tâtonner un an pour parvenir à trouver une solution : un accord a été passé avec la Turquie en mars 2016 aux termes duquel Ankara s’engageait, contre espèces sonnantes et trébuchantes, à reprendre le contrôle de ses côtes pour empêcher les réfugiés et les migrants de passer. Le flux s’est immédiatement tari. Le contrôle des frontières extérieures a été renforcé et partiellement communautarisé avec la création rapide d’un corps européen de garde-frontières habilité à intervenir même contre la volonté d’un État. Seul point en suspend, le partage du fardeau : l’Union a bien essayé de mettre en place un système de quotas pour répartir les demandeurs d’asile entre les États européens, mais les pays d’Europe de l’Est persistent dans leur refus d’accueillir sur leur sol des musulmans. Mais l’essentiel a été préservé et plus personne ne remet en cause le fait que les frontières extérieures de l’Union relèvent de l’intérêt commun.
4/ L’élection de Donald Trump et la montée des périls extérieurs ont relancé la défense européenne
L’élection américaine, bien plus que le Brexit, a fait l’effet d’un électrochoc. Pour la première fois depuis 1945, les Américains ont élu un président isolationniste, pro-russe, et opposé à la construction européenne (l’ami de Nigel Farage, le leader du UKIP, le parti europhobe britannique, s’est réjoui du Brexit qualifié « d’extraordinaire » et de « fantastique »). Si Trump met en œuvre son programme, il se retirera du vieux continent, sauf si les pays sont prêts à payer pour la présence des GI’s et, surtout, il ne garantira plus automatiquement la sécurité des pays d’Europe de l’Est, alors même que les périls extérieurs augmentent : crise ukrainienne, crise des migrants et bien sûr terrorisme.
Autant dire que cela change totalement le paradigme de la sécurité européenne. Des pays qui, jusque-là, ne juraient que par les États-Unis ont brutalement redécouvert les vertus de la défense européenne. La Commission et le couple franco-allemand en ont profité pour pousser l’intégration militaire industrielle, ce qui est moins polémique qu’une hypothétique « armée européenne » : ainsi, la recherche militaire pourra être financée sur fonds communautaires ou encore la Banque européenne d’investissement pourra prêter de l’argent au secteur de la défense. L’idée est que l’opérationnel suivra. De même, le tabou de l’usage militaire de Galileo, le GPS européen qui émet depuis le 15 décembre, est tombé : il pourra bien servir à guider des missiles…
De même, dans le domaine de la lutte antiterroriste, les progrès ont été importants : après un premier réflexe de repli sur le réduit national, les États européens ont accéléré leurs coopérations policière et judiciaire. En particulier, un PNR et un ESTA européens sont en train d’être déployés et les compétences d’Europol, l’embryon de FBI européen, ont été renforcées.
5/ On se bouscule aux portes de l’Union
Si à l’intérieur de l’Union, la morosité face à la construction communautaire domine, ce n’est pas le cas à l’extérieur. Les candidats continuent à se bousculer aux portes et personne n’a renoncé à adhérer en dépit des crises qu’affronte l’Union. Mieux, des révolutions, comme en Ukraine, sont menées au nom de l’Europe… Car, vue de l’étranger, elle demeure un « pays de Cocagne » : en paix, démocratique, riche, très riche même, plus égalitaire que le reste de la planète, concentrant 50 % des dépenses sociales de la planète. Elle fait aussi rêver, car c’est la seule région du monde où des États ont accepté de partager volontairement une partie de leur souveraineté et ont mis en place des transferts financiers importants entre riches et pauvres (par exemple, la Pologne reçoit chaque année du budget européen 4 % de son PIB). Il n’y a pas que des pays qui veulent rejoindre l’Union, mais aussi des êtres humains : les migrants et les réfugiés votent avec leurs pieds, parfois au risque de leur vie. Jusqu’ici, on n’a jamais constaté de mouvement en sens inverse, en dépit des descriptions apocalyptiques des eurosceptiques sur l’état de l’Union…
6/ Les crises ont toujours renforcé l’Europe
Le fait que tout le monde parie sur la fin de l’Europe est sans doute sa meilleure chance : au fond, l’imprévisible est devenu le prévisible désormais, comme l’a montré l’élection de Trump ou la sèche défaite du candidat néo-nazi à la présidence de la République autrichienne. Plus sérieusement, l’effondrement de la construction communautaire est au programme depuis 1950, lorsque Robert Schuman a lancé son appel à la réconciliation franco-allemande. La coopération volontaire entre États souverains est toujours ressentie « contre nature » après les siècles de guerre qui ont ravagé le vieux continent. Qui aurait pu parier un kopek sur la mise en commun du charbon et de l’acier, les deux mamelles de l’industrie de l’armement à l’époque, entre l’Allemagne et la France à peine six ans après la fin du second conflit mondial ? Il suffit de songer à la haine qui perdure en Bosnie entre communautés vingt ans après la fin de la guerre pour mesurer la volonté politique qu’il a fallu déployer à l’époque pour parvenir à lancer le projet européen. Après le non français, en 1954, à la Communauté européenne de défense, comment imaginer que trois ans plus tard serait signé le traité de Rome donnant naissance à l’Union européenne et qu’en 1958 son plus farouche opposant, le général de Gaulle, le mettrait en œuvre ? On peut énumérer les crises soi-disant terminales de l’Europe, de la crise de la chaise vide en 1965 à celle de la zone euro en passant par le « non » franco-néerlandais de 2005 au traité constitutionnel européen, qui n’ont été en fait que des paliers avant que les États ne poursuivent le chemin ardu de la construction communautaire. Bref, le pire n’est jamais le plus sûr.
N.B.: version longue de mon article publié dans Libération du 29 décembre