Départ du Ludswighahen par RHIIB direction : le Numancia (crédit : Etat-Major espagnol)
(B2) Un migrant, récupéré il y a quelques jours en mer au large de la Libye par la corvette allemande ‘Ludwigshafen‘, a dû soigné sur le navire amiral de l’opération de lutte contre les trafiquants en mer Méditerranée (EUNAVFOR MED / Ops Sophia), le Cavour. Il souffrait d’une fracture à la cheville gauche.
Vers l’hôpital de bord du Cavour
Le migrant avait d’abord été récupéré par la corvette allemande ‘Ludwigshafen‘ (F-254). Mais son état nécessitait des soins rapides. La corvette allemande n’étant pas équipée pour recevoir un hélicoptère, l’homme a d’abord été évacué par mer, vers la frégate espagnole anti-aérienne ‘Numancia’ (F-83), avant d’être placé dans l’hélicoptère de bord AB-212, puis évacué sur le Cavour. Le porte-aéronef italien dispose en effet d’un hôpital de bord (le Role 2), apte à prodiguer l’ensemble des soins courants ou d’urgence.
121 migrants secourus
Cet homme fait partie des 121 migrants secourus en mer par la corvette allemande Ludwigshafen, lors de sa première journée de participation à l’opération européenne (lire : Le Cavour reprend le commandement de EUNAVFOR Med. Rotations espagnole et allemande). C’est un avion luxembourgeois, Seagull Merlin III, qui avait lancé l’alerte jeudi (28 janvier) au matin. Il avait repéré deux canots pneumatiques en détresse « dans les eaux internationales au nord de la côte libyenne » selon le QG d’EUNAVFOR Med. L’information, « immédiatement transmise » au commandement de la force (FHQ), embarqué sur le porte-avions italien Cavour, a été répercutée sur le Centre italien de coordination du sauvetage maritime (MRCC). De façon formelle, c’est lui qui a demandé à la corvette allemande d’intervenir (1). Après été mis au sec, à bord du Ludwigshafen, les migrants ou/et réfugiés ont ensuite été transférés à bord d’un navire de la marine italienne, qui opère dans l’opération Mare Sicuro (2), pour être réapatriés à terre.(NGV)
(1) C’est la procédure habituelle, les moyens européens sur la zone se coordonnant étroitement (pour le sauvetage en mer) avec le centre italien qui a, toujours, la responsabilité du sauvetage en mer dans la zone. En revanche, pour toute l’action de lutte contre les trafiquants et de surveillance, l’opération EUNAVFOR Med garde une autonomie opérationnelle (en haute mer).
(2) opération de sécurisation similaire à l’opération européenne, mais sous mandat italien
© ES / B2
(BRUXELLES2) Fin janvier 2016, 7211 somalis réfugiés au Kenya sont repartis en Somalie dans le cadre de l’accord de rapatriement lancé un an plus tôt
La plupart étaient arrivés au camp de réfugiés de Dadaab en 2011 ou les mois suivants, fuyant le chaos somalien et la famine. Certains sont arrivés et repartent seuls, comme ce jeune homme, 21 ans à peine, qui explique préférer retrouver sa famille, car ici, son projet d’étudier et trouver du travail est impossible, les conditions de vie trop dures. Cinq ans qu’il vivait ici, « pas de quoi être fier » lâche t-il.
Mohamed Ali Mukhtar, 27 ans, l’un de ses 4 enfants sur les genoux, vit ce retour comme une chance de rebâtir une maison. Mariama est une vieille femme, c’est avec sa fille et sa mère qu’elle va retourner au pays. Elle vient de Mogadiscio mais a choisi Kismayo comme destination. Elle a reçu des nouvelles de là bas qui lui font penser « que les choses ont changé », qu’elle pourra y reprendre une vie pastorale et mieux nourrir sa mère âgée. Elles laisseront au camp le souvenir douloureux de la perte d’une autre fille, seize années de vie ici.
Retours volontaires et accompagnés
Les regards sont attentifs, l’attente calme sous ce toit de tôle sous lequel la température commence à monter, le vent incessant. Le commissaire européen à l’aide humanitaire, Christos Stylianides, en visite le 20 janvier 2016 au camp de Dadaab, échange quelques mots avec certains, s’inquiétant à chaque fois qu’ils ont bien choisi de partir, que personne ne les a forcé. Le bruit grandissant de moteurs perturbe la légère torpeur. Lorsque les cars vides arrivent, l’effervescence fait place. Les cinq cars colorés sont pris d’assaut par les réfugiés. Leurs bagages sont déjà entassés sur les toits. En quelques minutes à peine, chacun a trouvé sa place. Les enfants jouent aux fenêtres. Pour beaucoup de ces enfants, c’est la première fois qu’ils quitteront le camp, là où certains sont nés.
Dans des zones limitées
Pour cette année, chaque semaine, 600 réfugiés pourraient ainsi retourner en Somalie, soit par autocars, soit en avion, notamment pour Mogadiscio (quand les conditions le permettent).
Tous bénéficieront d’un kit d’urgence (couvertures, lampe solaire,…), d’un pécule pour payer le transport une fois passée la frontière somalienne et rejoindre leur destination où ils bénéficieront d’un appui logistique et d’un soutien financier les premiers mois. Le HCR coordonne tout cela, avec l’appui d’ONG.
Kismayo, assez proche de la frontière somalienne, est la première destination choisie par les rapatriés. C’est l’une des 9 zones qui leur sont proposées. Dans ces districts, essentiellement situés dans le sud de la Somalie, l’aide humanitaire et l’aide au développement sont accessibles et réunissent donc les conditions d’un soutien à plus long terme pour les aider à se réintégrer dans les zones qu’ils avaient fuies.
Accord tripartite signé en 2013
C’est en novembre 2013, sur proposition du HCR, qu’un accord tripartite a été signé entre les gouvernements Kenyan, Somalien et le HCR pour ce rapatriement de réfugiés Somaliens volontaires. « Je suis arrivé à Nairobi le jour de l’attentat de Westgate (septembre 2013). J’ai rapidement compris que sans cadre juridique contraignant, nous risquions l’expulsion de somaliens par l’Etat Kenyan », explique Raouf Mazou, représentant du HCR au Kenya. Les critiques d’ONG seront virulentes, le climat politique vis à vis des réfugiés est en effet très rude (voir article les réfugiés au Kenya). Au sein même du HCR, l’accord fera débat, considéré par certains comme prématuré, mais il aboutit sur une signature. L’accord engage le gouvernement Kenyan à continuer à assurer l’asile aux réfugiés, et l’Etat somalien à faciliter le retour des réfugiés. Le HCR organise ces retours des volontaires. Au camp de Dadaab, un bureau d’accueil renseigne les réfugiés et accompagne ceux qui décident de franchir le pas.
Fragilisé en 2015
Dès le départ, le HCR n’a pas, comme dans d’autres pays, vraiment fait la promotion de ce programme auprès des réfugiés. Se contentant d’accompagner les personnes intéressées. Cela se justifie par les conditions encore précaires et incertaines de l’évolution de la situation en Somalie. Seules trois zones sont identifiées comme étant propices pour le retour de réfugiés. Les premiers mois, le programme de rapatriement ne brasse donc pas des foules.
L’accord a par ailleurs faillit capoter, lorsque le gouvernement kenyan a lancé sa politique d’enfermement des somaliens, au printemps 2015, suite à l’attentat du campus de Garrissa. Le gouvernement presse pour que le nombre de départs s’accélère. Menace même de fermer le camp (voir article sur les réfugiés au Kenya).
Soutenir le développement en Somalie
Le programme de rapatriement a démarré en décembre 2014. L’objectif, pour les six premiers mois de la phase pilote, était d’accompagner le retour de 10 000 somaliens, vers trois zones, identifiées alors comme accessibles et où les équipes pouvaient donc prendre le relais du HCR. Depuis juin 2015, six nouvelles zones (dont Mogadiscio), soit au total neuf, sont proposées aux réfugiés intéressés par un retour. Cela multiplie les possibilités donc.
En un an, près de 18 000 réfugiés sont venus se renseigner. A peine plus d’un sur trois a été jusqu’au bout. Plus que l’insécurité, c’est l’absence de services de base (sociaux, éducatifs) qui freine ces retours. « Les conditions d’origine sont telles que les gens peuvent difficilement rentrer en Somalie », explique Catherine Hamon Sharpe, du HCR.
Créer et soutenir la Somalie pour créer ces services de base, cela a été l’enjeu d’une conférence des donateurs à Bruxelles, en octobre 2015, où l’Union européenne avait pour sa part annoncé l’octroi d’une aide de 60 millions d’euros pour les réfugiés somaliens en Somalie et au Kenya. 50 millions d’euros devant servir à la « réintégration durable et pérenne, en Somalie, des réfugiés et des personnes déplacées, par exemple en renforçant l’accès aux services de base, en améliorant les moyens de subsistance et en réduisant la vulnérabilité dans les zones de retour et de départ ».
Autant de départs isolés
D’autres réfugiés sont retournés en Somalie par leurs propres moyens. Leur nombre serait équivalent au nombre de réfugiés rapatriés dans le cadre de cet accord. Depuis que ce plan a été lancé, en revanche, certains reviennent, pour pouvoir en bénéficier pour à nouveau repartir. Une situation ubuesque reconnait Raouf Mazou, représentant du HCR au Kenya, mais qu’il comprend. « Il n’y a pas de raison que nous ne les aidions pas », estime-t-il, coupant court au débat sur le risque d’appel d’air.
Globalement, beaucoup de ceux qui sont repartis n’étaient là que depuis 4 ans. Jusqu’à aujourd’hui, aucun de ces rapatriés n’est revenu, assure le HCR. Signe, selon l’organisation, que leurs décisions étaient bien réfléchies.
(Emmanuelle Stroesser)
Chrystos Stylianides à Dadaab (crédit : CE)
(B2 à Dadaab) Depuis 25 ans et le début du conflit somalien, le Kenya et la Somalie doivent gérer une crise des réfugiés. Le commissaire européen à l’Aide humanitaire a voulu se rendre compte sur le terrain avec les acteurs internationaux. Présent sur place, dimanche à mardi (19 au 21 janvier 2016), Christos Stylianides a voulu réaffirmer la mobilisation de l’Europe. Dans un entretien exclusif avec B2, à Dadaab (au Kenya), il évoque, aussi, face à l’augmentation des besoins, la nécessité de trouver d’autres sources de financement, notamment privées.
Vous êtes à Dadaab, considéré comme le plus grand camp de réfugiés du monde. Un camp créé il y a 25 ans. Est ce que cela a encore du sens qu’un camp de réfugiés existe si longtemps ?
Dadaab est le symbole d’une solution temporaire pour réfugiés qui, jour après jour, devient une solution permanente. Cela renforce ma conviction que chaque crise soit appréhendée dans toute sa globalité et qu’un réel dialogue politique s’instaure le plus vite possible pour amener la paix. Car quand vous décidez de fuir votre pays, c’est très difficile d’y retourner.
« La situation humanitaire reste très critique »La crise somalienne semble évoluer de façon positive. Une évolution tenable ?
L’évolution de la situation sur le terrain montre, en effet, des signes positifs au regard de la crise des réfugiés, je pense notamment au programme de rapatriement de réfugiés somaliens. En Somalie, le projet d’accord vers un nouveau processus électoral progresse. Mais la situation humanitaire reste, elle, très critique. Près de cinq millions de personnes ont toujours besoin d’une assistance humanitaire. Et plus d’un million de Somaliens sont toujours déplacés à l’intérieur du pays.
La menace terroriste d’Al Shabaab reste forte. Le lendemain de votre visite en Somalie, une nouvelle attaque a frappé des civils à proximité de Mogadiscio. La semaine précédente, des soldats kenyans, engagés depuis 2011 ans dans le cadre de l’AMISOM (mission de l’Union africaine), ont été visés…
Ce regain de violence est sans doute le signe que le développement d’une solution politique en Somalie dérange Al Shabaab. Au travers de cette attaque, ils essayent de retarder ou défaire ce processus essentiel pour rétablir une paix longtemps attendue. La seule à même d’apporter une solution à la crise humanitaire que vit ce pays.
« Le caractère volontaire du retour des réfugiés somaliens (doit être) absolument respecté »Vous avez évoqué le plan de rapatriement. Vous avez justement rencontré des Somaliens quelques minutes avant qu’ils prennent un bus pour quitter le camp de réfugiés de Dadaab au Kenya pour retourner en Somalie. Aviez-vous besoin d’être rassuré ?
Ce programme de rapatriement résulte d’un accord tripartite entre la Somalie, le Kenya et le Haut commissariat aux réfugiés (UNHCR). La réussite de sa mise en œuvre suppose que le caractère volontaire du retour des réfugiés somaliens soit absolument respecté. J’ai pu le vérifier. Ensuite, en tant que commissaire à l’aide humanitaire, il m’importe que ces réfugiés puissent disposer, à leur retour, des services sociaux et d’éducation minimum. C’est ce que nous devons continuer à soutenir.
Près de 6000 Somaliens ont pris cette décision ces derniers mois. Est-ce un exemple pour d’autres situations notamment les Syriens en Europe ?
Je ne crois pas. Il est difficile de faire le parallèle avec d’autres situations, notamment en Syrie. Les conditions sont très différentes ici. Pouvons-nous croire que pour la majorité des réfugiés syriens ayant trouvé refuge en Europe, au Canada ou ailleurs, le retour dans leur pays sera si simple ? Je n’en suis pas certain.
Quelle est l’aide européenne débloquée aujourd’hui ?
Nous avons donc décidé de débloquer une nouvelle aide de 29 millions € pour les Somaliens. Un montant qui s’inscrit dans un effort plus vaste. En 2016, l’Union européenne consacre 77 millions d’euros à la crise humanitaire de la Corne de l’Afrique. 17 millions serviront à l’aide d’urgence pour les plus vulnérables au Kenya (nourriture, soins de santé, eau, assainissement et hygiène, logement, protection et éducation dans les situations d’urgence).
Vous citez l’éducation en situation d’urgence. C’est une nouvelle priorité ? Qu’est ce que cela signifie concrètement ?
Je prendrais un exemple pour l’illustrer, celui de la crise syrienne. Lors de ma première visite en tant que commissaire européen, dans la vallée de Bekaa, au Liban, j’ai vu que la majorité des enfants réfugiés n’étaient pas scolarisés. Plus précisément, nous avons évalué à 80% le nombre de ces enfants n’allant plus à l’école. C’est pourquoi nous avons cherché, avec des partenaires, un moyen d’y remédier. Nous avons mis en place des écoles informelles, mais en collaboration avec les autorités puisque nous utilisons leurs locaux. Dans cette vallée, nous avons déjà réussi à diminuer le nombre d’enfants n’allant pas à l’école, de 80 à 50 %. La philosophie de l’éducation en situation d’urgence, c’est donc cela : quand la situation est telle que l’accès ordinaire à l’école n’est plus possible, nous devons absolument trouver des solutions pour surmonter ces difficultés. L’accès à l’éducation en situation d’urgence est un problème autant qu’un enjeu majeur. Comme je l’ai dit à des jeunes filles et garçons du camp de Dadaab, c’est grâce à l’éducation que chacun doit pouvoir construire son avenir, résister à la radicalisation.
« Je suis persuadé que nous devons aller chercher du coté du secteur privé » de nouveaux moyensLa crise des réfugiés a provoqué une forte hausse du budget humanitaire. Les ONG craignent que cela ne soit aux dépens de l’aide humanitaire en 2016. Ont-elles raison d’avoir peur ?
Nous faisons face à une réalité. Face à une multitude de contextes instables, les besoins augmentent, jour après jour. Et, malheureusement, les fonds diminuent…
…même ceux de l’Union européenne ?
Oui, nos ressources ne sont tout simplement pas illimitées. Je travaille pour trouver les moyens de dépasser cette équation qui ne peut plus tenir. Je suis, pour ma part, persuadé que nous devons aller chercher du coté du secteur privé. Nous devons réfléchir à un nouveau cadre d’instruments mondiaux qui favoriserait l’engagement du secteur privé au regard de ses responsabilités sociales.
Ces nouvelles ressources, ce sera l’un des enjeux du sommet humanitaire mondial d’Istanbul en mai prochain ?
Nous devons mettre à profit ce sommet pour améliorer l’efficacité dans la réponse aux crises, ce qui suppose l’engagement d’un plus grand nombre de donateurs. Nous devons améliorer la protection des personnes vulnérables, ainsi que des acteurs humanitaires. Ce sont les objectifs sur lesquels je me concentre.
(Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser, à Dadaab)
(BRUXELLES2) Le Kenya accueille plus d’un demi million de réfugiés. Exactement 593.881 fin 2015, selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
Un examen de groupe ou individuel
Au Kenya, les Sud soudanais bénéficient du « prima facie », un droit d’asile de groupe. Dès lors que la personne est enregistrée, elle est considérée comme réfugiée. Cela a été étendu aux Somaliens du centre et du sud. Pour tous les autres, l’octroi du statut de réfugié est étudié de façon individuelle.
Prochains rendez-vous … en 2018
Environ 20.000 personnes (Ethiopiens, Erythréens, Burundais) sont demandeurs d’asile, en attente d’une décision qui peut être très longue. Aujourd’hui, certains rendez-vous ne seront pas donnés avant 2018 ! L’explication est administrative. Pendant des années, le Haut commissariat aux réfugiés a instruit ces demandes pour le compte de l’état kenyan. Une tâche qu’il a continué d’assumer tout en organisant la transition. Il a formé des agents de l’État afin que ce dernier reprenne cette activité et redevienne maitre des décisions.
Un processus mixte : gouvernemental / HCR
Depuis juillet 2014, la décision finale d’accorder ou non l’asile revient au commissaire du département des réfugiés. Le processus reste conjoint : un agent du HCR ou du gouvernement reçoit le demandeur d’asile. Puis le cas est révisé par le HCR avant une discussion conjointe HCR/département des affaires des réfugiés, précédent l’accord et la signature du commissaire. Tous les réfugiés reconnus depuis cette date ont donc un document officiel kenyan. Une carte d’identification délivrée par les autorités. Là où cela se complique, c’est que cette carte n’est pas encore connue de tous les agents de l’État, et notamment des policiers, qui ont vite fait de croire parfois qu’il s’agit d’un faux.
Campement policy
Depuis 2013, le gouvernement kenyan a durci sa politique. Le contrecoup de la dégradation des conditions de sécurité depuis que les forces kenyanes interviennent en Somalie. Et des premiers attentats revendiqués par le groupe terroriste Al Shabbab sur le territoire kényan, comme l’attentat du centre commercial de Nairobi (68 morts) en septembre 2013. La politique officielle est depuis lors celle du « campement policy » pour les réfugiés. Autrement dit, les réfugiés doivent vivre en camp, et nulle par ailleurs. Résider hors d’un camp est un délit.
En mars 2014, cette politique est réaffirmée avec la désignation, au journal officiel, des deux camps de Dadaab et Kakuma comme lieux de résidences obligatoires. L’enregistrement des demandeurs d’asile est désormais interdit dans les villes.
Le « coup de balai pour rétablir l’ordre »
En avril 2014, les Somaliens sont les premiers visés par des opérations de sécurité visant à juguler criminalité et terrorisme. Plus crûment, le ministre de l’Intérieur parle d’un « bon coup de balai pour rétablir l’ordre ». Les interpellations se comptent par milliers, ciblant le quartier rebaptisé petit Mogadiscio de Nairobi. Les personnes sont regroupées dans un stade le temps de vérifier leurs papiers. Tout réfugié est renvoyé dans un camp (dont beaucoup reviendront plus tard). Le HCR n’obtient pas d’accéder au stade, malgré les demandes répétées.
Vives critiques des ONG
Cette politique radicale de chasse aux réfugiés provoque de vives critiques d’ONG mais aussi d’autorités judiciaires, dénonçant les atteintes aux droits fondamentaux, à la libre circulation et les exactions des forces de police. L’opinion publique, au départ très favorable, a commencé à douter et contester ces pratiques à mesure que les réseaux sociaux ont joué un travail d’information. L’opération est suspendue en juillet 2014.
Le HCR estime entre 6000 et 8000 le nombre de réfugiés « relocalisés de force » vers les camps de Kakuma ou Dadaab. Sans ménagement ni considération des liens familiaux pouvant expliquer la présence sur Nairobi, ni prendre garde de ne pas séparer des familles… Les ONG et le HCR ont du ainsi prendre en charge près de 300 enfants séparés de leur mère à Nairobi, précise Catherine Hamon Sharpe, adjointe au représentant du HCR au Kenya, en charge de la protection des personnes.
Aucun des Somaliens arrêté n’a été traduit en justice pour opération de terrorisme. Environ 350 somaliens seront expulsés en avion direction Mogadiscio. Des Congolais auraient également été expulsés mais sans que cette information n’ait pu être vérifiée, ni qu’aucun chiffre officiel n’ait été donné.
Le camp de Dadaab en sursis diplomatique
Le ton se durcit de nouveau au printemps 2015, suite à l’attaque du campus de l’Université de Garissa (148 morts). C’est le comté… du camp de Dadaab. Les rapprochements sont vite faits entre terroristes, Somaliens et réfugiés. Le vice président du Kenya somme le HCR de fermer le camp de Dadaab, accusé de servir d’abris aux terroristes. Les enquêtes criminelles démentent les soupçons. Mais le doute reste profond dans l’opinion publique.
Un soutien renforcé humanitaire et de sécurité
Les réactions internationales temporiseront la sommation qui n’a jamais été officiellement formulée. Certains analysent cette menace comme un moyen de rappeler la communauté internationale à ses engagements. Cela se traduira notamment par un soutien renforcé des Américains en matière de politique de renseignement, la relance du programme de rapatriement des réfugiés ou encore l’implication de la communauté internationale en Somalie pour renforcer la sécurité et le développement du pays en services de base.
Des camps qui restent surpeuplés malgré tout
Le camp de Kakuma conçu pour 125.000 réfugiés en héberge 183.000. Près de 47.000 réfugiés du sud soudan ont rejoint le camp depuis que le conflit au Sud Soudan a repris en 2013. Beaucoup d’enfants seuls.
Les autorités locales (depuis deux ans, des compétences ont été décentralisées aux comtés) ont donné leur aval pour la mise à disposition de terrains par des communautés locales. Un nouveau camp pourrait être conçu sur un modèle plus ouvert sur l’extérieur, permettant des échanges entre les réfugiés et les communautés locales, souvent tout aussi pauvres si ce n’est plus. Le HCR compte sur le résultat d’une étude aux mains de la Banque mondiale pour démontrer l’impact économique que peut avoir un camp de réfugiés intégré à son environnement.
(Emmanuelle Stroesser)
La très grande majorité vivent dans les camps gérés par le HCR.