G. Oettinger, l’homme par qui le scandale arrive (crédit : CE)
(B2) Vous avez un rendez-vous immanquable avec un/e fiancé/e, un dîner d’anciens camarades de promotion, une rencontre d’affaires et vous venez de rater votre avion. Alors n’hésitez plus ! Appelez Günther Oettinger, le commissaire européen chargé de la société numérique. Il pourra vous trouver une solution…
Un vol avec un homme d’affaires bien connu
Les faits datent du 18 mai. Mais le pot aux roses n’a été révélé à Bruxelles, que récemment, par notre confrère EU Observer et un député vert hongrois Benedek Jávor.
Pour rejoindre Budapest, et un dîner avec Viktor Orban avant d’intervenir (le lendemain) dans une conférence sur les voitures du futur, le commissaire allemand chargé de l’Économie numérique (et pressenti pour prendre le portefeuille du budget) s’est jeté à corps perdu dans le jet privé de Klaus Mangold. Un Cessna 560XL Citation XLS Plus, selon nos informations — loué à la société DC Aviation (ex Daimler Chrysler Aviation) — immatriculé D-CQQQ. Il était pressé et n’a pas vérifié quel avion lui envoyait le gouvernement hongrois avec qui il avait rendez-vous. C’est l’excuse officielle benoitement donnée par la Commission européenne. Cet homme d’affaires est pourtant connu pour ses bonnes connexions avec le Kremlin : il est d’ailleurs consul honoraire de Russie depuis 2005 dans le Baden-Württemberg. Un land présidé justement de 2005 à 2010 par un certain Günther… Oettinger (le monde est petit !). Mais apparemment personne à la Commission n’avait les bonnes clés pour détecter un problème.
Les mots d’excuse du commissaire
Excuse officielle délivrée par l’intéressé sur twitter : « j’avais des réunions avec trois commissaires et d’autres réunions jusqu’à 18h ». Et d’ajouter en guise de justification pour ne pas avoir joué la transparence : « Je n’ai pas besoin de rendre public tous mes rendez-vous sur mon agenda public ».
Pas d’autre moyen pour rallier Budapest. « La seule manière de pouvoir honorer l’invitation était de prendre l’avion envoyé par le gouvernement hongrois » a expliqué le porte-parole. Ce n’est pas ma faute… raconte le commissaire. C’est la Hongrie qui a tout organisé et m’a invité. Elle a également payé l’hôtel, ajoute-t-il.
Ce genre d’invitation est courante explique-t-il. « Les gouvernements prennent souvent en charge transport et hôtel des commissaires quand ils les invitent pour une réunion, des conférences »
Une rupture de l’indépendance des commissaires
Pour le commissaire allemand, voyager aux frais des gouvernements et de personnes privées est tout à fait normal. L’argument est plutôt maladroit. On est là en pleine violation du principe d’indépendance, écrit à l’article 17 du traité, gage de l’honnêteté dans laquelle les commissaires européens doivent exercer leurs fonctions.
La Commission exerce ses responsabilités en pleine indépendance. Sans préjudice de l’article 18, paragraphe 2, les membres de la Commission ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement, institution, organe ou organisme. Ils s’abstiennent de tout acte incompatible avec leurs fonctions ou l’exécution de leurs tâches.
Pas de conflit d’intérêt
La Commission reste (pour l’instant) sur une ligne : ‘No problem’. Elle réfute qu’il y a une violation du code de transparence ou d’une quelconque règle. La ligne de défense est assez originale : 1° Nous n’avons de relation qu’avec le gouvernement, et non pas avec le propriétaire de l’avion, que nous ne connaissons pas. « Pour la relation entre le gouvernement hongrois et le propriétaire de l’avion, je vous invite à voir avec Budapest » a souligné le porte-parole en chef de la Commission lors du point de presse ce jeudi. 2° « Ce n’était pas une rencontre planifiée ». 3° Il n’y a pas de conflit d’intérêt. 4° Il n’y a pas de violation de la règle de concurrence. Le commissaire n’avait pas à déclarer la rencontre avec Mangold. Aucun des sujets du propriétaire du jet privé ne concernait l’économie numérique, portefeuille du commissaire.
Commentaire : un conflit d’intérêt difficile à résoudre autrement que par la démission
L’Allemand, ancien président du Land de Baden-Würtenberg, n’en est pas à sa première frasque. Mais celle-ci pourrait être celle de trop. Il ne s’agit pas ici d’un dérapage verbal, mal contrôlé et mal excusé comme lorsqu’il avait taxé la Wallonie de petite région dirigée par les communistes ou les Chinois d’être des gens trop peignés.
Même si on ne peut parler de concussion, il y a là au minimum un conflit d’intérêt, peu importe qu’il y ait eu volonté, ou non, d’aboutir à cela, difficilement excusable. Il est une chose d’être l’invité d’un gouvernement, il en une autre, de façon tout à fait consciente, d’accepter de monter dans un vol privé pour discuter avec un homme d’affaires actif sur le marché européen. L’absence de tout sens de la réalité morale de Günther Oettinger, trahi dans ses tweets, est patente.
On voit mal comment un tel commissaire peut prendre en charge le portfolio du budget, voire même demeurer commissaire. Un simple mot d’excuses ne suffira pas cette fois. La seule façon de s’en sortir est, aujourd’hui, de passer par la démission d’un responsable politique qui aura sans doute plus fait pour nuire à l’image européenne que n’importe quel opposant. Espérons que, cette fois, le président Juncker ne tergiversera durant plusieurs jours avant de se décider.
(crédit : Vevo / découpage B2)
(B2) L’ancien président du Conseil européen Herman Van Rompuy a poussé la chansonnette dans une chanson de Dana Winner, De Liefde Wint Altijd (l’amour gagne toujours) qui figure sur un album de Noël Puur Deluxe… à partir d’aujourd’hui dans les bacs des magasins de disque (ou sur internet).
En hommage aux victimes des attentats du 22 mars
Herman ne chante pas vraiment d’ailleurs. Il déclame plutôt, quelques vers. Mais c’est une vraie voix de chrooner, en mode slam, sur un fond d’arpège de guitare. Et des paroles d’émotion pour cette chanson en hommage aux victimes des attentats du 22 mars à Zaventem et à la station de métro de Maelbeek (1)….
« Vous me demandez, où sont les fleurs ?
Mais vous n’avez pas attendu pour me répondre.
Parce que maintenant, vous savez qu’il n’y a qu’une chose qui existe,
Qui est plus fort que la haine et tout ce qui est mal » (2)
(à la minute 2’35 si vous voulez ne pas écouter toute la chanson, un peu trop sirupeuse à mon goût)
Est-ce le début d’une carrière ? Pas sûr
Hier sur la VRT, la chanteuse reconnaissait, « Herman ne connait pas grand chose à la musique ». Herman n’est pas vraiment un fan non plus des studios de musique et de ses habitudes. « Pourquoi je dois mettre ce casque » réplique-t-il au technicien qui tente de le convaincre. Et il ne compte pas faire la tournée de concerts. Mais la chanteuse l’a convaincu de participer. Herman n’habite pas très loin de Maelbeek. Il prend encore régulièrement le train et le métro. Il a été très touché et a accepté de participer ».
(NGV)
(1) Bruxelles touchée à son tour par les attentats. Le réveil brutal de la capitale européenne (MAJ)
(2) Je vroeg me, zeg me waar de bloemen zijn / maar je wachtte niet op ‘t antwoord van mij. / Want je wist nu dat er één ding bestaat / dat sterker is dan alle haat en alle kwaad
La première rencontre entre Obama et le nouvel élu Donald Trump a été plus consensuelle que prévue (crédit : US White House)
(BRUXELLES2) L’élection de Donald Trump à la présidence américaine sera-t-il un motif pour les Européens de se ressouder et de trouver des motifs d’agir davantage ensemble, de renforcer la défense et l’industrie européennes ? On peut l’espérer, le souhaiter. Certains le disent et l’expriment. Mais le contraire pourrait tout aussi bien être envisageable et doit être envisagé.
Ne me quitte pas…
Les quelques paroles de Donald Trump sur l’OTAN peuvent certes apparaitre comme des propos de campagne. Ils vont susciter de la part des dirigeants européens qui ne tiennent pas à voir l’OTAN diminuer son rôle ni les Américains cesser de s’y investir. Ce n’est donc pas le moment de créer le moindre brin d’incertitude des Européens ou d’alternative possible qui pourrait permettre à Washington d’en tirer parti. Ce mouvement a déjà commencé. Dans plusieurs pays (Belgique, Allemagne…) les dirigeants ne cessent de monter au créneau pour démontrer l’utilité de l’OTAN. Et le secrétaire général de l’OTAN a sonné l’alarme (lire son entretien exclusif à B2 : Une défense européenne, oui mais en complément à l’OTAN). Il va falloir ensuite passer à la caisse…
Oui … je paierai davantage
Ce qu’a dit Donald Trump sur la solidarité transatlantique — pas de solidarité sans un effort européen — peut susciter des interprétation diverses. Au premier degré, l’ambition américaine est de quantifier l’effort américain à l’effort européen. C’est ce qu’on appelle le partage des charges. Trump s’inscrit là concrètement dans les pas de ses prédécesseurs (Bush, Obama). Aux Européens de se prendre en charge un peu plus, avec à la clé une augmentation des budgets des dépenses de défense (1) mais aussi une prise de risque plus importante. Un discours qui n’est pas exempt de contradiction côté américain. Car si cette montée en puissance des Européens est souhaitée, les Américains ne souhaitent finalement pas qu’elle soit trop autonome.
Buy American ou je me tire !
Au second degré, le propos de Trump est davantage une attitude de négociateur commercial. La menace de plus assurer l’assistance aux Européens doit être prise comme une volonté de s’assurer de la fidélité des Européens. Et cela marche, à en juger par les déclarations dans les capitales européennes. Elle s’accompagne d’une volonté d’avoir davantage de retour sur investissements, dans le plus pur style du principe « I want my money back ». Autrement dit, si les Américains assurent une partie de la défense, européennes aux Européens de payer plus, en nature au besoin, en achetant… américain. Dans toute cette logique, on est assez loin du renforcement d’une défense européenne autonome…
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire : Trump élu, l’Europe va devoir se bouger les fesses !
(1) L’objectif fixé de dépenser 2% du PIB pour la défense est un objectif idiot. Sans un plan de dépense à l’échelle européenne, il risque d’aboutir à des achats dispersés, un gaspillage d’argent comme il y a eu dans le passé, et ne permettront pas en tant que tel de résoudre les lacunes qui persistent.