Estados Unidos, que libra una guerra contra China por el control de las tecnologías digitales, ha abierto ahora otro frente contra sus grandes compañías.
La inteligencia artificial y la ciberseguridad pueden utilizarse tanto para reforzarse como para deteriorarse mutuamente.
La política de ciberseguridad es diversa. Debe incluir necesariamente a agentes estatales, económicos y sociales, esclarecer cómo se ponderan los distintos objetivos entre sí e identificar claramente el papel que cumple el Estado en sus diversas funciones.
The political geography of Kashmir has changed radically in recent months. The starting point was the Indian government’s decision on 5 August 2019 to divide the state of Jammu and Kashmir (J&K) into two Union territories. In response, Islamabad published a map on 4 August 2020 showing all of Kashmir as part of Pakistan. At the end of September 2020, the Chinese government terminated the status quo with India in the Ladakh/Aksai Chin region. This indicates a new phase in the conflict over Kashmir, in which China and Pakistan could work more closely together. In addition, the conflict is being expanded to include a new geopolitical dimension because, for China, the dispute with India is now also part of the struggle with the United States over the future distribution of power in the Indo-Pacific.
The UN Security Council is expected to renew the mandate of the United Nations Multidimensional Integrated Stabilization Mission in the Central African Republic (MINUSCA) in November 2020. In 2019, the mission’s mandate and strategic engagement in the Central African Republic (CAR) shifted to supporting the implementation of the Political Agreement for Peace and Reconciliation signed earlier that year. Nearly one year later, the presidential, legislative, and local elections are seen as another pivotal moment in the country’s political process and offer the mission another opportunity to refine its support to the country.
In this context, the International Peace Institute (IPI), the Stimson Center, and Security Council Report organized a workshop on October 8, 2020, to discuss the mandate and political strategy of MINUSCA. This workshop provided a forum for member states, UN stakeholders, and outside experts to share their assessment of the situation in the country. The discussion was intended to help the Security Council make more informed decisions with respect to the strategic orientation, prioritization, and sequencing of the mission’s mandate and actions on the ground.
Participants largely agreed that MINUSCA’s current mandate remains relevant and encompasses the areas necessary to facilitate the mission’s effective engagement on political, security, and peacebuilding issues, including the upcoming elections. Recognizing the fluidity of the country’s political situation, they cautioned against major changes to the mandate. Instead, they encouraged the mission to continue balancing between supporting the electoral process and encouraging full implementation of the peace agreement, on the one hand, and responding to humanitarian needs and protecting civilians, on the other.
a img {display:block; Margin: 0 auto;}Joe Biden deviendra en janvier 2021 le 46e président des Etats-Unis. Mais que changera l’élection de Joe Biden en termes de relations internationales ? Si on s’attend à ce que le ton change et à ce que la politique du nouveau président américain soit plus multilatéralisme que celle de son prédécesseur, certaines constantes ne changeront pas, dont la rivalité croissante à l’égard de la Chine. L’analyse de Pascal Boniface.
La pandémie de Covid-19 a conduit pour la première fois dans l’histoire contemporaine à confiner une grande partie de la population mondiale pour limiter autant que faire se peut la propagation du virus. Face au manque d’anticipation et l’impréparation de la plupart des États, ces derniers n’avaient pas d’autres choix pour faire face à une épidémie de ce type. Ils devaient aussi composer avec la multiplication des mouvements sociaux en grande partie liés à l’amplification des inégalités, au déclassement d’une partie de la population et aux injustices sociales qui en découlent partout dans le monde.
Paradoxalement pourtant, il se pourrait bien que tant la pandémie et sa gestion que les conséquences économiques du confinement amplifient encore toutes les problématiques qui prévalaient avant la crise (changement climatique, dettes publiques et privées, poids déterminants de la finance mais aussi écarts entre les classes populaires et ceux qui ont pleinement profité de la mondialisation) sans être réellement priorisées par les pouvoirs publics. Et dans un tel contexte, il est fort possible que le monde d’après retrouve assez vite le chemin de la croissance.
En effet, la réponse politique au Covid-19 et le confinement ont entrainé un double choc économique. Un choc de l’offre dans un premier temps, lorsque la Chine confinée ne pouvait plus assurer ses approvisionnements poussant nombre d’entreprises, partout sur la planète, à réduire voire stopper leurs productions par manque de pièces et composants. Un choc de la demande ensuite, les consommateurs ne pouvant plus consommer comme avant puisque confinés chez eux. L’ensemble des économies ont été affectées et le sont encore puisque la pandémie est loin d’être sous contrôle. Début octobre, le FMI constatait que, depuis le mois de juin, la situation économique s’était encore détériorée et que les pays émergents et en développement apparaissaient les plus fragilisés[1]. Plus de 90 millions de personnes pourraient retomber dans une situation d’extrême pauvreté (moins de 2 dollars par jour pour vivre). Le PIB mondial devrait décroitre de 4,4% en 2020, ventilé par une décrue de 6% pour les économies avancées et de 3,3% pour les économies émergentes. La relative performance des économies émergentes est toutefois faussée par la résistance de l’économie chinoise dont la croissance économique avoisinerait les 2% en 2020. L’Amérique latine verrait un repli du PIB régional dépasser les 8% et l’Inde de plus de 10%. Le continent africain perdrait 3% de son PIB, résistant relativement même si certains pays pourraient connaître des situations plus compliquées, à l’image de l’Afrique du Sud dont le PIB serait en repli de 8%
Pourtant, la reprise de l’économie en Chine, aux États-Unis et même en Europe fut rapide dès l’été et même plus importante qu’initialement prévue. L’économie européenne a par exemple connu un rebond de sa croissance au troisième trimestre atteignant 12,7% et même 18,2% pour la France. Le PIB européen restant toutefois inférieur de 4,3% à son niveau de 2019 à la même période selon les dernières estimations d’Eurostat.
Pour autant, comme pour la première vague, l’économie repartira certainement au fur et à mesure de l’assouplissement des mesures et s’il y a une troisième vague avant que le vaccin ne soit découvert, la même chose sera observée. Peut-être même faudra-t-il s’habituer à vivre avec un tel virus et l’économie s’en accommodera dans une sorte de « stop and go » de la croissance économique et de la courbe du chômage. Il est très probable également que ce confinement et la prise de conscience des importantes dépendances de toutes les économies de la planète aux produits et composants chinois poussent les entreprises, mais aussi les États, à tenter de réduire ces dépendances en relançant certaines productions industrielles. Cela prendra toutefois des années puisqu’au-delà de la relocalisation des productions, se pose la question des compétences et de la formation, mais aussi celle du coût de telles mesures et de leur impact sur la consommation.
La croissance économique retrouvée aura pourtant un goût amer tant elle ne résoudra pas les déséquilibres qui préexistaient avant la pandémie et qui pourraient être encore plus criants après. La pandémie touche en effet une fois de plus des populations déjà marginalisées ou affectées négativement par le mouvement de mondialisation depuis 30 ans. Les politiques tant monétaires que budgétaires reprennent les méthodes éprouvées de relance de la croissance, mais incompatibles en l’état avec la lutte contre le changement climatique ou contre les inégalités, porteuses de risques de défaut pour des États trop endettés ou de bulles spéculatives…
La question est toutefois plus politique qu’économique. En effet, suite à cette crise, les États, tout au moins dans les économies les plus riches, vont disposer de moyens financiers colossaux au travers de la dette publique ou de politiques monétaires accommodantes. Les emploieront-ils à relancer une économie sur les mêmes bases que par le passé et dans une vision court-termiste dont l’échéance est la prochaine élection ou auront-ils une approche plus structurelle afin de réduire les déséquilibres qui déstabilisent nos mondes et sont en partie responsables de la pandémie et/ou de sa gestion erratique. Il n’est plus question du comportement du consommateur, mais bien de celui de l’électeur… À moins que les 2 ne se confondent ! De ce point de vue, la récente élection aux États-Unis est intéressante puisqu’elle suggère une opposition de deux mondes et de deux visions de dimension assez comparable même si, in fine, c’est encore l’ancien monde qui semble gagner.
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[1] World Economic Outlook, October 2020 – https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2020/09/30/world-economic-outlook-october-2020
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Cet article est publié dans le cadre de l’Observatoire (Dés)information & Géopolitique au temps du Covid-19 de l’IRIS.
During November, the annual Malabar naval drills are taking place in the Bay of Bengal. The usual participants – India, the United States and Japan – are being joined this year by Australia, thirteen years after it last took part in the exercise.
Intended to serve as a counter to China’s growing power, the drills will likely irritate government in Beijing at a time when relations between the East Asian nation and the Western alliance have been deteriorating.
Donald Trump’s bellicose tenure as US president has ramped-up tensions with China on a multitude of fronts. Relations with neighbouring India have been no better, border skirmishes having erupted this summer resulting in the deaths of several Indian soldiers.
Australia has recently adopted a position which reflect its fears that China represents a significant threat to the country’s national sovereignty. Geography and history dictate that relations between Japan and China are always sensitive with the potential for fractiousness, even at the best of times.
It is no surprise, then, that reports are emerging of some countries contemplating a boycott of the 2022 Winter Olympics in Beijing. Prominent within this group are the United States and Australia. Alongside them are the likes of Great Britain, another country with which China has a souring relationship.
Given that India is not one of alpine sport’s most notable global competitors, recent sporting spats with China have centred upon cricket. One fallout of this summer’s border deaths was a consumer backlash against Chinese brands, some of which were actively engaged in Indian sports sponsorships (notably telecommunications business Vivo). Indeed, several deals were subsequently terminated.
As for Japan, the government finds itself in a difficult position. Tokyo was supposed to host this summer’s Olympic and Paralympic Games, which have been delayed until 2021 due to the Corona virus outbreak. Any suggestion of complicity by Japan in moves to boycott the 2022 Winter Olympics would inevitably cause difficulties for the country.
Hence, it has been left to the US, Australia, Britain and other allies to make the running in fuelling talk of a boycott. The platform upon which staying away from Beijing in 2022 is being advocated is the persecution of Western China’s Uyghur minority. Some also point to Chinese interference in Hong Kong, a matter consistently emphasised by the British government.
Concern for such issues and the support of people involved is both laudable and necessary, though the moral high ground is safe territory in which to locate one’s position. It enables the allies to assert their liberal, democratic values, whilst at the same time diminishing China’s politics and its treatment of others. It is nevertheless worth keeping in mind that all of those associated with the boycott rumours remain deeply engaged in trading relations with China.
Even so, on the issue of human rights government in Beijing is globally vulnerable. China’s hosting of the Games themselves is also subject to vulnerability. Though a rather less ostentatious affair than Sochi 2014 was, or indeed Beijing 2008, China is estimated to be spending upwards of €12 billion on its staging of the Winter Games.
A boycott would undermine this investment, though the country would also lose face if countries stayed away. Furthermore, the event is supposed to mark a further step in China’s ascent to becoming a pre-eminent member of the global sport community. By threatening boycott, countries would hope to undermine the country’s growing power and effect changes in its policies.
Looking ahead, China’s sights have already moved on from the Winter Olympics with Beijing now looking ahead to making a successful bid to host the 2030 FIFA World Cup. Given the power of Europe and European institutions to influence FIFA’s hosting decisions, antagonising the Western alliance at this stage would risk the likelihood of a successful Chinese tournament bid.
One nevertheless gets the sense that talk of America, Britain, Australia and their allies is little more than posturing and positioning. Unlike, say, a Western boycott of Chinese consumer goods, sporting boycotts are often a low risk threat and less likely to materially affect a country’s population.
This is highly pertinent as China in 2020 is not the same as China in 2001, when Beijing was awarded the right to host 2008’s Olympic and Paralympic Games. Back then, the country was emergent and seeking to globally re-launch itself. Now, China is an established world power, embedded in networks of economic dependency.
To illustrate this, one need to look no further than sports sponsorships to understand how reliant Western organisations have become on Chinese money. Alibaba is an established IOC sponsor, whilst Mengniu Dairy has recently engaged in a unique relationship with America’s Coca Cola that saw it become a global partner of the Olympics.
At the same time, Chinese companies and brands have clustered around FIFA as the country pursues its World Cup hosting aspirations. This has created a co-dependency between the two organisations that several years ago, even FIFA’s president acknowledged had saved football’s governing body from financial problems.
With dependency comes power, which means that it seems unlikely a proposed boycott will garner enough support such that it becomes a genuine possibility. Indeed, it is worth considering that, for example, the Chinese government has already fired warning shots across the bows of British government and the English Premier League.
Earlier this summer, some of the league’s games being broadcast in China were demoted to smaller television channels. Later, the main television contact for television coverage of Premier League football in China was terminated, being replaced with a one-year deal that is up for renewal in the last quarter of 2021 (ahead of the Winter Games in the first quarter of 2022).
Given the highly lucrative and strategically important nature of Premier League television rights to the British economy, one suspects that the British government will be highly reluctant to press its demands for countries to boycott Beijing’s next Olympics.
All of which means that, as the ships of four nations circuit the Indian Ocean to signal their strength towards an Eastern audience, so there are other nations using the 2022 Winter Games and a threat of boycott for very similar purposes. It will be a surprise if a large contingent of athletes misses the Beijing event, though in the meantime the bellicose noise could be defeaning.
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This article belongs to the GeoSport platform, developed by IRIS and EM Lyon
La décence l'a emporté sur le mensonge, la démocratie sur la tentation du "césarisme". L'élection de Joe Biden est certes un immense soulagement. Mais il faut se souvenir que 70 millions d'américains ont voté pour Donald Trump, écrit Dominique Moïsi. Preuve que la fragmentation culturelle du pays est immense.
1776-2020. L'histoire des États-Unis commence à Philadelphie avec la Déclaration d'indépendance. Deux cent…
Nature : stage rémunéré
Lieu : Paris 8ème / dans le contexte actuel en télétravail
Domaine : Marketing - communication
Début : à partir de janvier/février 2021 pour une durée de 4 à 6 mois
Rattaché(e) au pôle adhérents de la direction du…
Ces dernières semaines auront été le théâtre de plusieurs attentats terroristes, en France (Paris, Eragny et Nice) comme en Autriche (Vienne). La recrudescence de ces actes, comme leur modèle opératoire - actions rapides, peu préparées - font ainsi émerger un sentiment de crainte au sein de la population, dans un contexte déjà incertain lié à la crise du Covid-19. Comment analyser ces événements récents ? Quelles décisions supplémentaires prendre pour lutter…
Die Wahl Joseph Bidens zum 46. Präsidenten der USA bedeutet nicht, dass die transatlantischen Beziehungen einfach zum Status quo vor 2017 zurückkehren werden. Zu sehr hat sich inzwischen das internationale Umfeld verändert, zu stark ist der Wettbewerb großer Mächte zum strukturbildenden Merkmal der internationalen Ordnung geworden. Europa wird stärker als bislang verdeutlichen müssen, welche Politik man von Washington erwartet, aber auch, was man selbst zu leisten bereit ist. Vor diesem Hintergrund sollten Berlin und Brüssel gegenüber der Regierung Biden fünf Prioritäten als Grundlage einer erneuerten transatlantischen Agenda verfolgen. Unter anderem sind demnach gemeinsame Regelwerke zur Bekämpfung politischer Desinformation und eine transatlantische Impfstoff-Allianz anzustreben.
Vor zwei Jahren lagen sich die Menschen im Norden Äthiopiens mit Freudentränen in den Armen: Der eiserne Vorhang zwischen Äthiopien und dem ehemaligen Kriegsgegner Eritrea war nach 18 Jahren geöffnet worden. Geschwister sahen sich zum ersten Mal, Großeltern hielten ihre Enkel in den Armen, die Telefonverbindungen funktionierten über Nacht. Ein neues Zeitalter schien angebrochen. Das Horn von Afrika, die Region, die für ihre verbitterten Bruderkriege, Hungersnöte und unbeugsamen Ideologien stand, bekam auf einmal einen Glanz. Besonders die Jugend – die mehr als die Hälfte der Bevölkerung stellt – war hoffnungsvoll. Viele erwarteten von dem neuen, jungen Premier Abiy Ahmed ein Leben in Würde und mit Arbeit. Abiy, ein Überraschungskandidat aus der Partei der Bevölkerungsmehrheit, die in der hundertjährigen Geschichte des Landes niemals die Regierungsgeschäfte geführt hatte, wurde zum Premierminister. Er wollte mit dem starren Entwicklungsstaatskonzept der Vorgängerregierung brechen, die von einer kleinen Gruppe, der Volksbefreiungsfront Tigrays (TPLF), geführt wurde. Abiy sprach von Demokratie, Privatisierung und Liebe als seinen Leitmotiven. Das schien unerhört, und spätestens durch den Friedensschluss mit dem benachbarten Erzfeind Eritrea war ihm etwas geglückt, das die Menschen im Land und in der Region gleichermaßen begeisterte und ihm den Friedensnobelpreis einbrachte.
Eskalierender MachtkampfHeute sind die Grenzen zwischen Eritrea und Äthiopien längst wieder geschlossen. Hunderte fielen in den vergangenen Monaten ethnischen Pogromen zum Opfer. Nach der Ermordung eines Sängers begannen wochenlange Proteste, die Regierung sperrte das Internet für Monate, Tausende Oppositionelle wurden verhaftet. Die Jugend, deren Proteste einst den Aufstieg von Abiy Ahmed befördert hatten, demonstriert angesichts der enttäuschten Hoffnung auf eine bessere Zukunft jetzt gegen seine Regierung. Anfang November passierte schließlich, was sich in den Wochen zuvor ankündigt hatte: Die TPLF lieferte sich ein Scharmützel mit der Nationalarmee. Internet-, Telefon- und Flugverbindungen zum nördlich an der Grenze zu Eritrea gelegenen Bundesstaat der Tigray wurden gestoppt. Das Kabinett verkündete den Ausnahmezustand für die Region, erklärte die TPLF zu einer terroristischen Vereinigung und setzte eine Parallelregierung in dem TPLF-geführten Bundesstaat ein. Truppen der nationalen Armee wurden aus anderen Landesteilen und aus Somalia an die Grenze zu Tigray verlegt. Beide Seiten behaupten nun, die Lage unter Kontrolle zu haben: Premier Abiy berichtet von gelungenen Bombardements auf die Flugabwehr der TPLF, die ihrerseits angibt, militärisch nicht geschwächt worden zu sein.
Die Eskalation begann, nachdem der Premierminister aufgrund der Covid-19-Pandemie die ersten freien Wahlen, die für Mai 2020 angekündigt waren, auf unbestimmte Zeit verschoben hatte. Einige Monate zuvor hatte er die bis dahin regierende Einheitspartei aufgelöst und die Wohlstandspartei gegründet. In diesem Zuge hatte er die Übermacht der TPLF in der Regierung reduziert und bislang außen vorgelassene Bundesstaaten wie die Somali- und Afar-Region stärker eingebunden. Die TPLF stellte daraufhin die Legitimität der Regierung infrage, Premier Abiy hält sie für einen Gegner des ethnischen Föderalismus. Anfang September führte sie unabhängige Wahlen in ihrem Bundesstaat Tigray durch, bei denen die Volksbefreiungsfront die absolute Mehrheit erzielte. Nichtsdestotrotz kann sie nicht auf einen nennenswerten Rückhalt in der äthiopischen Bevölkerung zählen.
Die verhärteten Fronten zeugen von einer Schwäche der Regierung Abiy Ahmeds, dem es weder gelang, die ethnonationalistischen Spaltungen einzudämmen, noch die Bevölkerung vor ethnischen Pogromen zu schützen. Der Premierminister hatte darauf vertraut, dass der Bau des Nilstaudamms GERD eine breite Unterstützung der gesamten Bevölkerung erfahren und damit zu einem national einigenden Projekt werden könnte. Diese Hoffnung droht zu scheitern.
Eskaliert die Situation in Tigray weiter, weil das Land in einen Bürgerkrieg schlittert, könnte dies das Ende der Transition unter Abiy Ahmed bedeuten. Es droht die Gefahr, dass ihm andere Landesteile oder die Armee die Gefolgschaft verweigern. Verliert die TPLF den Konflikt, könnte sie sich zu einer bewaffneten Opposition – im eigenen Land oder der Region – entwickeln. Darüber hinaus besteht das Risiko, dass der eritreische Präsident Isayas Afewerki seine Chance wittert, durch ein Eingreifen in den Konflikt auf der Seite Äthiopiens wieder zu einem wichtigen Player in der Region zu werden. Äthiopien geriete in Abhängigkeit und wäre geschwächt.
Es braucht mehr als einen WaffenstillstandEine Implosion Äthiopiens hätte ungeheure Konsequenzen nicht nur für das bevölkerungsreichste Land der Region, sondern auch für das gesamte Horn von Afrika. Ein regionaler Krieg würde die fragile Transition im Sudan gefährden. Auch das Abkommen zum Nilstaudamm oder die entscheidend von Äthiopien mitgetragene Mission der Afrikanischen Union zur Stabilisierung Somalias wären direkt von einer Fragmentierung des Landes betroffen.
Eine gegenseitige Anerkennung von TPLF und Regierung als legitime Akteure wäre ein erster notwendiger Schritt zu Beilegung des Konfliktes. Vermittlungsgespräche könnten dann von der regionalen Intergovernmental Authority on Devolopment (IGAD) unter Führung des Sudans geführt werden. Die Afrikanische Union, Europa und andere Partner des Landes sollten sich auf eine gemeinsame Linie zur Deeskalation verständigen. Auch die Treuhänder des Äthiopisch-Eritreischen Friedensabkommens, Saudi Arabien und die Vereinten Arabischen Emirate, könnten als Garanten des Abkommens eine wichtige Rolle spielen.
Ein Waffenstillstand aber kann nur ein Anfang sein. Die Unzufriedenheit wächst in allen Regionen Äthiopiens, Autonomiebestrebungen verbreiten sich, dem ethnischen Föderalismus droht ein konfliktreicher Zerfall. Um hier entgegenzuwirken, ist es zum einen unerlässlich, dass ethnische Pogrome durch die Sicherheitskräfte verhindert werden. Zum anderen muss der Premier politisch Inhaftierten faire Prozesse garantieren, wenn die Bevölkerung ihn weiter unterstützen soll. Um die Hoffnung auf Aufbruch, demokratische Veränderung und inklusivere Machtverteilung nicht gänzlich zu zerstören, ist ein umfassender nationaler Dialog unumgänglich.
Das Gesetz zur nationalen Sicherheit in der Sonderverwaltungszone Hongkong (Sicherheitsgesetz) wirft ein Schlaglicht auf Mängel der Chinesisch-Britischen Gemeinsamen Erklärung von 1984 und die inhärenten Konflikte des Prinzips »Ein Land, zwei Systeme«. Das Arrangement war immer voller Widersprüche und Grauzonen. Mit dem Sicherheitsgesetz schafft die chinesische Führung nun Tatsachen. Der Schritt geht zu Lasten individueller Freiheitsrechte und beschleunigt die Verbreitung sozialistischer Rechtsvorstellungen in Hongkong. International ist Beijing allerdings nicht isoliert. Im Gegenteil, bei der Bewertung des nationalen Sicherheitsgesetzes als innere Angelegenheit erhält Beijing Zuspruch von wirtschaftlich abhängigen Staaten. Chinas Ambition, internationale Deutungshoheit bei Rechtsfragen zu erlangen, ist strategisch in die Seidenstraßeninitiative (BRI) eingebettet. Das Vorgehen in Hongkong ist bei diesem Bemühen ein Testballon. Bei Entscheidungsträgern in Deutschland und Europa ist das Problembewusstsein in Bezug auf die chinesischen Rechtsvorstellungen immer noch unzureichend. Mehr Expertise ist dringend erforderlich.
Vor einem Jahr rief die Generalversammlung der Vereinten Nationen (UN) eine »Decade of Action« für die 2030-Agenda und die Ziele für nachhaltige Entwicklung aus. Der Ausbruch der Covid-19-Pandemie zwang die UN, ihre Planungen für 2020 anzupassen. UN-Generalsekretär António Guterres reagierte bereits im März mit einem Bericht, der die 2030-Agenda zur »Roadmap« aus der Pandemie erklärte. Konflikte unter den UN-Mitgliedstaaten behinderten hingegen zunächst eine rasche Reaktion der Generalversammlung und des Sicherheitsrats. Seit Mitte März wird überwiegend in digitalen Formaten gearbeitet, das galt selbst für die Eröffnung der 75. Generalversammlung durch die Staats- und Regierungschefs. Welche Leistungsfähigkeit beweist die Weltorganisation im Jahr der Pandemie, insbesondere mit Blick auf das im Kontext der 2030-Agenda entwickelte neue Leitmotiv »Build Back Better«?
« Révolution d’octobre », telle est l’appellation un peu ironique du bizarre coup d’État qui, du 5 au 15 octobre 2020, au prix d’un mort seulement, a bouleversé à Bichkek le gouvernement de la République kirghize. À un pouvoir mafieux discret, hésitant et mou, succède, cette fois-ci, un pouvoir mafieux avéré d’« autorités » plus jeunes et déterminées qui, si elles parviennent à s’entendre, pourraient avoir la capacité et les moyens de remettre le Kirghizistan sur pied.
Tout va se jouer dans les trois mois qui viennent. On saura alors l’orientation choisie par la camarilla de 3 trois ou quatre personnages dorénavant aux gouvernes : sera-ce la dictature pure et dure d’un seul ou bien la direction collective d’oligarques cachant plus ou moins une réalité dictatoriale ? Le peuple kirghiz, révulsé par l’anarchie et la cupidité de la classe politique traditionnelle, laissera-t-il faire -avant de se révolter à nouveau- ou, au contraire, pourra-t-il profiter des prochaines échéances électorales pour aménager l’institution honnête, pragmatique, moins compliquée que l’opinion souhaite ?
Nous commencerons par décrire à grands traits la nouvelle équipe en place, les liens qui l’unissent et sa relation avec le peuple.
Dans la mesure où la situation actuelle les révèle, nous essaierons de donner un aperçu des forces neutres ou hostiles au gouvernement : l’islam en forte progression, plutôt neutre, et, sommairement, l’opposition dite démocratique des partis et de la rue, et les mouvements de jeunes (qui se sont appuyés sur les réseaux sociaux, etc.[1])
Nous finirons en mentionnant les influences externes qui pourraient être les arbitres de la situation, surtout si cette dernière s’envenime : la Russie, par son poids militaire, administratif, énergétique et logistique, la Chine – présente aux frontières – par son influence économique et commerciale et, malgré leur éloignement, les États-Unis qui devraient intervenir par leur action financière, politique et les réseaux sociaux. Mention sera aussi faite de l’entourage centrasiatique qu’il convient d’étendre en y incluant aussi bien l’Afghanistan que le Xinjiang.
Nous insisterons, en conclusion, sur l’importance pour le Kirghizistan d’un retour à la stabilité. Ce retour est si vital que le pouvoir en place devra, peut-être, lui sacrifier ce qu’il reste de démocratie et d’indépendance d’esprit dans le pays.
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Le nouveau pouvoir et la mise au pas du crime organisé et de l’appareil d’État
Selon la terminologie kirghize, la nouvelle direction correspond à un pouvoir « noir », souterrain, officieux qui a, soudain, fait surface et assujetti le pouvoir « rouge », officiel, des « organes » répressifs ex-soviétiques, à savoir la milice, la sécurité d’État, le procurateur, l’armée, l’administration des prisons.
Le chef nominal de la mafia kirghize, l’autorité suprême, est Kamtchybek Kolbayev, un vor v zakone[2], « voleur dans la loi », en russe, une sorte de bandit d’honneur reconnu par ses pairs en 2008 à Moscou. Il est âgé de 46 ans. Sa richesse considérable est fondée surtout sur le trafic de drogues transitant, via l’Asie centrale, par la « route du nord » d’Afghanistan à la Russie. « Kamtchy », comme disent familièrement les Kirghizes avec crainte, certes, mais aussi une sorte d’affection mêlée de fierté, est un genre de « Robin des bois » national recherché par toutes les polices et mis à prix par le FBI en tant que baron de la drogue. Il ne semble pas avoir d’ambition politique et n’est cité ici que pour son prestige et son influence cachée sur l’exécutif politique kirghiz. Comme on le verra, il vient d’être arrêté par le nouveau pouvoir probablement désireux de se dédouaner de sa réputation mafieuse, mais aussi d’avoir dans son jeu, en le détenant, un atout face aux États-Unis[3].
La principale caractéristique de l’actuel coup d’État est qu’il découle d’une conjuration montée par des « autorités mafieuses » de renom que l’on retrouve parfois dans la mouvance de Kolbayev. Le stratège de l’affaire ne serait autre que Raïmbek Matraïmov. Cet ancien vice-directeur des douanes kirghizes a monté un détournement massif à la frontière chinoise de conteneurs importés et non dédouanés. Ils lui auraient rapporté la bagatelle de 700 millions de dollars[4] qui auraient servi à toutes sortes de placements répréhensibles ou non. C’est ce personnage inventif qui, cet été, selon une rumeur persistante[5], aurait écrit le scénario du coup d’État menant en dix jours – du 5 au 15 octobre – Sadyr Djaparov, chef du parti Mekentchil, de la prison d’État où il croupissait au faîte de la république kyrgyze puisqu’il en devient, le 16 octobre, Président ad intérim. Arrêté lui aussi, le 20 octobre dernier, Matraïmov, que sa richesse et ses relations rendent visiblement inaccessible à la justice, a dû rembourser la somme de 25 millions de dollars à l’État pour voir sa peine de prison immédiatement et sans jugement commuée en une simple assignation à résidence le soir même ! Le côté théâtral des deux arrestations amène à croire qu’elles étaient des « coups montés » pour améliorer la réputation des conjurés.
Le nouveau président Sadyr Djaparov est un personnage marquant par son énergie et sa jeunesse relative (52 ans). Il est natif en 1968 du village de Ken-Souou dans la région nord-est de l’Issyk-Koul et a reçu une formation de base de professeur d’éducation physique. Il s’enrichit à la tête d’une compagnie gazière et, en 2005, partisan de Bakiyev, devient député. En 2012, il est emprisonné pour avoir suscité des troubles en faveur de la nationalisation de la mine de Koumtor. Il est libéré au bout de quelques mois, mais ayant récidivé et pris en otage en 2013 le gouverneur de Karakol[6], il se réfugie à Chypre où il devient une sorte de représentant officieux du clan Bakiev. Il est arrêté à nouveau, le 25 mars 2017, à l’aéroport de Manas à son retour de Chypre : on lui reproche probablement son engagement bakiévien. Il est alors accusé de l’enlèvement du gouverneur en 2013. Djaparov nie ce fait et, le 4 avril 2017, proteste contre sa détention préventive en se mutilant au coude et à la main gauche. Il est condamné très sévèrement, le 2 août 2017, à 11 ans et 6 mois de privation de liberté et de détention dans une prison à régime sévère.
La mutilation, les malheurs familiaux[7] de Sadyr Djaparov et, malgré tout, le refus obstiné de l’administration d’alléger son régime carcéral sont montés en épingle auprès de la population où Sadyr devient populaire. Toujours incarcéré, il adhère au parti nationaliste Mekentchil, qu’il fusionne alors au parti Ata-Jourt de son ami Tachiyev, en perte de vitesse depuis 2010. Le 6 octobre 2020, il est libéré par le même Kamtchybek Tachiyev, qui, dirigeant « la révolution d’octobre », l’aide à devenir Premier ministre puis à « subtiliser », dès le 16, à Djeenbekov la Présidence par intérim de la République. Son existence, jusque-là, ne l’a pas incorporé à la mafia, mais lui a appris à la connaître et, par relations, à savoir l’utiliser.
La popularité de ce réputé mafieux repose aussi sur le fait qu’au Kirghizistan la mafia, plus qu’ailleurs, « materne », notamment par les liens claniques et tribaux, le peuple. Un grand mafieux – ce fut notamment le cas de « Ryspek » – vor v zakonie sous Bakiev – est toujours un recours, avec son système et ses moyens, pour tous ceux de sa tribu, de son clan et, bien sûr, pour ses amis.
Le grand apport de la mafia à Djaparov, par l’intermédiaire de Tachiev son vieil ami, peut-être indéfectible, a consisté en sa libération de prison, le 6 octobre par une escorte mafieuse, la mise à la disposition, du 5 au 16, d’une foule de partisans (500-1000 ?) souvent utilisée ; enfin, l’accompagnement de Sabyr par Kamtchybek quand il s’est agi d’extorquer la présidence à Djeenbekov. En retour, le nouveau président a installé Tachiev à la tête des services spéciaux kirghizes.
Kamtchybek Tachiyev, deuxième personnage après Djaparov de la camarilla au pouvoir, est né en 1968 à Barpy, village du sud près de Djalalabad. Avec une formation juridique et d’ingénieur-chimiste, il devient député en 2005, comme Djaparov qui est de deux mois son cadet. Il fait fortune en vendant du kérosène aux bases aériennes étrangères[8]. Ses liens avec Djaparov datent probablement de cette époque. En 2007, il est nommé ministre des Situations d’urgence et quitte ce poste en 2009. Il dirige le parti nationaliste Ata-Jourt depuis 2010. Il serait en relation avec Kolbayev, l’autre « Kamtchy », proche en « affaires ».
En reconnaissance de ses services éminents, Djaparov le nomme, le 7 octobre 2020, au poste-clé de président du Comité d’État de la sécurité populaire (GKNB c’est-à-dire le KGB kyrgyz), une affectation très inattendue étant donné le passé du personnage…
L’amitié entre Djaparov et Tachiyev survivra-t-elle au pouvoir ? Une rivalité entre eux nuirait à leur avenir. Pour l’instant, l’un et l’autre se contentent de nier leurs relations compromettantes du passé ou leurs comportements parfois répréhensibles. Ils donnent le change. Ainsi, à peine arrivé au GKNB, Tachiyev a-t-il lancé (à certains de ses anciens collègues comme aussi aux fonctionnaires locaux…) un tonitruant : « Respectés bandits, rendez-vous ! », non suivi d’effet, bien sûr. Par ailleurs, pour obtenir la bienveillance des milieux internationaux, le binôme au pouvoir comme on l’a vu, s’est dépêché de faire arrêter les mafieux notoires à sa merci, même s’ils figuraient parmi ses amis : Raïmbek Matraïmov et son frère Tilekbek, maire de Kara-Sou[9] et surtout Kamtchy Kolbayev[10]. Ce dernier a été officiellement arrêté le 22 octobre pour une durée de 48h. Mais, les États-Unis, en renouvelant leur proposition d’un million de dollars pour des renseignements sur les trafics de « Kamtchy », espèrent qu’il sera gardé sous les verrous afin de mener une enquête sur ses activités.
Deux semaines après la mise en place du nouveau pouvoir, on observe donc, à son égard, des réponses plutôt favorables venant des chefs d’État ou des ambassadeurs. La réponse russe va dans ce sens, quoique, de sa part, l’arrêt de tout financement ne semble pas encore avoir été levé. Le processus d’acceptation du gouvernement nationaliste dans l’arène internationale est en cours. Mais cela va-t-il durer ? Des dissensions au sommet « pour le partage du gâteau » seraient fatales…
État des lieux et influences en présence
L’état des lieux au Kirghizistan est catastrophique. D’après les résultats des neuf premiers mois de 2020, le commerce avec la Chine, premier partenaire économique, aurait baissé de moitié ; la chute de l’activité économique avoisinerait les 6 % ; les transferts d’argent des émigrés vers la mère patrie[11] ont diminué de 8% ; le cours du dollar ne cesse de grimper. Le déficit du budget (15 milliards de soms) serait l’un des plus élevés que le Kirghizistan ait connu… Par ailleurs, les conséquences des désordres qui ont concerné les principaux centres de production (la mine de Koumtor, par exemple) se font encore sentir. Enfin, les installations intérieures de la Maison-Blanche (le centre névralgique du gouvernement) ont été quasi détruites et l’administration se remet très lentement de cette atteinte. À part cela, les grands services de l’État (armée, transports, communications, santé) fonctionnent à peu près et obéissent, pour l’instant, aux nouveaux dirigeants.
Les influences en présence en mesure d’intervenir sont surtout religieuses, voire ethnico-politiques.
L’influence religieuse se limite à celle de la religion musulmane d’obédience sunnite qui néanmoins, à elle seule, est considérable. Elle a pris, certes, beaucoup d’importance, mais, au sud comme au nord, n’est pas intervenue politiquement au cours des derniers événements. Elle aurait pu, pourtant, au moins faire mine de prendre la défense de Djeenbekov qui, tout au long de son mandat, a affiché ses préférences pour l’islam[12].
L’islam sunnite rigoureux, qui n’était que superficiel dans un peuple voué au chamanisme et au soufisme, a connu une très forte progression ces vingt dernières années. Avec l’appui financier généreux et constant de l’Arabie saoudite et des Émirats du Golfe, le Kirghizistan s’est littéralement couvert de mosquées, grandes et petites. À la chute de l’Union soviétique, quatre-vingt-dix lieux de culte musulmans subsistaient… En 2016, dans un petit pays de 6 millions d’habitants ils étaient 2 540, flambant neufs, et doivent bien, aujourd’hui, avoisiner les 3 000.[13]
Cela s’est accompagné de la formation, souvent très lacunaire, mais en progrès, de milliers de mollahs. La réislamisation est menée par le salafisme prédicateur du Djamaat al-Tabligh, dont les équipes de volontaires (30 000 dont 3 000 femmes[14]) parcourent villes, banlieues et localités et renseignent sur elles. Le salafisme conspirateur du Hizb ut-Tahrir, organisation interdite, regrouperait plus de 15 000 militants clandestins dans la communauté des croyants kirghizes. Quant au salafisme djihadiste (al-Qaïda, Daech, etc.) particulièrement surveillé par la sécurité d’État, il n’est encore qu’embryonnaire, mais disposerait, par endroits, d’éléments armés.
Tout ceci, sous la coupe théologique et administrative théorique du muftiat de Bichkek, constitue un ensemble assez considérable. Pourtant, visiblement, peut-être à cause de la soudaineté des événements ou de leurs bons renseignements, rien n’a bougé chez les musulmans kirghizes. Ceci donne l’avantage à l’islam local de sortir de l’épreuve de ce coup d’État indemne et non déconsidéré. Si l’islam jouait réellement la carte électorale, il pourrait gagner, du moins au sud : il dispose de personnalités charismatiques, gardées en réserve, pouvant l’emporter si elles se font connaître. Sachant que plus de la moitié des Kirghizes surtout au sud, mais même dans certaines provinces nordistes, pourraient répondre aux injonctions islamiques, cela donne un certain poids national à l’influence de la religion musulmane.
Cette force, très surveillée par les « organes » (police, milice, armée, sécurité d’État) qui, dans la continuité de tradition soviétique, maintiennent un contrôle assez rigoureux de la religion, ne s’est mobilisée que très modérément. Le recours par ailleurs aux escortes des chefs mafieux professant l’islam ne peut pas être considéré comme un soutien musulman : ces escortes sont en effet disponibles pour n’importe qui contre argent comptant[15]. Au cours des événements d’octobre, elles ont immédiatement été mobilisées pour le coup d’État mafieux à Bichkek où elles ont renforcé, notamment, les hommes de main et partisans de Tachiyev, mais aussi d’Atambayev, le fils du pays. Ces éléments sont très rapidement intervenus par des tirs de semonce contre les escortes d’autres partis et politiciens, suscitant la fuite des opposants (Omurbek Babanov, Sapar Isakov) ou leur réincarcération (Almazbek Atambayev). Leur efficacité s’est traduite, lors de cette pseudo-révolution (non encore terminée, il est vrai), par la mort d’un seul manifestant contre une centaine au cours de la deuxième. Une alliance entre les musulmans et les autorités de la mafia, qui affichent leur sympathie islamique et payent la « zakat » (l’impôt musulman), serait « payante » dans tous les sens du terme, mais serait-elle possible ? Pas encore, au moins pour l’instant, par suite de la pression exercée par l’environnement centrasiatique aussi bien qu’international du pays.
Les responsables musulmans kirghizes sont bien conscients du fait qu’une révolte islamique, même limitée, déclencherait une intervention immédiate de l’OTSC[16], notamment de sa Force d’intervention rapide à partir de la base de Kant, immédiatement renforcée en cas d’alerte. Cette intervention aurait l’appui sans réserve de la Chine quelque peu harcelée dans le Xinjiang voisin par les musulmans ouïghours. Forts de ce constat, les notables de l’islam font profil bas, accompagnent les événements sans les susciter.
En ce qui concerne les problèmes ethniques du pays kirghize et leur influence, notons schématiquement les faits suivants :
– malgré tous les déséquilibres et secousses, le Kirghizstan ne paraît pas encore mûr pour une partition entre le sud, plus musulman, plus agricole, plus pauvre et le nord plus industrialisé et « occidentalisé » – à la russe il est vrai… Le réseau routier, grâce au financement des Nouvelles Routes de la soie par les Chinois, va bientôt doubler les liens, très insuffisants jusqu’ici, entre le Nord et le Sud séparés cruellement par les monts Célestes. L’unité nationale s’en portera mieux.
– la minorité ouzbèke du Sud, (presque la moitié de la population urbaine) particulièrement malmenée au cours des pogroms et révolutions de 1990 et 2010 prend traditionnellement parti pour le Nord et continuera à le faire : il ne peut en aller autrement. Après les premiers désordres entre Ouzbeks et Kirghizes, c’est un élément de restabilisation.
– l’encouragement au commerce des « Nouvelles routes de la soie » devrait surtout profiter au Sud, stratégiquement mieux placé, et lui permettre de rattraper son retard économique et social par rapport au Nord. Tout ceci, bien sûr, si la paix règne.
Bien entendu, aussi bien l’entourage centre-asiatique qu’international du Kirghizistan est extrêmement attentif à ce qui s’y passe.
La trêve actuelle scrutée par la Russie, la Chine et les États-Unis
La Russie et la Chine agissent de concert – ce qui est rare dans l’histoire de la région – afin de calmer le jeu. Elles refusent l’une et l’autre de prendre parti pour tel ou tel camp[17] tout en influençant en sous-main et en favorisant tout dirigeant et tout groupe politique qui parviendra à instaurer une certaine stabilité, même sous une férule dictatoriale.
Les deux puissances ont, certes, envoyé leurs ambassadeurs respectifs prendre contact avec le nouveau ministre des Affaires étrangères. Mais le Kremlin, en sus, a prévu, en accord avec le nouveau pouvoir, d’élargir et renforcer en effectifs sa base aérienne de Kant pour parer à l’irruption de toute force politique ou sociale hostile. L’OTSC, rappelle-t-il, comporte en son sein une force de réaction rapide pour lutter à la fois contre la désintégration territoriale d’un État et le djihadisme. La Chine a de son côté confirmé sa lutte contre le terrorisme et les séparatismes dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Notons que Djaparov, qui essaye d’amadouer la Russie, a prévu de faire, comme il se doit, sa première visite officielle à Moscou.
La Fédération russe reste aujourd’hui encore le premier partenaire militaire du Kirghizistan, disposant non seulement de la base aérienne de Kant, mais aussi d’autres installations aux quatre coins du territoire kirghize[18]. Moscou dispose par ailleurs d’un certain moyen de pression sur les organes sécuritaires du pays, par les liens entre le GKNB et le système d’écoutes russe SORM. Toutefois, la crise actuelle n’en a pas moins montré de façon cruelle les limites de l’influence russe sur place, avec l’impossibilité de profiter du chaos ambiant pour imposer l’ancien ministre kirghize de l’Intérieur, Omurbek Souvanaliyev, favorable à Moscou, à la tête du pays et en même temps du GKNB. Le « milieu » local a ainsi eu raison des pressions moscovites.
La Chine devient de son côté le premier partenaire économique du Kirghizistan. Pékin a su utiliser à son profit la division régionale kirghize par l’ouverture de deux routes, l’une passant par Torougart au Nord et l’autre par Irkechtam au Sud. La Chine rénove sur place l’ancien réseau routier soviétique, vétuste, et crée actuellement, à travers les monts Célestes, un deuxième axe autoroutier reliant le Nord au Sud, de Bichkek à Och, à travers le col de Kazarman et Djalalabad. En 2022 ou 2023, quand l’autoroute sera terminée, le Sud sera bien mieux accessible en hiver et le pays gagnera en unité… mais il sera du même coup plus accessible aux armées chinoises !
Du point de vue militaire, si les gardes-frontières chinois profitent de la situation pour faire au Kirghizistan ce qu’ils font déjà au Tadjikistan, à savoir pénétrer sur le territoire kirghize sur une profondeur de 50 kilomètres, installer des postes d’observation et même une petite base, cela serait très mal perçu par une population et une armée sinophobes. Les Chinois le savent et, à l’inverse des Russes, bien mieux accueillis par le peuple kirghize, n’interviendront pas de sitôt.
Les États-Unis, en quittant à contrecœur leur base de Manas sous une forte pression du président Atambayev, ont pris leurs distances par rapport au Kirghizistan. Ils n’en restent pas moins actifs sur le plan diplomatique, humanitaire et culturel[19], car ils continuent à voir dans le pays kirghize un pivot d’importance stratégique majeure dans la région : une sorte de balcon leur permettant d’observer à équidistance les questions russe, chinoise, afghane et même iranienne. Ils profitent aujourd’hui, pour exercer une influence, de différents éléments dont ils ne disposaient pas ou moins naguère :
Les ONG anglo-saxonnes et les réseaux sociaux influencent ainsi aujourd’hui fortement cette jeunesse, faisant et défaisant les « révolutions ». La jeunesse urbaine est désormais ouverte au monde et voit autrement l’avenir du pays que les anciens au pouvoir. Cette jeunesse s’investit dans la politique. Mais, partout, dans la rue, au Parlement et désormais dans les partis, elle conteste, dans un vent de fronde décomplexée, le verrouillage des accès aux fonctions dirigeantes par les anciens et entend dorénavant s’imposer.
Les Américains, pour l’instant, vont se focaliser sur le personnage de Kamtchy Kolbayev, dont l’emprisonnement au Kirghizistan donne l’occasion d’une enquête et, probablement, d’un règlement de compte… Djaparov et Tachiyev peuvent-ils revenir sur ce cadeau en libérant Kolbayev comme ils semblent le lui avoir promis ? Cela paraît difficile… Si néanmoins la libération intervient, le nouveau pouvoir aura mauvaise réputation et ne pourra plus s’attendre qu’à l’hostilité des États-Unis.
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La soi-disant « révolution d’octobre » a mis en lumière le nombre important de partis politiques enregistrés (46 officiellement !). La plupart ne sont qu’une faible force d’appoint de voix pour un personnage dont l’aura ne repose que sur sa tribu. Toutefois, plus occidentalisé et russisé, le Nord du pays regroupe des partis à base idéologique, disposant de sections dans l’ensemble du pays (PS-Ata-Meken, PSDK, PSK, Ak-Choumkar, Respoublika…). Si certains de leurs chefs, compromis avec l’ancien système sont en fuite ou en prison, leur absence n’empêche pas leurs partis de fonctionner, la jeunesse partant à l’assaut des places vacantes. Une nouvelle génération politique mieux formée, plus expérimentée, plus ouverte à la globalisation, également plus éloignée des querelles tribales et des coups tordus des anciens, émerge ainsi. Elle pourrait représenter un sérieux espoir pour la stabilité du pays, le jour où les portes du pouvoir lui seraient enfin ouvertes.
À brève échéance, les élections présidentielles (prévues pour le 10 janvier 2021) et législatives (malgré leur report sine die au printemps 2021) renouvelleront la donne politique sur place. Elles n’apporteront pas de sitôt de changement à la situation de corruption, de concussion et de défiance régionale et tribale qui gangrène le pays, mais pourraient le stabiliser, en redonnant une légitimité perdue au suffrage universel et à la vie politique. Si la nouvelle direction triche et ne permet pas cela, ce sera pour elle, à plus ou moins long terme, la menace de l’échec.
Dans l’immédiat, le gouvernement devra avant tout se focaliser sur la situation préoccupante de la population kirghize face au Covid-19. Les événements révolutionnaires n’ont fait qu’aggraver l’impact de la pandémie[21] tout en affaiblissant encore la qualité des soins donnés dans les hôpitaux. Sadyr Djaparov sera aussi jugé sur la façon dont il abordera ce problème crucial.
Situation intérieure, initiatives vers l’étranger, covid-19, le nouveau président ad intérim va devoir révéler toute son envergure… s’il en a une – comme c’est probable – et si on le laisse courir sa chance !
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[1] Les associations de jeunes et les réseaux sociaux ont été actifs au cours de la révolution d’octobre pendant laquelle ils ont pris le parti des révoltés. Ils ont ainsi donné l’impression que non seulement la jeunesse, mais aussi les classes moyennes, avaient choisi le parti des insurgés.
[2] Organisation semi-clandestine de criminels née dans les camps staliniens et caractéristiques de l’espace russophone. Elle vise à réguler quelque peu les rapports entre grands mafieux.
[3] Cf ci-après note 11.
[4] Cet article en russe de radio Azattyk révèle toutes les circonstances du trafic de marchandises chinoises, effectué à partir du Xinjiang par un clan ouïghour en liaison avec Raymbek Matraïmov qui empoche dans l’affaire au moins 700 millions de dollars. Il a généré par l’intermédiaire d’un autre clan semi-ouïghour installé à Och, puis Istanbul, des placements immobiliers et autres aux Émirats, en Europe, aux États-Unis, etc.
[5] D’après une rumeur « familiale » en milieu bichkékois proche du gouvernement.
[6] Il était alors déjà accompagné par son ami Tachiev. Le coup de Kumtor préfigure pour les deux compagnons celui de Bichkek, mais ce dernier a réussi…
[7] Il perd successivement son père, son fils aîné et sa mère pendant sa détention en 2017-19.
[8] Kant pour les Russes, Manas pour les Américains.
[9] L’un des plus grands bazars d’Asie centrale.
[10] Notons que Kolbayev est comme Djaparov originaire de la région au nord-est de l’Issyk-Koul. Au Kirghizistan un tel fait rapproche beaucoup les gens.
[11] Rien qu’en Russie, les Kirghizes sont 1 500 000, soit un quart de la population kirghize.
[12]Le Président Djeenbakov s’est rendu en pèlerinage à La Mecque. Deux de ses frères étaient ambassadeurs en Arabie saoudite et en Égypte et toute la famille misait sur l’islam après avoir misé sur le communisme….
[13] René Cagnat, Le désert et la source : Djihad et contre-djihad en Asie centrale, Ed. du Cerf, Paris, 2019, p. 198.
[14] Les otynes, dans le sud kyrgyz, sont traditionnellement des femmes dévouées à l’enseignement du Coran.
[15] Cf. le rôle trouble de la famille Bakiyev durant l’été 2010 dans la région d’Och et le sud kirghyi, https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/080710/au-sud-kirghiz-les-liaisons-dangereuses
[16] Organisation du traité de sécurité collective créée en 2002 et regroupant, autour de la Russie : l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan.
[17] La Chine se montre plus intéressée par cette neutralité, répétant inlassablement à chaque révolution que ses créances restent toujours dues, quel que soit le nouveau personnel politique arrivant au pouvoir à Bichkek. Elle signale aussi à chaque soulèvement les dangers encourus par ses nationaux et son commerce, soulignant ainsi la sinophobie ambiante.
[18] À la base aérienne de Kant, située à 30 km de Bichkek, créée en 2003, s’ajoutent des installations datant de l’héritage soviétique, comme une base d’essai d’armes anti-sous-marines de la marine russe à Pristan-Prjevalsk au bord du Lac Issyk-Koul, un centre de communications de la marine « Marevo » (station Prométhée) à Tchaldovar, près de Kara-Balta, et une station sismique à Mailouou-Souou, près du Ferghana kirghiz.
[19] Bichkek possède la seule université américaine de toute l’Asie centrale : elle est active et réputée.
[20] Rappelons que les moins de 25 ans représentent près de la moitié de la population.
[21] Elle atteint actuellement un pic maximum.
À la suite de l’assassinat de Monsieur Samuel Paty le vendredi 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine, le gouvernement a souhaité en finir avec le "cyberislamisme", abordant à nouveau l’enjeu de la modération des contenus en ligne. Les réseaux sociaux ayant été l’outil à travers lequel Abdoullakh Anzorov s’est fait remarquer d’une part, et le lieu sur lequel une partie des violences a pris place d’autre part, la question s’est posée de savoir dans quelle mesure la…