Les entreprises délaissent les matières premières recyclées, plus chères. L’industrie française du recyclage, dont le chiffre d'affaires a reculé de 2 % en 2014, déplore l'abandon par Bruxelles du paquet Economie circulaire.
« Le principal objectif de ce rapport est d’intensifier la stratégie globale européenne afin d’atteindre une égalité universelle entre hommes et femmes dans leur carrière respective, dans le domaine de la science, de l’éducation et des technologies » a déclaré la députée grecque Elissavet Vozemberg, dans son rapport d’initiative sur les carrières scientifiques et académiques des femmes qui a été adopté à 550 voix pour, 97 contre et 41 abstentions le dernier 9 septembre.
La résolution souligne qu’en dépit des avancées des dernières années, l’égalité hommes-femmes dans le domaine scientifique et le monde universitaire n’a pas encore été réalisée. Les estimations chiffrées du plafond de verre reflètent la difficulté que rencontrent les femmes à progresser dans leur carrière à des niveaux similaires à leurs collègues masculins. Ainsi, les femmes sont largement sous-représentées dans les filières et carrières des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), ne représentant que 24% des professionnels des sciences et technologie. Selon la publication «She Figures» pour 2012, bien que 59% des diplômées universitaires dans les 28 États soient des femmes, elles ne représentent que 10% des recteurs d’université.
Ce constat l’amène à déplorer l’existence dans notre société d’un modèle patriarcal érigé en norme qui légitime des formes de ségrégation professionnelle fondée sur le genre de nature horizontale et verticale.
Les députés ont donc lancé un appel à la Commission et aux États membres à « mettre en place des mesures ciblées pour briser ce plafond de verre et lutter contre tous les stéréotypes sexués qui enferment l’un et l’autre sexe dans des rôles convenus ».
La résolution :
– Abolir les stéréotypes sexués et renforcer la confiance en soi
De manière générale les choix d’orientation professionnelle sont souvent déterminés par la prégnance des stéréotypes fondés sur le genre, qui représentent les plus grands obstacles à l’égalité homme-femme. Les emplois occupés principalement par les femmes se rattachent à des fonctions considérées comme relevant « naturellement » des femmes : métiers de l’éducation, de la santé, du social en général. C’est contre cette autolimitation implicite des filles que les députés ont mis l’accent. « Il faut encourager le changement de mentalité dans les familles, chez les parents et les jeunes filles elles mêmes qui trop souvent ont peur de ces univers techniques, technologiques, le chemin traditionnelle qui veut que les garçons soient plus attirés par les calculs, la rationalité et les filles par les matières plus littéraires là où elles sont capables de faire preuve de leurs empathies traditionnellement féminins ». Cela doit être contrebattu, car existe bel et bien un potentiel féminin important, énorme même qu’il nous faut exploiter pour le progrès de tous et de toutes, a déclaré la députée Le Grip Constance du PPE.
À cette fin, les députés ont invité les États membres à faire participer les médias et le secteur privé à l’élimination des stéréotypes sexistes et clichés promouvant de façon proactive des modèles positifs des femmes.
– Appliquer les dispositions juridiques pour assurer une égalité de traitement.
Afin de faire respecter l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans tous les États membres, il faut que tous les Pays analysent les dispositions juridiques existantes dans le but de les mettre en oeuvre adéquatement. « Il ne suffit pas seulement de se doter de lois, il faut qu’elles soient appliquée », déclare Tibor Navracsics , membre de la Commission européenne. Notamment dans la recherche, il s’agit de couvrir les spécificités du secteur par des actions concrètes tant au niveau de l’UE qu’au niveau nationale. En mai 2015 le Conseil a adopté la feuille de route relative à « l’espace européen de la recherche pour la période 2015-2020 » et a appelé les États membres ainsi que la Commission européenne à mettre en oeuvre les actions prioritaires par des plans d’actions et des stratégies pour traduire en actions effectives la législation nationale en matière d’égalité homme- femme. Par contre, la résolution montre, qu’à ce moment-là, des lacunes dans la législation au niveau européen et nationale existent encore et elle prie la Commission et les États membres à les comblérs.
– Changements et projets institutionnels :
Pour lutter contre la ségrégation professionnelle verticale et donner une visibilité aux femmes dans les organes décisionnels, la Commission a été invitée à proposer une recommandation aux États membres comportant des lignes directrices communes en matière de changement institutionnel pour promouvoir l’égalité des sexes dans les universités et les centres de recherche.
Les députés ont salué le fait que la Commission a financé la création de plans en matière d’égalité des genres par l’intermédiaire de projets dans le cadre du 7e programme-cadre et d’Horizon 2020, mais ils demandent toutefois à la Commission d’intensifier son rôle de coordination en ce qui concerne les initiatives d’intégration du genre au sein de l’Espace européen de la recherche.
Les États membres sont invités à :
-. conclure des partenariats avec les organismes de recherche et les universités afin d’encourager les changements culturels et institutionnels en matière de genre;
-. travailler avec les établissements universitaires pour offrir une aide et des possibilités d’avancement lors de transitions clés, comme la transition entre doctorat, post-doctorat et postes de maître assistant;
-. collaborer avec les établissements universitaires pour prendre des initiatives incitant les femmes à se porter candidates aux postes à pourvoir et assurer, dans la mesure du possible, une représentation féminine dans les jurys d’entretien.
Le rapport insiste sur la nécessité de systématiser les données disponibles sur la répartition par genre et le suivi de la position des femmes scientifiques au niveau des États membres.
Conciliation vie professionnelle et vie privée.
Bien que l’Union européenne ait adopté de nombreux textes contraignants en matière de conciliation entre la vie privée et professionnelle (1), ceci représente encore souvent l’obstacle majeure qui entrave l’avancement des femmes dans leurs carrières scientifiques et académiques.
« Si la femme doit assumer toutes les tâches domestiques, le plafond de verre ne pourra jamais disparaitre », dit le député Gericke Arne du groupe ECR
Les députés ont ainsi demandé que les conditions de travail des chercheurs, tant masculins que féminins, offrent une plus grande souplesse afin de leur permettre de combiner le travail et la vie familiale.
Particulièrement la Commission et les États membres ont été appelés à :
-. concevoir des programmes visant à encourager les femmes à poursuivre leur carrière après un congé de maternité ou un congé parental;
-. financer des programmes de réinsertion englobant des formations sur les dernières avancées scientifiques, tout en offrant aux femmes qui viennent de mettre au monde ou d’adopter un enfant une plus grande flexibilité en ce qui concerne leur production scientifique et des services de garde d’enfants adéquats;
-. reconnaître la nécessité d’un véritable congé de paternité, accompagné d’une rémunération adéquate.
(1) Il s’agit de l’art. 33 de la Charte des droits fondamentaux. La Directive refonte 2006/54 concerne la mise en oeuvre du principe d’égalité des chances et d’égalité de traitement entre hommes-femmes en matière d’emploi et de travail. La Directive de 2010 sur le congé parental qui prévoit un droit individuel au congé.
Cristina De Martino
Pour en savoir plus :
-. Texte adopté http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0311+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR
-. Vidéo des débats en session Plénière du 8 septembre 15 http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/plenary/video?debate=1441745645581
-. Résultat des votes http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bPV%220150909%2bRES-RCV%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fFR&language=FR
-. Projet de conclusions du Conseil concernant la feuille de route de l’Espace européen de la recherche pour la période 2015-2020 http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-8975-2015-INIT/fr/pdf
« Nous pouvons réussir ensemble et uni ou nous pouvons échouer chacun à notre façon, dans notre propre pays, dans nos propres îles ». Une mort pour réveiller les consciences ?
Le Premier Vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, affirmait fermement dans un communiqué de presse du vendredi 4 septembre : « On est face à un défi mondial qui exige une solidarité de tous les États membres ».
À la une de la presse européenne s’est récemment trouvée une image , forte qui est devenue le symbole du drame migratoire. C’était le corps sans vie d’un petit enfant de trois ans trouvé sur les plages turques. Son nom était Aylan Kurdi. Il était l’un des nombreux enfants syriens à fuir la guerre civile de leurs pays d’origine pour rejoindre l’Europe. Malheureusement, l’embarcation sur laquelle se trouvait Aylan et sa famille, et au moins une douzaine d’autres personnes, coula au large de l’île de Kos.
Réagissant à cette image, le Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), Anthony Lake, a appelé jeudi 3 septembre les États européens à ne pas perdre de vue le caractère profondément humain de la crise actuelle.
106 000 enfants réfugiés en Europe.
Un quart de ceux qui cherchent refuge en Europe sont des enfants : parmi eux environ 2 millions d’enfants syriens ont fui leur pays. Dans les six premiers mois de cette année, ce sont 106.000 enfants qui ont demandé l’asile. C’est ce que signale l’Unicef sur la situation des migrants et des réfugiés enfants en Europe.
Dans un communiqué de presse rendu public à New York, M. Lake a déploré : « alors que la crise des réfugiés et migrants en Europe s’aggrave, ces images choquantes ne seront pas les dernières à circuler à travers le monde sur les réseaux sociaux, sur nos écrans de télévision et à la une de nos journaux ».
Les États membres se sont dits scandalisés devant cette énième tragédie. Mais le monde ne doit pas seulement être choqué. Le choc doit se traduire en action. Car ces enfants n’ont pas
choisi de vivre ce calvaire qui est hors de leur contrôle. Ils ont besoin de protection. Ils ont le droit à la protection.
Cette image s’est voulue un acte d’accusation face à une Europe tellement hypocrite qu’elle pleure devant des morts qui sont d’autant plus injustes qu’elles sont qu’évitables.
Depuis la publication de l’Agenda sur les Migration par la Commission européenne, 4 mois sont passés. Mais on est encore au point de départ. Parmi les mesures à adopter pour répondre à cette crise, figuraient les répartitions des quotas de migrants en Italie et Grèce. Des progrès concrets n’ont pas encore été réalisés. Nous sommes encore dans l’attente des résultats du Conseil du 14 septembre. Pire même, l’Union européenne accuse, sur certains points, un retour en arrière par rapport au point de départ.
Les gouvernements d’Europe de l’Est se sont déclarés hostiles aux quotas pour répartir les migrants. Cet été, la Hongrie a construit une clôture de 175 kilomètres le long de sa frontière avec la Serbie afin d’empêcher, sans grand succès, l’entrée des migrants. En République Tchèque 216 migrants, dont 61 enfants, ont été marqués au dos de leurs mains pour être identifiés. La réponse donnée par la porte-parole du ministère tchèque de l’Intérieur, Lucie Novakova, était que ce marquage avait été introduit en raison du grand nombre d’enfants parmi les réfugiés. «Notre objectif est d’empêcher que des enfants ne se perdent», a-t-elle encore dit, comme s’ils étaient des animaux ! Et elle a assuré, comme pour justifier son comportement : «Ils ont accepté le marquage, ils n’ont pas de problème avec cela, ils savent que c’est dans leur intérêt». Mais assure Zuzana Candigliota, avocate de la Ligue tchèque des droits de l’Homme, «aucune loi ne permet de marquer les gens de cette manière».
Mais de quelle Europe parle-t-on ? Où sont les valeurs de démocratie et de solidarité sur lesquelles l’Union est fondée ?
A la question qui lui était posée par un journaliste (Le Monde) de comment juger ces pays d’Europe, Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères français, a répondu : « Quand je vois un certain nombre de Pays d’Europe qui n’acceptent pas les contingents (de répartition des réfugiés), je trouve ça scandaleux ».
En effet, tout ceci est un paradoxe pour ces Etats d’Europe de l’Est qui, alors qu’ils ont depuis la fin du XIXème siècle toujours été des terres d’émigration, se disent aujourd’hui hostiles à l’accueil des réfugiés.
Il convient de rappeler un peu l’histoire. Lorsque en octobre 1956, après la fin de la Révolution de Budapest, près de 200.000 Hongrois ont fuit en Autiche et en Yougoslavie dans l’espoir d’avoir une vie meilleure, la réponse des Pays européens fut beaucoup plus solidaire qu’aujourd’hui. Un plan de réinstallation fut mis en place et en février 1957 117.000 personnes se trouvant en Autriche furent réparties vers plusieurs pays d’Europe, grâce à une politique de « quotas » d’accueil, rappelle le Haut-Commissaire aux réfugiés, Antonio Guterres ».
Il eut été bon, que le Premier ministre Hongrois, Viktor Orban, avant le sommet du vendredi 4 septembre 2015 à Prague, se rappelât la solidarité que les États européens montrèrent accueillant leurs réfugiés. Mais le groupe de Visegrad réaffirma finalement son refus des quotas automatiques de réfugiés.
« Quoi que je puisse faire, je serais attaqué, et je pense qu’il y a une réalité là-dessous. Si je protège mes frontières, ça devient un problème, si je ne protège pas mes frontières, c’est aussi un problème. Alors aujourd’hui, on ne sait plus quoi faire pour ne pas être attaqué, » a déclaré Viktor Orban face à la presse, à fin de la réunion des chefs de gouvernement des quatre pays d’Europe centrale.
« Peut-être faudra-t-il cette photo pour que l’Europe ouvre les yeux ? »
Apparemment cet acte provocateur a suscité de nombreuses réactions et poussé les politiques à prendre des engagements.
La France et l’Allemagne ont lancé ce jeudi 3 septembre une initiative sur des « quotas contraignants » pour l’accueil des migrants. « J’ai parlé ce matin au président français. La position franco-allemande que nous allons transmettre aux institutions européennes est que ceux qui ont besoin de protection (…) en bénéficient et que nous avons besoin de quotas contraignants au sein de l’Union européenne pour se partager les devoirs ; c’est le principe de solidarité. » a expliqué la chancelière A. Merkel.
A Paris, François Hollande, a parlé d’un « mécanise permanent et obligatoire » en se référant aux quotas. Un mécanisme qui sera « soumis » le 14 septembre à un conseil des ministres européens de l’intérieur, avant un sommet européen.
L’accord franco-allemand vise aussi à assurer le retour des migrants irréguliers dans leurs pays d’origine et à aider les pays d’origine et de transit.
Aussi le premier ministre Cameron, qui a été critiqué de toutes parts pour son manque d’implication dans la crise, a-t-il cédé à la pression politique intense et annoncé vendredi 4 septembre que la Grande-Bretagne réinstallerait des milliers d’autres réfugiés dans les camps qui bordent le pays ravagé par la guerre.
Devant la presse, l’actuelle Haute Représentante de l’Union pour les affaires extérieures, Federica Mogherini, a ajouté avec un peu de colère…. « J’en ai un petit peu marre du fait qu’on demande aux hommes/femmes politiques de donner une réaction émotionnelle. Oui. Nous devons réagir. Mais de manière cohérente et rationnelle. Il ne faut pas simplement être choqué, mais ensuite être responsable, et prendre les décisions qui découlent de ce sentiment. (…) Notre travail (à nous Politiques) n’est pas d’exprimer de la tristesse, ou d’exprimer une minute de silence mais de faire des propositions, d’améliorer le contexte pour prendre des décisions, et ensuite de veiller à ce que ces décisions soient traduites dans les faits. Et ce rapidement ! »
Elle a ensuite lancé un appel à davantage de conscience européenne. « Cette crise sans précédent, nous ne pourrons pas y faire face par le biais d’une approche isolée des États membres, par une politique intérieure ou extérieure uniquement, il faut que l’Europe agisse vite dans la solidarité et la responsabilité. Chacun commence à comprendre qu’on ne peut plus s’offrir le luxe de pouvoir reporter les décisions à plus tard.»
En se référant à une certaine partie de l’Europe qui, face à ce problème, a montré sa volonté de rester de côté, Frans Timmermans a répondu que cela était impossible ! C’est sur cette base que le Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, a présenté le 9 septembre, à Strasbourg, un nouvel ensemble de mesures pour agir en urgence dans la crise des migrants.
Cristina De Martino
Pour en savoir plus :
– . Appel de l’UNICEF
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35490
-. Support du Royaume Uni aux réfugiés http://www.theguardian.com/uk-news/2015/sep/05/uk-councils-call-for-more-money-to-support-extra-refugees
-. Appel de Federica Mogherini du 03/09/2015
-. Histoire de la Hongrie sur l’immigration et asile
-. Discours du Premier ministre Hongrie (vidéo ) 04/09/2015
-. Interview Laurent Fabius (vidéo) 30/08/2015
-. Discours du Vice-Président Frans Timmermans du 04/09/2015
http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5595_en.htm
Etat de l’Union 2015 : encore un Président pour qui le changement, c’est maintenant !
« C’est le moment (…) de l’honnêteté. C’est le moment de parler franchement des grands problèmes de l’Union européenne. Parce que notre Union européenne ne va pas bien. Il n’y a pas assez d’Europe dans cette Union. Et il n’y a pas assez d’Union dans cette Europe ».
Par un discours d’européen convaincu, le Président de la Commission européenne a présenté l’état de l’Union européenne ce mercredi 9 septembre lors de la plénière du Parlement européen de Strasbourg. Evoquant 5 thèmes principaux, Jean-Claude Juncker a réaffirmé son souhait de voir une Europe davantage unie et solidaire face aux difficultés.
Rappelant le fondement sur lequel repose ce fameux « discours sur l’état de l’Union », à savoir l’accord-cadre régissant les relations entre le Parlement européen et la Commission, le Président de la Commission européenne a déclaré qu’il était de son devoir de dresser d’une part le bilan de l’année en cours, et d’évoquer d’autre part les priorités pour les années à venir.
Par une brève introduction, Jean-Claude Juncker a réaffirmé sa volonté de faire de la Commission, une institution « très politique », estimant que l’Europe ne pourra faire face aux « immenses défis » auxquels elle est actuellement confrontée que par « une perspective très politique ». Pour le Président de la Commission européenne, seul un changement de ce qui ne va pas dans l’Union permettra à l’Union de pouvoir trouver une solution aux problèmes qui l’assaillent, en son sein comme à l’extérieur.
« L’Europe, (…) une terre de refuge et d’asile », qui « représente l’espoir, un havre de stabilité », et qui est « de loin le continent au monde le plus prospère et le plus stable »
Pour le Président de la Commission européenne, la « priorité absolue, aujourd’hui est et doit être de répondre à la crise des réfugiés ».
Face aux arrivées massives de personnes depuis le début de l’année 2015, Jean-Claude Juncker estime que « l’heure est à une action audacieuse, déterminée et concertée de l’Union européenne, de ses institutions et de ses Etats membres ».
Ce n’est que par une action commune, menée de concert par tous ceux qui la composent et qui font d’elle ce qu’elle est que l’Union européenne trouvera une solution pour chaque personne qui gagnera son territoire. Selon le Président Juncker, il n’est pas normal que l’Europe, qui continent par essence est diversifié et dont l’histoire est marquée par les migrations, se refuse à être une terre d’accueil pour les milliers de personnes qui risquent leur vie au quotidien afin de rejoindre les rivages européens.
Provenant principalement de Syrie, de Lybie et d’Erythrée, ces personnes fuient respectivement la guerre, l’Etat islamique et la dictature. Or, Jean-Claude Juncker l’a rappelé dans son discours : « notre histoire commune est marquée par ces millions d’Européens qui ont fui les persécutions religieuses ou politiques, la guerre, la dictature ou l’oppression ». Qu’il s’agisse des Juifs et des Roms lors de la seconde guerre mondiale, des républicains espagnols, des révolutionnaires hongrois, des milliers de personnes provenant de l’ex-Yougoslavies, toutes ont fuit leurs terres et ont trouvé refuge sur d’autres. Les républicains espagnols, dans le sud de la France ; les révolutionnaires hongrois en Autriche etc.
Pour le Président de la Commission, la question de l’accueil des personnes arrivant chaque jour aux frontières de l’Europe est avant tout « une question d’humanité et de dignité humaine ». Mais cela va plus loin selon lui, car c’est aussi une question de respect par rapport à l’Histoire européenne, une histoire forgée dans les migrations, quelles qu’en soient les causes (persécutions religieuses ou politiques, guerres, dictatures, oppressions). Jean-Claude Juncker y voit un devoir de souvenir des européens, un devoir de se souvenir ; « nous souvenir que l’Europe est un continent où presque chacun a un jour été réfugié ».
Rappelant le contexte de la création de la Convention de Genève en 1951 relative au statut des réfugiés, le Président de la Commission européenne réaffirme le caractère fondamental du droit d’asile en déclarant que « nous, Européens, devrions savoir, et ne jamais oublier, la raison pour laquelle il est si important d’accueillir les réfugiés ».
Pour Jean-Claude Juncker, la question de venir en aide aux réfugiés n’est alors qu’une question de volonté, dans une Europe riche d’une Histoire marquée par les migrations, où chacun a probablement été au moins un jour étranger, car l’Union européenne a les moyens d’accueillir ces personnes.
« Agir pour gérer la crise des réfugiés » : telle semble être la ligne de conduite à suivre pour les prochaines semaines et les prochains mois. Bien conscient que « l’Europe ne peut accueillir toute la misère du monde », le Président de la Commission explique que la crise ne s’arrangera pas réellement tant que perdureront les situations telles que la guerre syrienne et la terreur libyenne. Pointant du doigt le renvoi des responsabilités, Jean-Claude Juncker estime que ce « jeu de reproches mutuels » est le reflet du fait que les politiques « sont dépassés par des événements imprévus ». Lorsque les Etats membres s’accusent mutuellement « de ne pas en faire assez ou de mal faire », lorsque Bruxelles est montrée du doigt par les capitales nationales, cela crée non pas une action commune de l’Union telle que nous serions en droit de l’attendre, mais dévoile une incapacité de l’Union et de ses Etats membres à prendre leurs responsabilités et à agir.
Rappelant ce qui existe déjà en la matière au sein de l’Union, comme le système européen commun d’asile, les normes communes pour le traitement des demandes d’asile, ou encore les critères communs pour déterminer si une personne a droit à une protection internationale, Jean-Claude Juncker relève l’insuffisance, voire l’absence, d’application de ces critères en pratique. Or, « tous les Etats membres doivent appliquer la législation européenne. Cela doit aller de soi dans une Union fondée sur l’Etat de droit ». Des normes communes en matière d’asile, bien que nécessaire, ne suffiront pas si elles ne s’accompagnent pas d’une application réelle et concrète sur le terrain.
Pour le Président de la Commission, le programme européen global en matière de migration présenté par la Commission en mai dernier a sans doute constitué le point de départ d’une nouvelle action. Depuis, la présence en mer de l’Union a triplé, nombres de vies ont pu être sauvées. La participation conjointe des Etats membres et pays associés aux opérations conjointes coordonnées par Frontex en Italie, en Grèce et en Hongrie ; la mise à disposition de moyens matériels (102 officiers, 31 navires, 3 hélicoptères, 4 avions etc.) sont pour lui « une première mesure de ce qu’est la solidarité européenne en action ».
Incitant cependant à davantage d’action, le Président de la Commission européenne développe. Outre ces mesures de sauvetage en mer, des opérations visant au démantèlement de réseaux de passeurs et de traite des êtres humains ont permis de stabiliser le nombre de migrants empruntant la voie de la Méditerranée centrale. Des efforts restent néanmoins à faire pour stabiliser « de la même manière, le passage par les Balkans ».
Ces actions ne sont pas les seules menées par l’Union. Des fonds ont été mobilisés par la Commission et les Etats membres en faveur des réfugiés syriens, visant la Syrie mais aussi les pays voisins les ayant accueillis (Liban, Jordanie, Irak, Turquie, Egypte). L’Union s’est de plus engagée à permettre à plus de 22 000 personnes originaires de pays non européens de s’installer sur son territoire l’année prochaine.
Pour le Président de la Commission, « là où l’Europe n’est pas à la hauteur, c’est sur notre solidarité collective à l’égard des réfugiés arrivés sur notre territoire ». Les quelques Etats membres (Italie, Grèce, Hongrie) qui actuellement font face aux arrivées plus que massives de migrants ne peuvent « être abandonnés à leur sort et gérer seuls ce défi ». Il a d’ailleurs tenu à préciser, qu’outre la proposition de relocalisation de 40 000 personnes présentée en mai dernier, la Commission européenne proposait aujourd’hui de relocaliser 120 000 personnes se trouvant actuellement en Grèce, en Italie et en Hongrie.
Accentuant son propos sur la nécessité d’une « action immédiate », le Président de la Commission recommande de ne pas reproduire les erreurs du passé qui étaient d’opérer des distinctions selon les religions des individus (juifs, chrétiens, musulmans).
« Il n’y a pas de religion, pas de croyance, pas de philosophie quand il s’agit de réfugiés ».
L’Union européenne devrait :
– « Etablir une distinction plus nette entre les personnes qui ont clairement besoin d’une protection internationale (…) et celles qui quittent leur pays pour d’autres raisons et qui ne peuvent donc pas prétendre à l’asile ».
– Dresser une « liste commune de l’UE des pays d’origine sûrs » afin de permettre aux Etats membres d’accélérer leurs procédures d’asile pour les ressortissants des pays « présumés sûrs ». C’est du moins ce que propose la Commission européenne, selon laquelle la présomption devrait s’appliquer aux pays satisfaisant aux critères de Copenhague pour l’adhésion à l’Union (sur décision unanime du Conseil européen) et aux pays candidats potentiels des Balkans occidentaux.
– Revoir le système de Dublin qui exige un traitement des demandes d’asile par le premier pays d’entrée.
– Disposer d’un mécanisme de relocalisation permanent (là encore, il s’agit d’une proposition de la Commission).
– Inciter les Etats membres à revoir leurs politiques d’intégration et d’inclusion des réfugiés, en harmonisant davantage les politiques d’asile. Sur ce point, le Président de la Commission s’est d’ailleurs dit « fortement favorable à autoriser les demandeurs d’asile à travailler et gagner de l’argent pendant que leur demande est à l’étude ».
– Renforcer les efforts conjoints de protection des frontières extérieures. Jean-Claude Juncker a ici réaffirmé la volonté de la Commission de faire évoluer Frontex vers « un système européen de garde-frontières et de garde-côtes qui soit pleinement opérationnel », un projet qui bien évidemment aura un certain coût financier mais qui représente selon la Commission de « l’argent bien investi ».
– Ouvrir des canaux légaux de migration, ce qui est également à l’étude, la Commission estimant que cela pourrait, par une meilleure gestion de la migration, avoir pour conséquence de « rendre moins attrayante l’activité illégale des trafiquants d’êtres humains ». Pour M. Juncker, il devient capital que les européens se rendent à l’évidence : l’Union européenne est un continent vieillissant, en déclin démographique, et qui va avoir besoin de talents. « La migration doit peu à peu cesser d’être un problème pour devenir une opportunité bien gérée ».
– Lancer une « offensive diplomatique européenne en réponse aux crises syrienne et libyenne » afin de ramener « la paix et la stabilité » dans ces pays, et mettre à disposition un « Fonds d’affectation spéciale d’urgence » (initialement de 1.8 milliard d’euros) pour « résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel et du lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord ».
Porteur d’objectifs ambitieux, le programme ainsi présenté par M. Juncker ne sera bénéfique que si l’Europe reste unie et agit de manière unie.
« Ce n’est qu’une fois au bord du précipice que nous sommes parvenus à prendre conscience de toute l’ampleur de l’enjeu et à assumer nos responsabilités ».
Poursuivant son discours avec la « question grecque », Jean-Claude Juncker entend aborder les enseignements tirés de la crise grecque. Résumant la situation par un « nous nous sommes collectivement approchés du gouffre », le Président de la Commission européenne accuse l’Union dans son ensemble, institutions et Etats membres compris, d’avoir malmenées les négociations lancées avec la Grèce, entraînant ainsi une perte de temps et de confiance. Les paroles lancées à tout va « qu’il est difficile d’effacer », le fait pour certains d’avoir voulu « imposer leur point de vue sans aucune considération pour celui des autres » ne sont qu’un échantillon de ce que les Européens ont pu voir ces derniers mois.
En dépit de l’accord trouvé avec la Grèce, des engagements, et de la confiance qui – bien que demeurant fragile – « commence à être restaurée », le Président de la Commission ne se dit pas pour autant « fier de tous les aspects des résultats obtenus ». Saluant le travail « sans relâche » de la Commission européenne, il s’est dit bien conscient du fait que beaucoup d’hommes politiques grecs n’aient pas apprécié l’insistance de la Commission sur la nécessité pour la Grèce de mener des réformes (système de retraite, régime fiscal notamment), ou que d’autres responsables politiques européens n’aient pas compris le souci de la Commission de continuer les négociations avec ce pays. Pour Jean-Claude Juncker, le traité sur l’Union européenne dispose que « l’appartenance à l’euro est irrévocable ». A partir de là, les institutions européennes, dont la Commission, ont un « mandat clair et [le] devoir de tout mettre en œuvre pour préserver l’intégrité de la zone euro ». Et il en sera ainsi « tant que les Etats membres n’auront pas modifié les traités ».
Pour celui qui voulait redonner à la Commission un rôle éminemment politique, la crise grecque fut l’occasion de mener des discussions « très politiques », « en gardant l’équité sociale à l’esprit ». Bien que le compromis trouvé avec la Grèce ne soit pas parfait, il constitue néanmoins un pas en avant. Celui-ci ne sera pourtant bénéfique que s’il est réellement mené à bien, ce qui supposera l’implication concrète des politiques grecs. Pour M. Juncker, il doit s’agir d’« un nouveau départ, pour la Grèce comme pour l’ensemble de la zone euro ». Une zone euro qui s’est parallèlement trouvée affaiblie du fait justement de la tournure des négociations. Le rétablissement de la confiance est alors plus que nécessaire si les Européens veulent sortir de cette crise. La Commission entend rester aux côtés de la Grèce, afin de veiller et d’appuyer la mise en œuvre des dispositions adoptées le 19 août dernier par les 19 Etats membres de la zone euro, dont la Grèce.
« La crise n’est pas encore derrière nous. Elle a simplement marqué une pause ».
Le Président de la Commission européenne veut noter l’ensemble des progrès réalisés (amélioration des chiffres du chômage, accroissement du PIB, etc.) mais doit se rendre à l’évidence: ces progrès ne suffisent pas. « La crise a creusé de très grands écarts à l’intérieur de la zone euro comme de l’UE dans son ensemble ». Altération du potentiel de croissance, montée des inégalités, l’Union accuse le coût d’une crise qui a « nourri des doutes quant au progrès social, à la valeur du changement et aux mérites d’une appartenance à un destin commun ». Productivité, création d’emplois et équité sociale devraient selon lui permettre à l’Union européenne de se redresser.
Un Président qui se veut réaliste, qui note les faiblesses de l’Union, les chocs et traumatismes récemment subis, mais pour qui l’Union ne doit pas s’avouer vaincue. Pour Jean-Claude Juncker, il reste un potentiel à l’Union, un potentiel qui – s’il est bien exploité – lui permettra de redorer son blason et de reprendre sa position de « référence » à l’égard des autres pays du monde. M. Juncker réaffirme que l’Union doit d’abord se reconstruire elle-même, retrouver la confiance perdue et la solidarité qui ont fait sa construction. « Nous n’avons pas encore convaincu les citoyens de l’Europe et le reste du monde que notre Union n’est pas vouée à seulement survivre, mais qu’elle peut aussi s’épanouir et prospérer ». Il semble qu’il reste encore du pain sur la planche à la Commission européenne avant de parvenir à cet objectif ambitieux, mais Jean-Claude Juncker se veut optimiste.
Un Président qui souhaite également affirmer le rôle et la position du Parlement européen, « cœur de la démocratie au niveau de l’Union, tout comme les parlements nationaux sont le cœur de la démocratie au niveau national ».
Un Président qui :
– Prône un système commun de protection de l’épargne bancaire des citoyens européens,
– Insiste sur le « besoin d’une représentation plus forte de l’euro [deuxième monnaie du monde] sur la scène mondiale »,
– Souhaiterait un système de surveillance économique et budgétaire « plus efficace et plus démocratique »,
– Envisage de rendre « nos politiques fiscales plus justes »,
– Vise la création d’un « marché du travail équitable et véritablement paneuropéen »
Un Président pour qui finalement la solution serait de « grandir et de placer nos intérêts communs avant nos intérêts nationaux » ; « l’intérêt de l’ensemble est plus que la somme des parties ».
Un Président qui requière des actions concrètes plutôt que des paroles « creuses » et sans effet.
« L’UE se porte mieux avec le Royaume-Uni et (…) le Royaume-Uni se porte mieux en étant dans l’UE » :
Rappelant le référendum qui devrait avoir lieu avant la fin de l’année 2017, afin de savoir si ce pays restera ou non dans l’Union européenne, le Président de la Commission entend cependant s’efforcer de tout mettre en œuvre pour trouver un « accord équitable » avec le Royaume-Uni.
« Lorsque l’Europe agit unie, elle peut changer le monde »
Concernant la situation ukrainienne, Jean-Claude Juncker estime que l’Union européenne, caractérisée par sa force qu’elle tire de son unité et de sa capacité à agir ensemble, a « vraiment quelque chose à offrir ». Arguant de l’engagement du Président ukrainien à se battre pour la paix, M. Juncker incite l’Union à lui octroyer son soutien.
Par ailleurs, « l’UE doit montrer à la Russie que la confrontation a un coût, mais elle doit aussi lui montrer qu’elle est prête à s’engager ». Pour Jean-Claude Juncker, Moscou doit comprendre que « la sécurité et les frontières des Etats membres de l’Union européenne sont inviolables ». Bien qu’il considère les sanctions imposées à la Russie comme un « moyen puissant en réponse à l’agression et la violation du droit international », qui ne pourront être levées qu’à la condition que les accords de Minsk soient – enfin – respectés, le Président de la Commission engage l’Union européenne à « continuer à chercher des solutions ».
« La nature ne tardera pas à nous présenter la facture »
Abordant le sujet de la lutte contre les changements climatiques, M. Juncker se veut terre à terre. Insistant sur le rôle « de premier plan » joué par l’Europe, Jean-Claude Juncker a rappelé les engagements pris par l’Union et la priorité de l’Europe qui réside dans l’adoption d’« un accord mondial sur le climat qui soit ambitieux, solide et contraignant ». Le défi consiste ici dans le besoin d’avoir un « régime international pour combattre les changements climatiques ». En effet, à quoi serviraient les engagements européens de réduire d’au moins 40% les émissions d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, si tous les pays du globe ne s’engageaient pas de la même manière à, si ce n’est réduire, au moins limiter leurs émissions ? Pour M. Juncker, quelle que soit la solution qui sera trouvée en décembre à Paris, la lutte contre les changements climatiques n’aura d’effet que « sur le terrain et dans les villes où la plupart des européens vivent, travaillent et consomment environ 80% de l’énergie produite en Europe ».
En dépit du fait que tous les problèmes actuels auxquels l’Union doit faire face n’aient pu être soulevés, s’il est une chose à retenir de ce discours, c’est bien la nécessité pour l’Union européenne d’être une « Union » ; une Union qui se traduise par des institutions et des Etats membres qui agissent ensemble, en prenant leurs responsabilités et en faisant preuve de solidarité, en tenant à cœur l’intérêt des citoyens européens. Pour Judith Sunderland, directrice adjointe de la télévision Europe et Asie centrale à Human Rights Watch, « L’Europe a fait preuve (…) d’un manque affligeant de volonté politique et d’humanité face à cette crise de réfugiés et de migrants ». Les dirigeants de l’UE devraient selon elle avoir pour priorité celle de « protéger des vies et de faire en sorte que les migrants soient traités humainement ».
« Lorsque, dans quelques générations, les gens liront dans les manuels d’histoire européenne les passages concernant la période que nous traversons, puissent-ils lire (…) qu’ensemble, nous avons fait l’histoire européenne. Une histoire que nos petits-enfants raconteront avec fierté », achève le Président Juncker. Le message :solidarité et courage ! Répondant à la première question posée en salle de presse pendant la conférence de presse par le journaliste du Soir : le discours a été très long, en peu de mot quel est le message que le président Juncker a voulu faire passer ?Réponse : solidarité et courage
Aurélie DELFOSSE
Pour en savoir plus :
– Discours de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, sur « l’état de l’Union en 2015 : le moment de l’honnêteté, de l’unité et de la solidarité », prononcé à Strasbourg, le 9 septembre 2015 (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_en.htm
– Human Rights Watch, « UE : Cinq mesures pour faire face à la crise des réfugiés. Des moyens concrets pour sauver des vies et protéger les personnes », 4 septembre 2015.https://www.hrw.org/fr/news/2015/09/04/ue-cinq-mesures-pour-faire-face-la-crise-des-refugies
-. Site sur l’Etat de l’Union en 2015 (EN) http://ec.europa.eu/priorities/soteu/ (FR) http://ec.europa.eu/priorities/soteu/index_fr.htm
« Les droits fondamentaux s’appliquent à tous sur ce continent, dans cette Union européenne ; et le fait de ne pas respecter les droits fondamentaux d’un seul individu nous nuit à tous. L’Europe n’est rien si elle ne protège pas ses minorités ; l’Europe n’est rien si elle n’ouvre pas ses yeux face à ce qui est faible ; l’Europe n’est rien si nous fermons nos portes aux personnes qui fuient la persécution et la guerre ailleurs. Nous nuirons non seulement aux intérêts de ces personnes, mais nous nuirons à nos propres valeurs. Nous nous nuirons à nous-mêmes, nous détruirons nos propres âmes si c’est là l’attitude que nous choisirons ». (Frans Timmermans)
A l’occasion du débat portant sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) qui avait lieu le 7 septembre dernier au Parlement européen (Plénière, Strasbourg), le Premier Vice-président de la Commission Frans Timmermans a pleinement assumé son rôle de garant de la protection des droits fondamentaux.
Débattant sur un « rapport Ferrara » considéré par la plupart comme complet et bien mené, les députés du Parlement européen ont saisi l’occasion d’aborder les droits, libertés et valeurs qui, s’ils sont différents n’en sont pas moins liés. Ont ainsi été évoqués entre autres le droit à la vie, le droit à la famille, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté des médias, la protection des personnes handicapées, la protection des réfugiés et des migrants, les droits des personnes LGBTI ; la lutte contre les violences faites aux femmes, la corruption, le blanchiment, le terrorisme et bien d’autres encore. C’est dire tout l’intérêt de ce rapport sur lequel les médias, pour la plupart, ont fait silence
Présentant son rapport, Laura Ferrara (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFD), membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) au Parlement européen, a introduit cet important débat par une référence au corps du petit Aylan Kurdi, trouvé sans vie sur les plages de la Turquie, précisant qu’il s’agissait là du « symbole d’un droit nié, d’un droit qu’on a nié : le droit à la vie ».
Ce débat de plus de deux heures a permis de faire ressortir de manière évidente que les droits fondamentaux étaient violés en premier lieu au sein même de l’Union européenne. Dés lors comment peut-elle faire la leçon aux autres ? Selon la Rapporteure en charge du dossier, c’est aux européens eux-mêmes d’être « les contrôleurs et les garants de ces droits et de ces valeurs qui font notre Communauté et qui légitiment l’existence de l’Union ». Constatant que rien n’était réellement fait « pour les arrêter ou les prévenir », Laura Ferrara s’est voulue virulente : « nous sommes hypocrites et nous sommes enfin par notre silence, complices ».
Le rapport traduit une volonté de parvenir à « un plus grand contrôle et une meilleure interactions avec les citoyens ». L’idée de ce rapport serait en effet d’assurer un suivi personnalisé de la situation des droits fondamentaux au sein de chaque Etat membre de l’Union européenne, c’est-à-dire pays par pays. Mais la demande d’un rapport pays par pays demandé avec insistance par le député Louis Michel n’ a pas une fois de plus été suivi. De la sorte, les institutions européennes seraient mieux à même de voir quels sont les droits violés, où le sont-ils, par qui le sont-ils. Une telle perception de la situation permettrait à ces dernières de « déclencher les interventions nécessaires pour protéger les droits fondamentaux ». Face aux inquiétudes visiblement soulevées par ce rapport, Laura Ferrara a tenu à préciser qu’il ne s’agirait pas là d’une « inquisition », ni même « d’aller au-delà du principe de subsidiarité ». En vertu de ce principe, il appartient à l’échelon le plus approprié d’agir (niveau européen, national ou local) ; étant entendu que l’Union européenne ne pourra intervenir que si elle est en mesure d’agir plus efficacement que les Etats membres (Pour en savoir plus : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:ai0017).
Pour l’eurodéputée italienne qui prône « une plus grande transparence », il s’agit simplement « de murir et de développer une conscience commune ». Et la Rapporteure d’achever sa présentation par un fameux « soyons courageux et construisons une Europe de droits, maintenant ».
Prenant le relai, le garant de la Charte des droits fondamentaux, Frans Timmermans, a montré le soutien de la Commission européenne à « l’appel » lancé par le Parlement européen « à tous les Etats membres, à toutes les institutions européennes pour protéger les droits fondamentaux ».
Regrettant le fait qu’aucun accord n’ait encore été trouvé concernant la directive sur l’égalité de traitement, M. Timmermans a rappelé qu’il s’agissait pourtant d’« une question centrale en Europe ».
Pour le Premier Vice-président de la Commission, il ne faut pas non plus négliger les questions relatives à la discrimination, « à la montée de l’intolérance et de la haine que l’on constate dans nos sociétés au quotidien ». Un phénomène qui serait, selon lui, « certainement lié à la crise migratoire », une crise à la fois économique, politique et morale.
Encourageant la lutte contre les préjugés, le racisme et la xénophobie, M. Timmermans a rappelé qu’un premier colloque de la Commission sur les droits fondamentaux serait organisé en Octobre et porterait sur les crimes liés à la haine, notamment la discrimination, l’antisémitisme et la xénophobie ; des « phénomènes distincts mais qui sont également liés ». Le traitement des données personnelles figurait lui aussi au cœur des préoccupations lors de ce débat. Peu importe les fins auxquelles elles sont utilisées, en particulier dans le domaine pénal, leur traitement doit respecter la Charte des droits fondamentaux, et doit être nécessaire et proportionnel. Le Vice-président de la Commission a notamment « justifié » leur utilisation dans les procédures pénales, expliquant qu’afin de « pouvoir protéger l’ordre public, il serait parfois nécessaire de procéder à certaines vérifications de données de personnes qui ne sont pas directement liées à des activités criminelles ».
Face à un rapport Ferrara qui préconise l’instauration de nouveaux mécanismes pour la protection des droits fondamentaux, Frans Timmermans estime plus judicieux de s’en tenir à « veiller à la poursuite de la mise en œuvre des instruments que nous avons déjà », évoquant le passage en revue « de toutes les mesures politiques, législatives pertinentes pour garantir la compatibilité avec la Charte des droits fondamentaux » ou encore l’adoption du paquet « mieux légiférer » qui représenterait selon lui « une étape supplémentaire sur cette voie ».
Il s’agirait au final de « prendre en considération les droits fondamentaux de manière systématique dans l’évaluation de toutes les initiatives politiques pertinentes ».
A l’instar des nombreux débats soulevés au cours des derniers mois quant à la crise migratoire, la question d’une responsabilité politique partagée par toutes les institutions refait surface. Le Commissaire Timmermans a de fait resitué la position de la Commission européenne qui, en tant que gardienne des traités, se doit de faire respecter la Charte des droits fondamentaux par les Etats membres. Dans l’hypothèse d’une violation d’un droit fondamental par l’un des Etats membres, la Commission européenne pourrait intervenir en engageant une procédure d’infraction. En 2014, ce sont ainsi 11 procédures d’infractions qui ont été lancées par la Commission à l’encontre d’Etats membres. Approuvant la Cour européenne de justice qui demande un renforcement des règles régissant l’Etat de droit en Europe, M. Timmermans considère qu’ « il faut absolument respecter à 100% l’Etat de droit », ce qui s’avère « fondamental » y compris pour la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne. Il est essentiel que la possibilité d’avoir un recours en justice puisse être garantie, sans quoi les droits fondamentaux « resteront lettre morte ».
Par ailleurs, le Premier Vice-président de la Commission a réaffirmé l’engagement de l’institution qu’il représente « pour ce qui est de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention des droits de l’homme », ce qui permettra de « renforcer nos valeurs fondamentales, l’efficacité de la législation européenne mais également de garantir la cohésion de ce qui se fait en Europe ». Un Premier Vice-président qui se veut donc particulièrement optimiste sur cette – future – adhésion, et sur le fait de régler les problèmes juridiques présentés par la Cour de justice européenne dans son avis de décembre 2014 (avis 2/13, 18 décembre 2014).(cf. article de Nea say –eulogos)
Rappelant que « la promotion et le respect des droits de l’homme se situent sur le devant de la scène », Frans Timmermans a fermement soutenu la position de Laura Ferrara sur la question de la migration. « Notre réaction à la crise doit également passer par la protection des droits fondamentaux », en particulier parce qu’il s’agit de « réfugiés qui risquent leur vie, s’en remettent à des trafiquants sans pitié ; mais [qui] ont également le droit d’être traités avec dignité, [indépendamment du lieu où ils se trouvent, ou des conditions dans lesquelles ils sont obligés de vivre] ».
Sauver des vies, traiter plus rapidement les demandes d’asile, pouvoir être plus efficaces, et le faire « en totale conformité avec les droits de l’homme », voilà donc un programme bien ambitieux que l’Union européenne aura à cœur de mettre en œuvre dans les mois à venir. Car, si pour certains l’heure est encore aux débats et aux négociations, pour beaucoup d’autres, le temps est largement venu de passer à l’action et de prendre des mesures réelles et concrètes.
« Nous ne devrions jamais oublier que l’asile est un droit à être protégé ». Il est ressorti de l’intervention de M. Timmermans que la priorité revenait à « l’application correcte et complète de la situation en matière de migration et d’asile, conformément aux deux principes de responsabilité et de solidarité ». Une telle politique devra :
Pour Frans Timmermans, « inutile d’avoir peur d’être envahis ». La situation actuelle témoigne de la crainte qu’un « traitement humain de ces migrants » ne débouche sur un afflux particulièrement importants de nouveaux arrivants. Une « peur d’être inondé » qui pour le premier Vice-président de la Commission européenne n’a pas lieu d’être. De telles craintes pourraient pourtant amener, si elles ne sont pas maîtrisées, à se « braquer » face aux arrivées massives de migrants en incitant les européens à se refermer sur eux-mêmes. Or, et M. Timmermans s’est montré très clair sur ce point : « Il ne faut certainement pas revoir à la baisse les valeurs fondamentales, les sacrifier sur l’autel de telles craintes. Il faut veiller à ce que les personnes qui fuient de telles persécutions aient vraiment leur place dans notre société ».
Pour lui, « la promotion de nos valeurs communes, la démocratie, les droits fondamentaux, mais aussi l’Etat de droit » impliquent une responsabilité partagée de tous les Etats membres, de toutes les institutions, de tous les organes de l’Union. « Ce sont des valeurs qui doivent continuer à être des réalités pour chaque citoyen européen, mais également pour toute autre personne qui se situe sur le territoire européen ». Il est donc « fondamental » que toutes les institutions, tous les organes et tous les Etats de l’Union européenne coopèrent « afin de donner corps à cette réalité ». Une coopération qui s’applique, et M. Timmermans l’a souligné, à la Commission et au Parlement européen.
« Les droits de l’homme sont le fondement éthique universel qui permet d’établir les règles de la dignité humaine » (Ramón Jauregui Atondo, commission AFCO)
La situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne recouvre des domaines très variés mais qui sont, pour Frans Timmermans, au fond très liés. Trop souvent, l’Union européenne se targue de constituer un exemple, d’être une « référence » pour le reste du monde. Or, en examinant la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, l’on s’aperçoit très vite que lesdits droits, qu’elle garantit et protège pourtant, sont en premier lieu violés en son sein même. Pour la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (AFCO), l’Union européenne doit être capable de se surveiller elle-même, c’est-à-dire de regarder ce qu’il se passe en son sein, avant même de vouloir se montrer « exemplaire » ou de constituer « une référence » pour les autres. A l’instar de ses prédécesseurs dans ce débat, l’eurodéputé socialiste espagnol a en effet rappelé que malheureusement beaucoup d’Etats membres ne respectaient pas toujours les droits de l’homme… Les droits économiques et sociaux devraient voir leur protection renforcée, et l’Union devrait adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’intervention du porte-parole de la commission AFCO au Parlement.
« La protection des droits des femmes est un élément très important des droits humains ». Daniela Aiuto (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe), représentant la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM), a évoqué les nombreuses formes de discriminations, les violences sexuelles, physiques et psychologiques que subissent les femmes, qu’elles se situent en Europe ou ailleurs. Une fois encore la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union est remise en question. Pour Daniela Aiuto, l’internet et les nouvelles technologies ne sont sans doute pas pour rien dans l’existence de telles violences…
Revendiquant une égalité de traitement entre les hommes et les femmes, l’eurodéputée italienne a achevé son discours en déclarant que « des mesures [devraient être] prises pour renforcer la prévention, garantir la protection et punir ceux qui commettent des délits ».
Marina Albiol Guzmán (Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, GUE/NGL) invoque même un « droit des femmes à ne pas être assassinées, violées, menacées, frappées du simple fait d’être femmes ». Et l’eurodéputée d’appuyer son propos en citant le rapport Ferrara, selon lequel « 33% des femmes européennes ont subi des violences physiques ou sexuelles » ; et en révélant l’assassinat en Espagne de 17 femmes cet été, dont 8 mineures, et de 59 femmes en 2014. Pour elle, bien qu’il s’agisse là « d’un terrorisme machiste », il existe en Europe du terrorisme « de premier degré et de deuxième degré », et les femmes entrent dans cette seconde catégorie. Or, « la Troïka n’applique aucune menace en cas de violences de ce genre ».
« L’Union européenne, reconnue dans le monde, devrait continuer à être reconnue comme étant le plus grand espace de citoyenneté, de garantie des valeurs fondamentales qui sont les nôtres ».
Pour la commission des pétitions, représentée par Soledad Cabezon Ruiz (Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, S&D), l’Union européenne a le devoir de :
– Continuer à garantir l’application de la législation européenne,
– Garantir la bonne application de ses valeurs dans chacun des Etats membres.
« Tous les citoyens européens, tous ceux qui vivent en Europe ont le droit de voir leurs droits fondamentaux défendus ».
Pour Elissavet Vozemberg (Groupe du Parti populaire européen, PPE), peu importe le parti politique, tout le monde est d’accord là-dessus. Certes, les points de vue divergent nécessairement mais au fond, l’ensemble des partis politiques du Parlement européen poursuivent le même objectif.
Soulignant l’accord qui semblerait exister entre les différents partis sur le fait de « reconnaître que les institutions européennes [devraient] mettre en place un régime, un système européen global qui incite les Etats membres à s’appuyer sur les normes internationales et garantir une véritable égalité de traitement pour les minorités linguistiques ou ethniques », Csaba Sógor (PPE), incite à s’attaquer à « tous les obstacles, les obstacles administratifs qui freinent la diversité ».
Concernant les nouveaux mécanismes proposés par le rapport Ferrara, là encore les points de vue divergent. Si certains les estiment nécessaires, d’autres jugent que les mécanismes dont l’Union dispose actuellement sont parfaitement adéquats et suffisants (par ex, Elissavet Vozemberg).
Péter Niedermüller (S&D) considère « insuffisants » les instruments et les mécanismes existants et demande « la mise en place d’un nouveau mécanisme qui se déclencherait automatiquement en cas de violation des droits et des valeurs fondamentales pour éviter que ne se matérialisent ces violations systématiques dans les Etats membres ».
« Nos valeurs fondamentales européennes sont violées devant nous, sous nos yeux ». Pour l’eurodéputé hongrois, les partis démocratiques doivent protéger ces valeurs. A défaut, « cela [pourrait avoir] des conséquences graves » sur les efforts réalisés et la construction européenne.
Dans le même sens, Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D), « un véritable mécanisme de préservation des droits fondamentaux » serait nécessaire, « avec une surveillance continue de la situation de ces droits fondamentaux dans chaque pays et avec des rapports spécifiques par pays qui seraient publiés régulièrement ».
De même, alors que certains prônent une action préventive en matière de protection des droits fondamentaux, d’autres considèrent la voie répressive comme un remède davantage efficace aux violations des droits de l’homme par les Etats membres. Pour M. Timmermans par exemple, « à chaque fois qu’il y a une violation, il faut qu’une action immédiate s’ensuive ».
« Nous devons protéger et renforcer tout ce qui peut être fait pour lutter contre le terrorisme et la criminalité en Europe ».
La protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne doit avant tout passer par le respect de ses propres valeurs. C’est en garantissant et en assurant, d’abord en son sein, une protection efficace des droits fondamentaux qu’elle reconnaît que l’Union européenne sera ensuite mieux à même de se positionner en tant que « référence » pour le reste du monde. Or, il existe encore de nombreuses discriminations qui ont lieu tous les jours sur le sol de l’Union européenne. Les minorités, les Roms, les femmes, les personnes qui cherchent et demandent l’asile sont les premières visées par ces violations.
« L’UE s’est basée sur le respect de la dignité, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité et du respect des droits humains. Ces valeurs découlent des traditions constitutionnelles communes à tous les Etats membres ».
Péter Niedermüller insiste : « préserver ces valeurs est d’une importance cruciale pour le bon fonctionnement de l’Union européenne car elles garantissent que les Etats membres respectent leurs obligations juridiques internationales. C’est à la source de la confiance qu’ils ont entre eux les uns par rapport aux autres et dans les institutions européennes ».
Pour Louis Michel (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, ADLE), ce sont les interprétations différentes de ces droits qui sont en cause. Une interprétation uniformisée permettrait une mise en œuvre uniformisée de ces droits. Or, actuellement, les droits fondamentaux ne sont pas appliqués de la même manière au sein de tous les Etats membres de l’Union. La mauvaise foi des Etats membres, ou plutôt des autorités en place, en est le plus souvent la cause. En effet, il est parfois plus confortable pour les autorités en place d’appliquer les droits fondamentaux d’une manière qui leur est favorable et qui correspond à leur législation, plutôt que d’avoir à modifier ce qui est d’ores et déjà mis en place…
« L’homme est universel. Il est partout le même avec ses souffrances, avec ses joies, avec son génie, avec son talent »
Lorsqu’on lui demande s’il est « en faveur d’une mesure aussi radicale que l’ouverture totale des frontières aux migrants » (Kazimierz Michal Ujazdowski, Groupe des Conservateurs et Réformistes européens, CRE, « carton bleu »), M. Michel répond que c’est là le syndrome de la « désinformation ».
Le migrant économique ne doit pas être confondu avec les réfugiés humanitaires « qui sont des demandeurs d’asile qui quittent leur pays parce qu’ils veulent fuir la violence, la peur, la tyrannie, le despotisme ». Pour lui, la solution est simple et toute trouvée : si le migrant ne répond pas aux lois européennes ou à celles établies par les Etats membres, alors il ne peut pas rester sur le territoire de l’Union.
Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL) va plus loin en affirmant que « l’Union européenne vit une crise de valeurs ».
« Que sont les valeurs dites universelles si celles-ci sont appliquées avec des géométries variables selon les Etats et les catégories de population ? »
A l’instar de ses prédécesseurs au débat, Mme Vergiat relève que l’Union et ses Etats membres accusent un certain recul sur l’existence de sanctions ou d’outils qui permettraient de régler les problèmes de violations des droits fondamentaux. Par un discours percutant, l’eurodéputée attire l’attention sur les nombreuses atteintes aux libertés publiques sur le motif de la sécurité avec par exemple « les fichages généralisés de pans entiers de la population » ou l’utilisation de « bouc-émissaires, migrants et arabo-musulmans notamment ».
« On surf sur les peurs pour faire adopter des législations de plus en plus régressives pendant que les inégalités sociales et la pauvreté prennent des proportions dramatiques. Alors oui, le respect de l’autre, quelles que soient ses différences et ses choix socioculturels (…), le vivre ensemble sont des fondamentaux sans lesquels rien n’est possible ».
« Une autre Europe est possible, surtout en matière de droits pour les réfugiés » ajoute Ulrike Lunacek (Groupe des Verts/Alliance libre européenne, ALE). « Ce continent doit être un continent qui tend la main aux réfugiés notamment s’ils viennent de zones marquées par la guerre comme la Syrie. On n’a pas ici à les expulser ou à revoir leurs droits à la baisse ».
« La Commission et le Parlement européen, ensemble, pourront faire bouger le Conseil ». Pour Mme Lunacek, comme pour beaucoup d’autres de ses collègues, la directive relative à l’égalité de traitement constitue l’une des priorités « les plus prioritaires » du moment. Celle qui aurait dû être adoptée depuis longtemps est toujours sur la table. Et pourtant, elle est à la base de ce qui pourrait constituer des solutions aux nombreuses violations des droits fondamentaux que l’on peut aujourd’hui constater, comme la xénophobie, les haines à l’encontre des sexes, des races etc. Des solutions toutes trouvées donc pour Ulrike Lunacek qui considère que s’agissant des réfugiés fuyant la misère, il conviendrait de faire « quelque chose pour que les gens n’aient plus à partir ». Concernant ceux qui fuient les catastrophes naturelles « que nous avons provoqué avec d’autres », il faudrait selon l’eurodéputée s’interroger sur la question de savoir si ces gens n’ont pas, de fait, un « droit à venir chez nous, ne serait-ce que pour survivre ? ».
« Il est pour moi inacceptable d’apprendre que le secrétaire d’état hongrois a dit à la radio autrichienne que les musulmans n’étaient pas les bienvenus en Hongrie parce que la Hongrie n’avait pas l’habitude de ces gens là. Est-ce que vous diriez la même chose pour les femmes, qu’on n’accepte pas les femmes dans les Conseils d’administration parce que les hommes ne sont pas habitués à cela. Ce genre de réaction ne devrait pas exister dans notre Europe ».
Partageant l’« idée d’une surveillance approfondie pour la situation de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits fondamentaux dans tous les Etats membres », Caterina Chinnici (S&D) considère que l’Union européenne se situe dans une « phase historique » au cours de laquelle elle doit « faire face à une crise humanitaire sans précédent ». Pour l’eurodéputée et magistrate italienne, les principes fondamentaux de l’Union inscrits dans la Charte des droits fondamentaux « nous imposent de garantir un traitement et un accueil digne pour tous les migrants, indépendamment de leur statut de réfugié, demandeur d’asile ou d’exilé et ils attirent notre attention vis-à-vis des personnes les plus vulnérables, [les enfants, en référence au petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque] ».
L’eurodéputée portugaise Ana Gomes (S&D) incite l’Union européenne à assumer sa responsabilité dans la crise migratoire, une crise qu’elle considère comme« européenne » en raison du fait que « par action ou omission mais aussi en raison de certaines idéologies néolibérales, anti européennes ; en fin de compte, nous finissons par contribuer à ce que des personnes s’exilent de leur pays ». Or, « dans cette crise, ce sont les valeurs européennes, européistes qui font défaut ». Pour Peter Van Dalen (CRE), « une action européenne conjointe » est nécessaire mais ne pourra cependant exister si elle ne s’accompagne pas dans le même temps d’« un ensemble général de mesures avec des ports sûrs, avec des camps bien équipés, des accords sur des pays sûrs et le retour vers ces pays sûrs, et finalement la lutte – dure – contre les trafiquants ».
Gerard Batten (EFD) remet ensuite sur la table l’indépendance anglaise quant aux questions européennes, préférant réaffirmer l’attachement du Royaume-Uni aux droits fondamentaux qui sont les siens et qui sont protégés et garantis par ses propres instruments (Magna Carta, Habea Corpus, Common law, Bill of Rights). Pour lui, l’Union européenne, par la création de son propre système de droit pénal, est la première fautive en matière de violation des droits fondamentaux. De fait, « les droits fondamentaux des britanniques sont remis en question (…) par le droit européen » alors que le système existe au Royaume-Uni depuis des siècles. L’eurodéputé dénonce le mandat d’arrêt européen, par lequel un citoyen britannique peut être arrêté sur le fondement de « vagues accusations », « sans preuve tangible » et sans que les tribunaux britanniques ne puissent empêcher cela. Pour M. Batten, cela constitue une violation du Bill of Righs et « si les britanniques veulent protéger leurs propres droits fondamentaux, ils doivent quitter l’Union européenne ».
Une vision, toutefois respectable, qui se heurte néanmoins à l’idéologie européenne qui réside dans l’existence d’une volonté commune d’avancer ensemble, de se soutenir les uns les autres en cas de difficulté, de promouvoir des valeurs et des droits, de les garantir par tous les moyens, d’abord en interne, au niveau des Etats membres, comme l’exige le principe de subsidiarité, et si la solution peut s’avérer meilleure ou simplement plus efficace, au niveau européen. L’on peut alors s’interroger sur l’échelon auquel doit se faire cette protection ? Chaque Etat membre doit-il assurer sa propre protection de ses propres droits fondamentaux ? Ou bien l’Union européenne doit-elle avoir un mécanisme permettant de garantir ces droits et valeurs à un échelon plus élevé, de manière à assurer une protection uniformisée des droits fondamentaux qu’elle garantie ?
Pour Cecilia Wikström (ADLE), lorsque les droits et les libertés des citoyens européens sont menacés, y compris au sein même des Etats membres, « les institutions européennes devraient pouvoir intervenir ». Arguant de la « crédibilité » de l’Union, Mme Wikström plaide pour l’instauration d’un « contrôle permanent qui s’appliquerait à tous ». Car en effet, Kati Piri (S&D) s’interroge : « comment pouvons-nous faire de la politique vers l’extérieur si notre propre maison n’est pas en ordre ? » ; est-ce « qu’au sein de l’Union européenne, nous partageons les mêmes valeurs ? »
Tout semble mélangé, mal compris par les citoyens. Vicky Maeijer (Groupe Europe des Nations et des Libertés, ENF) illustre d’ailleurs parfaitement cela en disant que « l’Union européen ne protège pas les droits fondamentaux des citoyens européens et sûrement pas ceux des milliers de migrants illégaux qu’on laisse entrer avec des terroristes (…) sous le manteau de la solidarité ». Derrière les prétextes de la solidarité ou de la sécurité, entre autres, se cachent en réalité de nombreuses discriminations et violations de droits fondamentaux(….) pour elle « on laisse s’islamiser le continent », la migration semble en effet mal comprise… Le problème, estime Kazimierz Michał Ujazdowski, CRE, c’est de parler d’islamisme alors que le problème n’est pas l’islam en lui-même mais « l’islamisme radical ».
Selon Mme Maeijer, la faute revient à l’élite européenne qui crée une « sorte de contre-pouvoir qui limite nos droits et nos normes ». A l’instar de son collègue Gerard Batten, Vicky Maeijer considère que l’Union européenne n’est pas utile pour protéger les droits fondamentaux des citoyens européens, mais qu’au contraire, elle représente plutôt « un véritable danger ».
Invoquant « le droit du cœur » comme « un droit de l’homme », Krisztina Morvai (Non-Inscrits) va plus loin : « nous souhaitons pouvoir vivre comme nous le souhaitons : comme des hongrois, en Hongrie ».
Nationalisme versus Européanisme ? Ce débat du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne aura révélé certaines positions … Et là, Monica Macovei (PPE) s’interroge : que faisons-nous, « nous en tant qu’êtres humains (…) pour protéger nos droits fondamentaux ? ». Mettant en cause le « manque de réaction dans de nombreux pays européens face à la violation des droits », Mme Macovei revendique la liberté d’expression, le travail des journalistes, le droit d’être informé, de contrôler ce que fait le gouvernement et au besoin, de s’y opposer. « Il est très facile de démettre un gouvernement simplement en descendant dans la rue ».
« Comme l’Union ne va pas parfaitement bien, même chose pour les droits fondamentaux ». Josef Weidenholzer (S&D) résume la situation en évoquant la coïncidence consistant à traiter au cours d’une même session de l’état de l’Union en même tant que la situation des droits fondamentaux. La surveillance de masse et ses répercussions sur les libertés individuelles sont à nouveau mises en cause. Elles ne sont pas les seules cependant. M. Weidenholzer évoque en outre la crise économique qui continue d’avoir des conséquences néfastes sur les droits de l’homme… Pour l’eurodéputé socialiste, « la faiblesse [est] due au fait que nous n’avons pas de bons instruments pour appliquer ces droits de l’homme ». L’Union devrait instituer un mécanisme qui exécute et mette en œuvre les droits fondamentaux, qui, « indépendamment de la politique au quotidien, mette le doigt sur là où ces droits sont violés ».
Revenant sur la question des migrants, Beatrix Von Storch (CRE) propose de venir en aide à ces « centaines de milliers de personnes » en transformant le Parlement européen en « grand centre d’asile » : « ici, on a tous une salle de bain, on a un lit, il y a une grande cantine, il y a également beaucoup de lieux, de salles qu’on pourrait utiliser pour pouvoir enseigner. Nous avons beaucoup d’infrastructures, nous avons aussi la possibilité d’économiser beaucoup d’argent en cessant les allers-retours vers Strasbourg (…). Ce serait bien mieux que de parler, nous pourrions enfin agir ». Une idée à laquelle James Carver (EFD) a semblé adhérer, indiquant que ces allers-retours constituaient « des sommes folles, un gâchis ». Prônant une action rapide et concrète, Beatrix Von Storch démontre qu’une utilisation « intelligente » du bâtiment européen « ne prendrait pas beaucoup de temps, les pièces sont là, les gens pourraient s’installer immédiatement, sans délai ».
Poursuivant en ce sens, Martina Anderson (GUE/NGL) évoque une « crise des réfugiés qui n’en finit plus » et la nécessité d’avoir une « approche pleine d’humanité », alors que « l’Europe forteresse est déshumanisante ». Mettre fin au Règlement de Dublin et « encourager les Etats membres à prendre des mesures progressives et humaines face à cette crise humanitaire urgente » contribueraient à une telle approche. Pour Kristina Winberg (EFD), la solution pourrait résider dans « l’institution de nouvelles voies qui permettraient à ces migrants de se rendre sur le territoire de l’Union européenne sans entrave », une solution qui selon elle « n’est pas tenable », eu égard la réaction européenne face à l’arrivée massive de migrants. David Coburn (EFD), tout comme Kristina Winberg, estime qu’il serait plus judicieux que des pays tels que l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe, « qui ont la même langue, (…) la même culture, (…) le même mode de vie », ouvrent eux-mêmes leurs frontières. Et Mme Winberg de déclarer que « chacun doit pouvoir assumer ses responsabilités ».
Certes, mais que se passe-t-il lorsque les uns et les autres se renvoient la balle de la responsabilité ? Pour certains, l’Union européenne est responsable parce qu’elle a les moyens d’accueillir ces personnes si elle le souhaite réellement, pour d’autres ce sont les Etats d’origine qui sont responsables, en ce sens que leurs actions/inactions incitent leurs nationaux à partir pour d’autres contrées, en abandonnant parfois toute une vie derrière eux.
Le discours qu’a entre autres tenu Mme Winberg ce 7 septembre semble relativement étonnant face à certaines interventions comme celle de Janusz Korwin-Mikke (Non-Inscrits) pour qui « le droit le plus fondamental des êtres humains, c’est d’être traités comme des êtres humains et pas comme du bétail ».
Rappelant le traitement des juifs dans les années 40, M. Korwin-Mikke estime que les réfugiés sont ici « traités comme du bétail ». Son opinion, qui va certes très loin (« le socialisme tue, souvenez-vous-en »), ouvre néanmoins le débat sur le traitement actuel des réfugiés et la façon des politiques et de « l’élite européenne » d’avoir des discours incessants et de se renvoyer les questions de responsabilités.
Tout le monde est responsable de ce que l’on appelle « la crise migratoire » ou encore « la crise des réfugiés », mais au final personne n’est réellement responsable.
Il serait peut être bon de rappeler qu’il s’agit de milliers de personnes dont le sort est décidé chaque jour par des politiques qui manquent d’uniformisation, et dont les droits fondamentaux sont, à défaut d’être respectés comme ils le devraient sur le sol européenne, continuellement violés.
Julia Reda (Verts/ALE) relève que le rapport Ferrara « met l’accent sur les différences qu’il y a entre les promesses que font les législations et la réalité ». Outre le fait que la vie privée devrait être respectée (ce que ne permet pas la surveillance généralisée, réalisée au nom de la sécurité publique), Julia Reda estime que les citoyens européens devraient pouvoir « se prononcer contre l’injustice, participer au processus politique », des droits qu’elle considère vitaux pour la démocratie.
Lorenzo Fontana (ENF) pointe l’hypocrisie du Parlement et des institutions européennes qui souhaitent protéger les droits fondamentaux des minorités alors qu’elles ne sont, selon lui, pas capables de les garantir aux « citoyens qui veulent vivre en toute tranquillité sur leur territoire ». L’on en revient à la nécessité pour l’Union de régler la problématique des droits fondamentaux d’abord en son sein, avant même de songer à agir sur le plan extérieur.
« L’Union européenne s’est penchée sur les droits fondamentaux sans les respecter ».
Or, la question des responsabilités intervient nécessairement. Rappelant le cas du Président Obama, à qui le prix Nobel a été accordé, Lorenzo Fontana explique pourtant qu’ « il est quand même un peu responsable de ce qu’il s’est passé en Syrie ».
Et c’est la même chose pour la situation avec l’Arabie Saoudite ; le fait que ce pays soit loin d’être le meilleur en termes de garantie des droits fondamentaux n’empêche pas l’Union de faire affaire avec lui. N’est-ce pas là le symbole même de l’hypocrisie de l’Union européenne ?
Pour Helga Stevens (CRE), le rapport Ferrara évoque beaucoup de choses, mais le manque de temps empêche d’entrer dans les détails. Selon l’eurodéputée belge, les personnes porteuses de handicap devraient bénéficier d’une égalité de traitement, en ce sens qu’elles devraient pouvoir accéder de manière égale aux différends fonds, aux différents projets de l’UE. Se voulant plus concrète que nombre de ses collègues, Mme Stevens évoque notamment des « mesures [permettant] de couvrir les coûts, la participation de personnes muettes à des ateliers, mais également un soutien personnel pour des aveugles ou des personnes à mobilité réduite ». Helga Stevens est elle-même sourde et muette.
Le non-respect par la Norvège du droit de l’enfant à avoir deux parents biologiques est ensuite évoqué par Tomáš Zdechovský (PPE) ; de même que la question des droits des hommes, notamment s’agissant du harcèlement, et des droits des victimes de crimes et de délits. Josu Juaristi Abaunz (GUE/NGL), met l’accent sur le fait que « les droits civils et politiques, individuels et collectifs, ne sont pas respectés dans toute l’Union européenne ». Pour Ruža Tomašić (CRE), la responsabilité de ces violations revient à « certaines autorités en Europe [qui] font en sorte que les droits humains de certaines personnes soient systématiquement violés ». Ainsi, Milan Zver (PPE) et Patricija Šulin (PPE) pointe du doigt la Slovénie qui « malheureusement est devenue le champion européen dans la violation des droits de l’homme ». Milan Zver appuie d’ailleurs son propos par des chiffres explicites selon lesquels il y aurait 148 violations de droits de l’homme par million de personnes en Slovénie, alors qu’en Allemagne, ce chiffre n’atteint « que » 2 violations par million. Patricija Šulin poursuit en affirmant que « les droits fondamentaux sont également violés par certaines Cours des Etats membres. La Cour de justice européenne a montré que la Slovénie [était] n°1 s’agissant des violations par habitant ».
Ouvrant davantage le débat, Udo Voigt (Non-inscrits) s’étonne que ce rapport ne traite pas de « la discrimination par suite de poursuites politiques dans les pays de l’Union européenne, notamment en Autriche, en Grèce et en République fédérale d’Allemagne ». Arguant des interdictions de rassemblement, des interdictions de siéger dans les hôtels, ou encore du fait que chaque année, « 12 000 procédures [soient] entamées contre des patriotes », l’eurodéputé allemand accuse Frans Timmermans de ne pas être impartial. Un eurodéputé pour qui « les droits fondamentaux sont indivisibles et [dont] tout le monde doit [pouvoir] bénéficier ».
Abordant une approche « différente » de celle de ses collègues, Maite Pagazaurtundùa Ruiz (ADLE), relève le poids du rapport de Laura Ferrara, au sens propre du terme ; un rapport de 30 grammes. « 30 grammes [qui] nous définissent, nous obligent à agir face à ceux qui sont victimes des agressions, de la haine, de persécutions, des victimes d’abus de tous types et aussi (…) des réfugiés qui fuient la guerre ». Pour l’eurodéputée espagnole, « ces 30 grammes, c’est beaucoup ou c’est peu, parce qu’ils constituent toutes les valeurs de l’Union européenne ».
Laura Agea (EFD) arrive alors avec un discours volontariste, déclarant « les droits fondamentaux, il faut les exiger. Nous sommes en mesure de pouvoir le faire. Nous sommes responsables. Nous devons exiger le respect des droits pour ceux qui n’ont pas voix au chapitre pour les demander car c’est ce qui nous incombe à nous, 751 députés de ce Parlement, c’est à nous de le faire ». Incitant ses collègues à « faire preuve de courage », elle considère qu’il y a là une opportunité, celle de « donner une occasion de vie à ceux qui n’ont pas l’occasion de le faire ».
« Les droits fondamentaux devraient nous unir et pas nous diviser » poursuit Carlos Coelho (PPE), « chacun d’entre nous devrait travailler tous les jours pour défendre ces droits, pour promouvoir le respect de ces droits sur tout le continent européen ». Reprochant au Parlement européen d’ « utiliser les droits fondamentaux comme une arme politique », l’eurodéputé portugais invite à « considérer les droits fondamentaux comme un élément de l’intégration de l’Union européenne, un élément unificateur ».
« La démocratie qui ne repose pas sur les droits de l’homme n’est pas une démocratie » enchaîne Soraya Post (S&D).
Therese Comodini Cachia (PPE) accuse le « manque de fibre morale et de prise de responsabilité politique évident ». Pour l’eurodéputée maltaise, « les citoyens européens attendent des institutions de l’UE qu’elles les protègent mais en lieu et place de cela, les EM de l’Union, les chefs de file, les chefs d’Etats et de gouvernements suivent une ligne qui va à l’encontre des principes de la redevabilité, de la transparence, de la justice et de la solidarité ».
Face au rapport réalisé par Laura Ferrara, le Groupe du parti populaire européen a, au cours du débat, souhaité faire entendre que ledit rapport n’était pas aussi complet que leur propre proposition de « résolution alternative », qu’il estime plus complète et plus avenante. Pour Louis Michel, c’est « une véritable gifle » à ce qui est défendu au sein du Parlement, puisque ladite résolution n’aborde ni la question des sans-abris, ni celle d’une « condamnation des programmes de détention et de torture de la CIA sur le territoire européen ». Pour Kateřina Konečná (GUE/NGL), en revanche, il comblerait les lacunes du rapport Ferrara, qui n’évoque pas selon elle « la montée de l’esclavage moderne dans l’Union européenne ». L’eurodéputée Tchèque a ainsi déploré le fait que 3 000 vietnamiens soient encore à l’heure actuelle au Royaume-Uni « forcés de travailler pour des fabricants de drogues ».
Le débat touchant à sa fin, Fabio Massimo Castaldo (EFD), a invité le Parlement à envoyer un message clair :
« Toute forme d’intolérance, involontaire ou volontaire, tout aveuglement, toute indifférence est intolérable ».
« Les véritables valeurs européennes sont celles que l’on ne peut déposer sur un compte courant parce qu’elles n’ont pas de prix ».
Représentant la Commission européenne, Frans Timmermans a entendu réagir sur deux points en particulier.
Elle constitue selon lui « la base sur laquelle repose les droits fondamentaux ». Citant Socrate qui disait « si vous acceptez la primauté du droit, vous ne pouvez pas sélectionner les lois qui s’appliquent à vous et celles qui ne s’appliquent pas », Frans Timmermans poursuit en affirmant que « le droit, la primauté du droit s’applique à tous les citoyens en Europe, quelque soit leur nationalité ou leur statut » dès lors qu’ils vivent dans un pays de l’Union.
Reprenant la « brillante idée » de Winston Churchill, M. Timmermans invite à instituer une « organisation des droits fondamentaux de la primauté du droit qui aille au-delà des Etats membres, qui pourrait être organisée au niveau européen, et ensuite imposer ses décisions aux Etats membres s’ils ne respectent pas les principes inscrits dans l’Etat de droit ».
« Les Etats membres ont accepté d’être ligotés au mât de leur navire pour éviter de commettre des erreurs et si nous devions commettre des erreurs, nos pairs nous retiendront et nous remettront sur le droit chemin ». Et le Vice-président de la Commission d’adresser au Parlement un fameux : « Peut-être devriez-vous lire un peu plus au lieu de crier et vous comprendrez que c’était là une très sage décision ».
« Toute nation qui a confiance en elle acceptera que ses pairs vérifient son respect des droits de l’homme et de la primauté du droit. Si nous avons confiance en nous-mêmes, nous n’avons rien à craindre ».
Le Vice-président de la Commission se fait un devoir de rappeler que « par nature, l’Europe est une communauté diverse ; un continent diversifié ». Arguant du fait que « tout au long de notre histoire, nous avons été forts lorsque nous avons célébré notre diversité », Frans Timmermans poursuit : « Nous sommes forts lorsque nous accueillons des minorités, nous sommes forts lorsque nous ouvrons la porte à ceux qui cherchent protection parce qu’ils fuient la persécution et la guerre et nous sommes faibles lorsque nous essayons de nous agripper à notre propre culture, lorsque nous percevons celui qui vient d’ailleurs comme une menace à notre culture, lorsque nous pensons que 500 millions d’entre nous seront submergés par quelques milliers. C’est un signe de faiblesse et de manque de confiance en soi. C’est le signe que l’on n’a pas confiance en notre culture et histoire européenne ».
Et Laura Ferrara, Rapporteure en charge du dossier, de conclure : « Les positions sont très diverses mais je pense qu’une chose a émergé clairement pour tous les députés, au-delà des couleurs politiques, les droits fondamentaux revêtent une grande importance, c’est évident ».
Un débat animé donc, qui fit ressortit les couleurs politiques, les voix et opinions de chacun. Ce débat du 7 septembre précédait le vote qui a eu lieu le lendemain, au cours duquel le rapport Ferrara fut adopté, par 369 voix pour, 291 voix contre et 58 abstentions.
Il ressort de cet important débat que l’Union, ses Etats membres et ses institutions auront prochainement à cœur de se pencher sur « le dilemme de Copenhague » qui permet de vérifier qu’un Etat souhaitant adhérer à l’Union respecte effectivement les critères posés par l’article 2 du traité sur l’Union européenne (droits fondamentaux, Etat de droit etc.) mais qui reste silencieux quant à leur respect une fois cette adhésion réalisée. Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D) l’a d’ailleurs dit clairement. Des « exigences très élevées » sont posées s’agissant de l’adhésion d’un Etat à l’Union : « aucun Etat ne peut devenir membre si en termes de démocratie, d’Etat de droit et de préservation des droits fondamentaux, ça n’est pas reconnu, et tant que ces valeurs ne sont pas mises en œuvre ». Or, l’eurodéputée a tout de même jugé bon d’ajouter : l’Union « est une communauté de valeurs », ce qui implique de s’assurer de la « préservation de ces valeurs », y compris une fois cette adhésion réalisée. La surveillance de la bonne application des droits fondamentaux « a posteriori » permettrait, le rapport Ferrara l’a démontré, d’assurer une meilleure garantie de ces droits au sein de l’Union européenne.
Les eurodéputés ont de fait trouvé un accord sur l’instauration d’un nouveau mécanisme de surveillance et de contrôle qui dissuade les Etats membres de violer, de manière directe ou indirecte (notamment lorsqu’ils ferment les yeux sur les violations qui peuvent avoir lieu sur leur territoire) ces droits fondamentaux. La résolution parlementaire adoptée le 8 septembre dispose ainsi que tous les Etats membres devront « faire l’objet d’une évaluation continue afin de vérifier s’ils défendent toujours les valeurs fondamentales de l’Union européenne que sont le respect des droits fondamentaux, des institutions démocratiques et de l’état de droit ». En outre, la résolution établit clairement la nécessité « de mettre en œuvre un mécanisme correctif graduel afin de combler le vide entre le dialogue politique et l’option radicale de l’article 7 du traité UE et d’apporter une réponse au « dilemme de Copenhague » dans le cadre des traités en vigueur ».
Les droits des migrants et des réfugiés figure dans la ligne de mire du Parlement. Ils constituent l’une de ses priorités, sinon LA priorité, la plus urgente. Les nombreux autres droits fondamentaux ne sont cependant pas en reste. Les libertés d’expression, d’opinion, la lutte contre les discriminations, les droits des minorités et des personnes vulnérables, la démocratie, l’Etat de droit, entres autres, restent les fondements sans lesquels l’Union n’existerait pas et méritent, à ce titre, une protection réelle et efficace.
Pour en savoir plus :
– Débat du Parlement européen du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne
http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20150907&detailBy=date
– Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) (2014/2254(INI))(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR
– Eu-logos, 16 avril 2015, « la situation des droits de l’homme dans l’Union européenne (2013-2014) : le rapport Ferrara présenté à la commission des libertés publiques du Parlement européen (30-31 mars 2015).