(B2) L’association Eurodéfense – France a publié, sous la signature de plusieurs anciens hauts responsables militaires, à la mi-juin, un appel à rédiger un « Livre Blanc de la Défense » en donnant des pistes sur le contenu de ce document comme les perspectives d’exploitation. Cet appel mérite d’être relayé alors que s’engage un débat qui devrait aboutir en juin prochain sur une nouvelle Stratégie européenne de sécurité (juin 2016).
« Les récentes évolutions du contexte de sécurité mondial fragilisent dangereusement le système de défense actuel des pays européens. L’augmentation des conflits et des menaces aux frontières de l’Europe, conjuguée à une baisse régulière et risquée des budgets de défense des pays européens depuis plus de 20 ans et à un désengagement inéluctable des Etats-Unis, en est principalement responsable. Cette situation incertaine incite à une mutualisation des forces et des capacités au sein de l’Union Européenne, mais force est de constater que la volonté politique des Etats a fait défaut jusqu’ici. (…)
La réalisation d’un Livre Blanc européen pour la sécurité et la défense marquerait une prise de conscience des insuffisances et des lacunes du dispositif de défense actuel de l’Europe. A l’abri de la puissance américaine dans l’Otan, les capacités d’action militaires individuelles de la plupart des Etats européens sont devenues marginales. Quant à leurs capacités d’action commune dans l’UE, celles-ci demeurent ridiculement faibles en regard de l’enjeu économique et patrimonial que représente l’Europe, conséquence notoire du déclin relatif de ses nations et de dépenses de défense insuffisantes, engagées de façon non coordonnée. Pourtant les Etats européens doivent faire face à des menaces et des risques largement communs, même si leurs priorités peuvent différer. Le retrait américain les met pourtant dans l’obligation de reprendre la responsabilité de leur défense, ce qu’ils ne peuvent assumer qu’en analysant ensemble leurs besoins et en mutualisant leurs efforts. C’est en jouant de l’addition de leurs capacités et de leurs complémentarités qu’ils pourront atteindre la masse critique nécessaire, devenue un critère central de la puissance dans un monde globalisé.
Un certain nombre d’obstacles doivent cependant être surmontés pour y parvenir. L’absence d’une véritable Politique étrangère commune vient au premier rang mais pourrait être partiellement comblée par un approfondissement des convergences entre Etats, dossier par dossier, dans le cadre d’une nouvelle analyse stratégique au niveau européen (d’ailleurs envisagée par la nouvelle Haute Représentante). Il faudra ensuite vaincre les réticences et les craintes des responsables nationaux, inquiets de devoir modifier leurs priorités pour ne pas étaler leurs divergences, de se trouver contraints par des positions agréées au niveau européen et de devoir justifier des options qui pourraient être vues par leurs concitoyens comme des abandons de souveraineté. L’hétérogénéité des cultures politiques et militaires des Etats européens et de leur conception de la puissance ne doit pas être sous-estimée, mais pourrait toutefois se réduire dans une analyse considérant l’UE comme une entité globale dont chaque Etat serait partie. Une telle analyse réveillerait sans doute le débat sur l’objectif recherché par la construction européenne et ses limites, mais aurait l’intérêt de clarifier la vision de nos concitoyens, notamment face aux fausses alternatives nationalistes. Quant à l’argument d’un affaiblissement de l’Otan résultant du renforcement des capacités européennes, celui-ci paraît totalement spécieux au moment où notre partenaire américain réclame un rééquilibrage du partage du fardeau de la sécurité européenne.
Des opportunités pour agir ?
En contrepoint, le nouveau paysage des menaces et des risques tout autour de l’UE et notamment dans son voisinage, offre des opportunités à saisir en faveur d’une approche européenne de la défense.
La prise en compte de ces risques de façon globale dans leur diversité et en fonction de leur dangerosité à l’échelle européenne permettrait de fixer des priorités, de mieux répartir les efforts entre les Etats, de jouer sur leurs complémentarités et donc d’améliorer le rapport coût/efficacité de la défense européenne. Le problème actuel des flux migratoires incontrôlés en Méditerranée donne une bonne illustration de ce besoin d’apporter des solutions au niveau européen.
Une telle approche favoriserait aussi la définition d’un meilleur partage des rôles entre Européens et Américains dans la défense de l’Europe mais aussi pour la défense de nos valeurs et la protection de nos intérêts communs au niveau mondial.
Elle permettrait d’identifier les capacités stratégiques que les Etats européens ne pourront acquérir individuellement dans l’avenir, mais indispensables à leur indépendance et leur liberté d’action (moyens spatiaux, transport stratégique, systèmes d’armes majeurs du futur…)
Quel contenu ?
Un Livre blanc européen devrait exprimer la volonté politique des Etats de l’UE, en accord avec leurs opinions publiques, de penser et d’organiser leur défense au niveau européen, sans que cela débouche obligatoirement sur un système de défense européen totalement intégré, (armée européenne).
Il devrait traiter en particulier de:
Avec des besoins, des ambitions et des capacités réévalués au niveau européen, il devrait montrer comment l’UE se prépare à prendre en compte le désengagement partiel des Etats-Unis et à redéfinir un partenariat transatlantique adapté aux réalités du 21ème siècle.
Les besoins capacitaires devraient être exprimés par finalité : anticipation, prévention, protection, intervention, dissuasion, en référence à l’autonomie stratégique recherchée.
Ouvrage court et pédagogique, il devrait être complété par des stratégies de mise en œuvre détaillées dans les domaines de la sécurité intérieure, de la sécurité extérieure, par régions du monde avec des priorités.
Un tel livre blanc devrait servir d’instrument de cohérence et d’optimisation au niveau européen, en étant un cadre de référence pour les livres blancs nationaux. Il ne devrait pas être un document technique, mais avoir une vocation pédagogique, être de portée générale et accessible au grand public.
Elément constitutif de l’approche globale de sa défense par l’UE, il permettrait la définition de stratégies régionales (par ex. Sahel, Corne de l’Afrique) et thématiques (par ex. stratégie de sécurité maritime, de cyberdéfense, énergétique ou le lien entre la PSDC et la politique de voisinage), l’organisation (commandement et contrôle), la réalisation des budgets nécessaires (par ex. PESC et Athéna), le corpus doctrinal, le plan de développement des capacités (CDP), en lien avec la sauvegarde d’une base industrielle et technologique et les engagements opérationnels envisagés. Le Livre blanc européen pourrait également établir le niveau de relation et de coordination souhaitable avec les grandes organisations telles que l’ONU, l’OSCE, l’OTAN ou l’Union africaine
Dans le climat actuel d’euroscepticisme, l’élaboration d’un Livre Blanc Européen pourrait être un exercice à vocation pédagogique salutaire permettant de faire prendre conscience à nos concitoyens, des défis sécuritaires posés aux pays membres de l’UE mais aussi de proposer des solutions possibles au niveau européen. Son but principal serait de clarifier les conditions permettant de renforcer concrètement la sécurité de tous les Etats et de leurs citoyens en développant leurs solidarités.
Général de corps d’armée (2s) Jean-Paul Perruche ; Ingénieur général de l’armement (2s) Patrick Bellouard ; Pierre Lépinoy ; Général de division (2s) Maurice de Langlois ; Béatrice Guillaumin ; Général de brigade(2s) Patrice Mompeyssin.
Télécharger la proposition détaillée d’Eurodéfense (pdf)
La Vigie, lettre d'analyse stratégique publiée par Jean Dufourcq et Olivier Kempf et paraissant tous les deux mercredis, vous propose son numéro double 21 et 22.
Vous trouverez dans ce numéro daté du 23 juillet 2015 un texte intitulé Quelques suites géopolitiques de l'accord avec l'Iran, un autre sur En finir avec les Livres Blancs, une Lorgnette sur Réagir aux crises.Enfin, pour ce numéro double d'été (prochaine parution prévue pour le 19 août), nous vous présentons en Lectures d'été une sélection d'ouvrages qui nous ont marqués cette année et qui pourraient susciter votre attention pour creuser tel ou tel sujet. Si vous êtes déjà abonné à La Vigie, vous pouvez accéder directement au numéro 21-22 en vous rendant sur cette page. N'oubliez pas de vous connecter afin d'y accéder.
Enfin, pour ceux qui n'auraient pas reçu le courriel signalant le numéro 20 (Conséquences géopoitiques d'un Grexit | Place de l'universel en stratégie), en voici les liens :https://www.lettrevigie.com/?p=831
Vous pouvez également lire les billets publiés en livre accès sur le site :
Suites stratégiques de l'accord avec l'Iran
En finir avec les Livres Blancs
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Jean Dufourcq et Olivier Kempf
Arrivée lundi matin dans la base navale de Brest, la frégate égyptienne Tahya Misr a quitté le port du Ponant ce mercredi 22 juillet. Elle arborait d'un bord les pavillons de son indicatif (Sierra-Sierra-Mike-Quebec - SSMQ) et de l'autre ceux de son numéro de coque, le 1001.
La Tahya Misr quittant Brest (© : MICHEL FLOCH)
(B2) L’actualité se réduit. B2 passe en rythme estival. Nous continuerons de suivre les évolutions des principales crises qui ne manquent pas tant au plan intérieur de l’UE (la crise grecque, l’arrivée de réfugiés ou migrants), qu’à ses frontières (Libye, Ukraine, Syrie…) ou un peu plus loin (Burundi, Centrafrique, Mali, Nigeria…), sans compter celles qui n’ont pas éclaté.
Les premiers jours de juillet ont apporté une certaine éclaircie dans le panorama international avec un début d’unité nationale en Libye, un accord conjoint entre les grandes puissances et l’Iran sur le nucléaire, un accord entre opposition et gouvernement en Macédoine (Fyrom), et l’octroi d’une autonomie constitutionnelle aux régions de l’Est de l’Ukraine (condition des accords de Minsk)… Mais tout n’est pas réglé loin de là : le conflit syrien continue de faire son lot de victimes quotidiennes, idem pour la guerre que mène Boko Haram au Nigeria et dans les pays voisins. L’Europe est elle-même assez mal en point : les deux dernières discussions – sur l’accueil des migrants et l’aide à la Grèce – ont montré une Europe chétive, repliée sur elle-même, qui peine à surmonter ses antagonismes et ses rancoeurs. Ce n’est pas très bon…
B2 ne quitte pas tout à fait le bord… nous allons faire une petite série d’été en compagnie d’Hillary, et de différents points de vue sur l’Union européenne….
(Nicolas Gros-Verheyde)