(B2) La situation en Pologne tourne à l’aigre. Et les journalistes qui exercent leur métier sont désormais sommés de se ranger à l’aune du pouvoir. Notre collègue de la télévision privée polonaise (Polsat TV), Dorota Bawołek vient d’en subir l’amère expérience.
Le questionnement sur l’indépendance de la justice polonaise
Tout commence jeudi dernier, lors du point de presse de la Commission européenne, la journaliste de Polsat demande à la Commission une réaction sur la nouvelle législation concernant les juges de la cour suprême en Pologne. Question fort logique. La réponse du porte-parole reste très prudente (1), s’attachant à rappeler la procédure déjà en cours sur l’état de droit. Plusieurs journalistes ont tenté d’obtenir une réponse. Le porte-parole, Alexander Winterstein, n’a pas démordu pas de cette ligne.
http://www.bruxelles2.eu/wp-content/uploads/2017/07/brief-ce-13juil2017-pologne.mp4Plusieurs journalistes ne sont pas satisfaits de la réponse. Ils insistent donc. Dorota Bawołek tente donc une seconde tentative, également, « Vous ne commentez cette nouvelle alors que le Conseil de l’Europe ou le parlement européen [l’ont fait]. Vous semblez plus heureux de commenter sur un pays qui sort de l’UE qu’un pays qui est dans l’UE et qui, peut-être, si vous ne répondez pas, voudra suivre ce chemin ». Un procédé habituel, lors des points de presse dans la Commission, où les journalistes ont le droit de « réplique », et font une question plus « dure » au second passage (2).
http://www.bruxelles2.eu/wp-content/uploads/2017/07/brief-ce-13juil2017-pologne-2.mp4La télévision publique met de l’huile sur le feu
L’affaire aurait pu en rester là. Mais la télévision polonaise publique a décidé de mettre de l’huile sur le feu. Elle a publié un extrait de la question, en qualifiant de «provocations» les questions de notre collègue polonaise de Bawołek, précisant que la Commission n’a « pas succombé à l’appât ». Puis un commentateur, Dominik Zdort, a déclaré que ces questions étaient purement politiques, que Bawołek a tenté de manipuler la Commission et que les normes professionnelles de Polsat étaient devenues « inadmissibles ». Une couverture qui a entraîné plusieurs dizaines de messages sur Twitter qualifiant notre collègue journaliste de « anti-polonaise », « néo-marxiste » et autres avanies de plus bas fond.
Une atteinte à l’essence du journalisme : le droit de poser une question
Ce type d’insultes est assez courante sur twitter où, derrière l’anonymat des réseaux sociaux, des personnes (même bien élevées) se défoulent dans une vulgarité assez notable. Ce qui est plus troublant est l’attitude d’un média, public, qui conteste même l’essence du journalisme. On peut ne pas être d’accord avec un article, un point de vue, on le contredit, on argumente… Mais contester le fait qu’un journaliste fasse son travail et pose des questions sur un sujet d’actualité est pour le moins troublant
Le droit, le devoir d’un journaliste
Le droit d’un journaliste, le devoir même, c’est de poser des questions, plus ou moins pointues, afin d’obtenir une réponse. Chacun a son style. Mais il est d’habitude dans les milieux européens quand on n’obtient pas une réponse au premier coup, d’avoir droit à une deuxième chance. C’est même un droit, respecté (quasi scrupuleusement) pas les instances européennes et qui n’est pas automatiquement pratiqué dans tous les pays européens. En général, on reformule la question ou on adopte un ton délibérément plus dur (2). C’est de « bonne guerre ». Et, en général, les porte-paroles, même s’ils ne crient pas leur joie à cette offensive, l’apprécient car ils leur permettent également d’être plus directs, plus offensifs à leur tour, de venir préciser un point (… ou non). C’est tout simplement l’exercice de la démocratie et le travail de la presse qu’a fait Dorota et qu’a remis en cause la télévision publique polonaise.
Nicolas Gros-Verheyde
vice-président de l’Association des journalistes européens AJE-France
(1) Une habitude prise par la Commission européenne, en cas de question gênante, parfois pour avoir le temps politique de la réflexion.
(2) Pour avoir souvent pratiqué ce genre d’exercices, je peux témoigner que la double question de Dorota était on ne peut plus policée et justifiée. On a connu dans la salle de presse de la Commission des questions beaucoup plus tranchées ou apostrophantes.
Des réactions en chaïne…
Le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, a condamné sur twitter ce procédé : « je condamne fortement les menaces que Dorota Bawolet a reçu juste en faisant son travail. C’est inacceptable ! ».
I strongly condemn the threats @DorotaBawolek received just for doing her job. Unacceptable! Un-EU!
— Frans Timmermans (@TimmermansEU) 17 juillet 2017
L’association de la presse internationale (API) a protesté contre cette attitude de voir des journalistes mis en cause juste parce qu’ils posent une question. « Le droit de poser des questions en salle de presse est quelque chose qui fait partie de notre culture de liberté des médias et a toujours prévalu dans la salle de presse. Nous encourageons tout le monde ici et en dehors à faire usage de ce droit et poser les questions qu’il juge nécessaire » a déclaré Michael Stabenow au nom de l’API. Ce qui a entraîné de larges applaudissements et la remarque de Margaritis Schinas, le porte-parole en chef de la Commission : « C’est une des salles de presses où tous les journalistes accrédités ont le droit plein et entier de passer (toutes) les questions qu’ils souhaitent. La Commission et le service du porte-parole feront en sorte que ce droit soit protégé. »
Aller plus loin : le fil twitter de Dorota Bawolek
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Echoué depuis le 12 juillet sur le récif Durand, en Nouvelle-Calédonie, le porte-conteneurs Kea Trader va voir ses cuves à combustible pompées. Même si aucune pollution n’a jusqu’ici été constatée, les autorités françaises, pour prévenir tout risque, ont mis en demeure l’armateur du navire de faire évacuer les hydrocarbures présents à bord.
(B2) Aux militaires et aux autres qui n’avaient pas tout à fait saisi que leur nouveau chef des Armées, Emmanuel Macron, avait un goût assez prononcé pour la stratégie, les manœuvres tournantes, les tactiques de retraite silencieuse et de contre-attaque brutale, ils viennent d’en avoir un avant-goût. La première bataille budgétaire du quinquennat qui vient de se dérouler, ces jours-ci, s’achève sur un air de blitzkrieg de la communication.
Une séquence bien organisée
La séquence parait très organisée, trop organisée d’ailleurs, pour être totalement improvisée. Le 28 juin, la Cour des comptes lance un rapport qui se veut alarmiste sur les finances de l’État. Il manque neuf milliards d’euros en 2017 par rapport aux objectifs annoncés. La conclusion est claire : il va falloir serrer la ceinture jusqu’à la fin de l’année et racler les fonds de tiroir.
Le temps du serrage de vis
Pour accompagner cette gestuelle, le gouvernement frappe partout, y compris dans la défense. Le 11 juillet, il présente la douloureuse décision. Il s’agit de montrer que les efforts demandés aux uns (social, éducation) est aussi demandé aux autres (affaires étrangères, défense). Le montant demandé aux armées – 850 millions d’euros – parait énorme et contradictoire avec les engagements de campagne du candidat et, surtout, au contexte international et national.
Le temps de l’addiction est terminé
Un acte politique destiné à montrer, en interne, l’inflexion du nouveau président et du nouveau gouvernement sur le redressement des comptes. Le Premier ministre Edouard Philippe l’avait dit, dès le 5 juillet, lors de la déclaration de politique générale : « Il y a une addiction française à la dépense publique. Et comme toute addiction, elle nécessitera de la volonté et du courage pour s’en désintoxiquer ».
Emotion militaire
Naturellement, les militaires s’émeuvent. Le général des armées Pierre De Villiers, chef d’état-major des armées, monte au créneau. Devant la commission de la défense de l’assemblée nationale, le 12 juillet, à huis clos il ne modèle pas son mécontentement. « Je ne vais pas me faire baiser comme ça » s’écrie-t-il selon un témoignage relaté par mon confrère . « Le grand écart entre les objectifs assignés à nos forces et les moyens alloués n’est plus tenable ». Les armées ont déjà trop contribué au redressement des comptes. « On a déjà tout donné » (1).
Un pas en direction de l’Allemagne
Le président Macron et le gouvernement semblent inflexibles aux critiques. Ils n’y répondent qu’à peine. Ce n’est pas l’urgence. L’important est ailleurs. Le 13 juillet, c’est le Conseil des ministres franco-allemand, spécialement convoqué à l’Elysée. Paris doit montrer à Berlin, actes à la clé, que le temps du déficit continuel est terminé. L’intensité, et la brutalité, des coupes démontre à la Chancelière allemande que la France ne se paie pas de mots. Le fait que la défense – point-clé pour le président et pour la sécurité européenne – ne soit pas épargné n’est pas un détail. C’est une garantie, nette, que l’engagement français, est déterminé. Ce qui permet à la Chancelière, à son tour, lors de la réunion au sommet de faire, un pas en direction des Français pour accéder à certaines demandes françaises comme le renforcement financier et politique de la Zone Euro (budget, ministre, etc.) ou l’élévation du niveau d’ambition en matière de défense européenne. Le projet d’avion de chasse en commun est plutôt une idée française qu’allemande.
Le temps du recadrage : La défense est un secteur protégé
La réunion franco-allemande est à peine terminé, le président Macron repasse à l’offensive et rappelle son engagement de campagne : l’objectif de consacrer 2% à la défense. Et il le prouve lors de son discours tenu devant les différents responsables de l’armée réunis à l’Hotel de Brienne (le siège du ministère de la Défense) en cette veille de la fête nationale (video). Dès 2018, le budget de la défense va rebondir passant de 32,7 milliards à 34,2 milliards d’euros (2). Soit un peu moins qu’espéré les militaires — le général De Villiers avait placé la barre à 34,8 milliards – mais largement plus que le budget actuel (+ 1,5 milliard d’euros). L’important est de décrocher de la barre des 32 milliards où restait scotché le budget de la Défense depuis plusieurs années.
Le patron : c’est moi !
Reste ensuite à recadrer les râleurs qui ne sont pas encore insoumis. C’est chose faite dans le même message. « Il n’est pas digne d’étaler des débats sur la place publique. J’ai pris des engagements […] » rappelle le président de la République. « Les engagements que je prends devant les concitoyens, devant les armées, je sais les tenir et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression, de nul commentaire ».
Un rappel au devoir de réserve
Et d’ajouter, histoire d’être bien compris. « J’aime le sens du devoir, j’aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées là où elles sont aujourd’hui. Et ce que j’ai parfois du mal à considérer dans certains secteurs, je l’admets encore moins quand il s’agit des armées ». « Je suis votre chef » ajoute-t-il, de façon assez directe, et brutale, histoire d’être bien compris. Le président de la République cause, les militaires obéissent et la bouclent. Fermez le ban ! (3).
Un certain souvenir
Le piège se referme sur ceux qui ont cru que, comme sous la période de François Hollande, ils pouvaient manœuvrer à loisir et s’exprimer, éventuellement, contre le gouvernement. Le « jeune » Macron a une certaine expérience de ces arbitrages budgétaires et une certaine mémoire. Durant la période de 2014 à 2016, particulièrement lors de l’arbitrage difficile de 2015, quand il n’était qu ministre de l’Économie, les chefs d’armée ne s’étaient pas privés d’exprimer leur point de vue, soutenu (et soutenant) en cela « leur » ministre de la Défense, J.Y. Le Drian. Des ‘scuds’ que n’a, semble-t-il pas oublié, le Macron devenu chef des Armées. D’où un rappel à l’ordre qui coupe les pattes à toute possible contestation notamment sur le budget 2018 (où le CEMA n’obtient pas l’enveloppe désirée).
Un message à double détente
Ce message paraît donc s’adresser, en premier chef, au général Pierre de Villiers. Mais au-delà, il s’adresse à tous : officiers généraux comme simples officiers, hauts fonctionnaires et diplomates. Jupiter est de retour, la règle de discipline vocale également (4). Ce message est aussi à destination de la population : c’est le président qui fixe le cap et lui seul. Mais le président entend s’affirmer et montrer qu’il tient ses promesses. Le budget de la défense sera augmenté même si ce n’est pas un blanc seing pour les armées. Chaque million d’euro devra être soigneusement justifié, à entendre l’exécutif. Pas question de dépenser l’argent dans des équipements superflus (5). Sinon la hache budgétaire reviendra…
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Lire sur cet aspect ce qu’en écrit Vincent Lamigeon dans Challenge
(2) Dont 650 millions d’euros pour les opérations extérieures (OPEX) et non plus 450 millions d’euros comme traditionnellement, soit 200 millions d’augmentation.
(3) Un message reçu « fraichement » par les hauts gradés ainsi que le rappelle J.D. Merchet dans l’Opinion
(4) Est-ce souhaitable que les militaires et les officiers généraux soient ainsi réduits au silence, c’est une autre question qui mériterait au moins un autre article.
(5) Une position qui impose cependant que des choix clairs soient opérés et que des priorités d’investissement soient marquées clairement où se trouvent les manques les plus criants. Comme l’indiquent, justement, les militaires, certains équipements sont à bout de souffle, notamment dans l’armée de terre (mais aussi la marine) : les équipements de protection manquent, les hélicoptères doivent être remplacés, les drones sont encore trop peu nombreux. Peut-on combler ces manques en maintenant à la fois la posture d’engagement sur trois terrains à la fois (intérieur, extérieur, cyber et terrorisme), en maintenant les contrats indiqués (Rafale notamment) et en renouvelant la posture nucléaire dans ses deux armes. C’est là toute une question qui mérite d’être posée.
(Mis à jour : papier complété le 15.7 – réintroduction d’un § sur l’épisode de 2015 (au lieu d’une note), ajout de la réaction dans les armées – précision (note 5) sur la notion d’équipements superflus (mal comprise ou mal exprimée) à la suite de certains commentaires)
(B2) Le navire de soutien allemand « Rhein » – qui participe à l’opération européenne en Méditerranée – ont procédé à une action de sauvetage au large des côtes libyennes concernant 919 personnes au total, jeudi (13 juillet). L’intervention a commencé vers 12h, précise un communiqué de la Bundeswehr, avec le soutien d’un navire de la garde-côte italienne.
L’équipage a commencé à prendre en charge les 919 personnes (dont 121 femmes et 203 enfants) qui étaient à bord de sept bateaux pneumatiques et deux radeaux. Elle a également pris à son bord des personnes recueillies par les bateaux de deux ONG. Le sauvetage et le transbordement ont duré jusqu’aux petites heures du soir.
Parmi les naufragés, une personne gravement malade. Le malade, ainsi que sa femme et ses enfants, ont été immédiatement transférés vers la Sicile à bord du navire de la Garde côte. Le malade était « dans un état stable » précise les militaires allemands.
Huit bateaux pneumatiques ont été coulés, selon la pratique habituelle des marines présentes en Méditerranée. Suivant les instructions du centre de coordination des secours (MRCC) de Rome, le navire s’est ensuite dirigé vers le port de Corigliano Calabro qu’il devait atteindre ce vendredi (14 juillet).
(NGV)
Invitée de RTL, ce 14 juillet, Florence Parly, la ministre des Armées, a justifié la « remontée de bretelles » du général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA) par le président Macron au sujet de l’effort budgétaire de 850 millions d’euros décidé par le gouvernement. « Il a notamment réaffirmé quelque chose de très attendu : […]
Cet article Quand la ministre des Armées demandait le soutien du Sénat pour s’opposer aux coupes budgétaires est apparu en premier sur Zone Militaire.