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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 2 weeks 2 days ago

Super Tuesday : le « come-back » de Joe Biden

Wed, 04/03/2020 - 15:53

Quelle nuit !

« On appelle ça un super mardi et on sait pourquoi », a (presque) sobrement commenté Joe Biden en s’adressant à se supporters depuis la Californie. Il faut dire qu’il était certainement loin d’imaginer, il y a à peine une semaine, que cela aurait pu se passer ainsi :

Début de soirée : pas le temps de s’installer

La soirée a commencé gentiment, avec le caucus des Samoa, un territoire dépendant des États-Unis et qui participe à la primaire démocrate, bien que ces habitants n’ont pas le droit de vote pour l’élection générale. Mike Bloomberg (qui y a investi une somme déraisonnable en publicité) et Tulsi Gabbard (qui est née ici) ont remporté ce premier scrutin.

On a alors pu penser pendant un instant que cela allait annoncer une vague Bloomberg, porté par ses millions et une campagne immorale, qui pouvait montrer qu’on peut s’acheter son siège à la Maison-Blanche.

Le premier résultat continental est venu du Maine, un État du nord-est, une région dans laquelle Bernie Sanders devait logiquement écraser tout le monde : il est sénateur du Vermont, et les démocrates sont ici tournés vers l’Europe et les idées plutôt progressistes : un programme de couverture-santé pour tous, ça parle aux électeurs et ça ne fait pas forcément peur. Mais la surprise a été de taille : dans cet État, le vote, qui ne devait être qu’une formalité, s’est révélé très serré et il a été impossible aux instituts de sondage de désigner un vainqueur.

Puis tout s’est emballé très vite : les États du sud ont commencé à tomber et il est devenu évident qu’il se passait quelque chose d’inattendu : en Virginie et en Caroline du Nord, la victoire de Joe Biden a été écrasante. Très vite, il a aussi fallu prendre en compte que la participation était massive : les Afro-Américains, en particulier, étaient donc sortis de chez eux pour faire entendre leur voix et peser sur ce scrutin. En Virginie, où 700 000 électeurs s’étaient déplacés en 2016, on a eu la surprise de constater qu’ils étaient cette fois plus de 1,3 million : presque le double !

Les bastions sont tombés

Les équipes de Sanders n’y ont pas cru tout de suite même si, sur les réseaux sociaux, il y a eu soudain un calme étonnant –certainement dû à l’inquiétude. Et le coup de massue est tombé assez vite : le Minnesota d’abord, mais surtout le Massachusetts, ont été gagnés par Joe Biden. Réalisons-nous bien que le Massachusetts est quasiment le jardin d’hiver de Bernie Sanders qui, en tant que voisin, pensait qu’il n’en ferait qu’une bouchée ? Oh, bien sûr, il fallait d’abord vaincre Elizabeth Warren, qui est sénatrice de cet État, mais il pensait que c’était à sa portée : Elizabeth Warren a été effectivement défaite, durement, mais elle finit troisième car Sanders a rendu les armes lui-aussi. Le Minnesota a donné à l’ancien vice-président de Barack Obama une autre de ces grandes victoires symboliques qui marquent les soirées électorales : il a été aidé par le ralliement d’Amy Klobuchar, la « régionale » de l’étape, et par cette formidable dynamique de rassemblement qui s’est mise en route à 48h de l’élection.

Le sud a suivi : tous les États y ont voté comme un seul électeur : Biden, Biden, Biden semblait être leur seul crédo. Tennessee, Arkansas, Oklahoma… les victoires se sont enchainées et on commençait à se demander ce qu’il resterait à Bernie Sanders pour digérer cette soirée.

Bernie à l’Ouest

Pour le candidat autoproclamé « socialiste », le salut est venu des États situés le plus à l’Ouest : peut-être le vent n’avait pas réussi à souffler assez fort jusque-là pour emporter tous ses espoirs. En réalité, on y a beaucoup voté par anticipation, c’est-à-dire AVANT que ce vent pro-Biden ne se lève sur les États-Unis ; avant aussi que Pete Buttigieg et Amy Klobuchar ne quittent la course : il était donc trop tard pour redresser totalement la barre. Dans le Colorado, Bernie a réussi à passer en tête, tout comme dans l’Utah. Mais pour quel gain ? 67 et 29 délégués, respectivement. Une bien maigre collecte !

Il restait alors les deux grosses timbales de la soirée : le Texas et la Californie : 228 délégués pour l’un et 415 pour l’autre. Les partisans les plus convaincus ont cru y voir un moyen de retourner les choses. Mais il confondait visiblement là deux systèmes qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre et qui sont respectivement celui des primaires et celui de l’élection générale : dans le second, le vainqueur emporte TOUS les délégués : c’est le « winner-take-all », le gagnant rafle tout. Toutefois, ce n’est pas le cas dans les primaires, puisque les voix sont réparties à la proportionnelle, en fonction d’un vote populaire pour une part d’entre eux et des résultats dans les territoires pour l’autre partie, et à la condition d’avoir atteint un seuil de 15%. La victoire de Sanders en Californie, que l’on a appris au petit matin ne lui rapportera donc que quelques dizaines de délégués en plus par rapport à Biden, même pas de quoi rattraper le retard accumulé dans les autres États.

Réunir à tout prix

Il s’est donc passé quelque chose d’extraordinaire dans cette course et quelque chose a changé : mais si Sanders se retrouve assommé et que Joe Biden devient ultra-favori pour décrocher l’investiture, il reste toujours un même problème que cette primaire a révélé de façon encore plus criante : l’électorat démocrate a des attentes différentes en fonction du groupe auquel il appartient. Les Hispaniques veulent une couverture-santé plus protectrice et n’ont pas peur de l’interventionnisme de l’État mais les plus âgés veulent conserver un système d’assurances privées et ont peur du coût astronomique des propositions de Bernie Sanders. Les plus jeunes sont idéalistes et adhèrent aux propositions inclusives du doyen des candidats, appelant de leurs vœux un même accès aux soins, à l’éducation ou au logement, pour tous. Les Afro-Américains sont plus pragmatiques et modérés et se méfient de la radicalité de Bernie Sanders.

Autant de groupes différents auxquels le futur candidat unique devra parler et dont il devra porter les aspirations. Il faudra que le candidat unique soit aussi en capacité de parler aux ouvriers, auquel le parti ne parle plus depuis longtemps et qu’il propose une voie pour sortir de la division qui gangrène le pays.

Joe Biden s’est positionné pour être ce candidat modèle, parce qu’il a inscrit sa campagne dans la réunification de la famille démocrate qui était éclatée : les ralliements de Pete Buttigieg, Amy Klobuchar et beto O’Rourke ont créé l’électro-choc qui manquait à ces primaires. Maintenant, il va tacher de ne plus laisser retomber ceet énergie et va tenter de la porter jusqu’au 3 novembre en l’habillant d’un projet qui les mettra tous d’accord : « il faut chasser Donald Trump de la Maison-Blanche. »

« Lesbos, la honte de l’Europe » – 3 questions à Jean Ziegler

Wed, 04/03/2020 - 14:20

Longtemps Conseiller national au Parlement de la Confédération suisse puis Rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Jean Ziegler est aujourd’hui membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Il répond aux questions de Pascal Boniface à l’occasion de la parution de son ouvrage « Lesbos, la honte de l’Europe », aux éditions du Seuil.

1/ Les dépenses investies selon vous dans « la technologie des frontières » en Europe s’élèvent à 15 milliards d’euros. D’où vient cette conclusion ?

La technologie des frontières ne cesse d’innover. Par exemple, les murs érigés sur les frontières sont aujourd’hui dotés de mitrailleuses auto-déclenchables. L’être humain qui s’en approche à 300 mètres entend d’abord un avertissement – émis en trois langues et à plusieurs reprises – qui lui ordonne de faire demi-tour. S’il continue d’avancer, il est abattu par la mitrailleuse dont le tir se déclenche automatiquement. Des drones ultra-performants surveillent nuit et jour les mouvements des réfugiés. Des satellites géostationnaires sont positionnés au-dessus du détroit de Gibraltar, de la mer Égée et du nord du Sahara. Pour détecter les réfugiés cachés dans des camions en Serbie ou au nord de la Bosnie, une nouvelle technologie permet de capter les battements de cœur et de mesurer le volume d’air respiré. Ces scanners aux rayons X sont extrêmement onéreux : un seul appareil coûte 1,6 million d’euros.

Aujourd’hui, les dépenses pour la sécurisation technologique des frontières s’élèvent à 15 milliards d’euros par an. Elles atteindront, selon les prévisions, 29 milliards d’euros en 2022. Tout cela profite évidemment aux marchands d’armes… et incombe aux contribuables européens.

Pour les marchands de canons, les industriels de l’armement et les trafiquants d’armes, la lutte contre les réfugiés et les migrants est désormais plus rentable que toutes les guerres réunies du Yémen, de Syrie et du Darfour. L’Union européenne (UE) vient de publier ses perspectives budgétaires. Jusqu’en 2027, les dotations des deux postes intitulés « Sécurité des frontières » et « Migrations » seront portées à 34,9 milliards d’euros. FRONTEX, l’organisation militaire chargée de sécuriser la frontière sud de la forteresse Europe, verra son budget augmenter de 12 milliards d’euros sur la période 2021-2027. Avec les garde-côtes grecs, eux aussi financés par l’UE, les bateaux de guerre de FRONTEX interceptent en haute mer les embarcations des réfugiés. Par la violence, ils les empêchent d’accoster sur les côtes de l’Europe.

Dans l’esprit de l’UE, les réfugiés constituent une menace pour l’Europe. Le Commissaire européen en charge de la politique des réfugiés, Margaritis Schinas, est en tête d’un dicastère que la Commission a nommé « Migration et promotion du mode de vie européen ». En pratiquant la chasse à l‘homme dans la mer Égée (en Méditerranée et le long des frontières terrestres de l’Europe méridionale), l’UE empêche les persécutés de déposer une demande d’asile.

2/ Vous êtes très sévère avec Filippo Grandi, actuel Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Pourquoi ?

Le Haut Commissaire aux réfugiés des Nations unies doit veiller à l’application de la Convention de l’ONU relative au statut des réfugiés de 1951. Il fonctionne selon un principe de subsidiarité : ce qu’un État membre de l’ONU peut faire, le Haut Commissaire ne le fait pas.

Dans les camps de premier accueil, les hot spots des îles grecques de la mer Égée, où 34.000 hommes, femmes et enfants sont enfermés souvent depuis 3 à 4 ans, dans des abris précaires, suroccupés, manquant de nourriture, souffrant de conditions hygiéniques abominables, les réfugiés sont traités comme des animaux. Les camps sont administrés par la Grèce et financés par l’UE. Ces camps sont une honte pour l’Europe.

Dans de telles situations de carence et d’échec, aucune subsidiarité ne peut être invoquée. La totale passivité de l’ONU est un scandale.

3/ Jusqu’où peut-on ouvrir les frontières aux réfugiés ?

La question n’a pas lieu d’être.

Quiconque est menacé – torturé, bombardé – dans son pays d’origine a le droit de traverser une frontière et de demander protection dans un autre État. Le droit d’asile est une conquête de civilisation. C’est un droit de l’homme universel, garanti par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme de 1948 et par la Convention internationale relative au statut des réfugiés de 1951. Tout réfugié a le droit de déposer une demande d’asile. Aucun État n’a le droit de fermer ses frontières au demandeur d’asile. L’État hôte peut ensuite, après interrogatoire et enquête, accepter ou refuser la demande d’asile. Mais refuser au persécuté de déposer sa demande – par la fermeture des frontières – est un crime contre l’humanité.

Le Déméter 2020 : le Brexit, quelles conséquences agricoles ?

Wed, 04/03/2020 - 10:15

À l’occasion de la sortie du Déméter 2020, Ludivine Petetin, maître de conférences de l’Université de Cardiff, répond à nos questions :
– Quel était le poids du Royaume-Uni dans le secteur agricole européen ? Son retrait de l’UE va-t-il peser sur le secteur ?
– Comment le Brexit va-t-il impacter les secteurs de l’agriculture des différentes nations du Royaume-Uni ?
– Le départ du Royaume-Uni peut-il amener les Européens à repenser leur politique agricole ?

Brexit : quel avenir pour les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ?

Fri, 31/01/2020 - 17:46

À l’occasion du Brexit, Sylvie Matelly, directrice adjointe de l’IRIS, répond à nos questions :
– Le Royaume-uni passe ses dernières heures au sein de l’Union européenne, et maintenant ?
– À quel type de relations économiques et commerciales entre les Royaume-Uni et l’UE pourrons-nous nous attendre ?
– Qu’en est-il de la coopération dans le domaine de la défense entre le Royaume-Uni et l’UE ? Le Brexit va-t-il la remettre en cause ?

Crises d’Amérique latine : montée des forces de l’ordre en première ligne politique

Fri, 31/01/2020 - 17:31

 

Pratiquement tous les pays latino-américains, à un titre ou à un autre, passent par la case « crise » depuis quelques mois. Crise économique et financière en Argentine, en Équateur et au Venezuela. Crise sociale au Chili, et en Colombie, crise politique en Bolivie, au Brésil et au Nicaragua, crise sécuritaire au Mexique. Ces différents facteurs, qui parfois se combinent en un seul pays, ont retenu l’attention prioritaire des analystes.

La recherche des causes de ces désordres répond à une curiosité naturelle, qu’elle soit scientifique, journalistique ou citoyenne. L’une de ses conséquences en revanche est passée relativement inaperçue. D’un pays à l’autre, les gouvernants ont eu, sans se concerter, et quelle que soit leur orientation, recours aux forces de l’ordre, police et armée, pour tenter d’éteindre des accidents sociaux dépassant la capacité de proposition, de résolution des tensions, de fabrication de compromis qui sont les remèdes à disposition des démocraties.

Ce recours à l’ordre armé vise à perpétuer l’ordre politique et social existant, bousculé par le mécontentement, et/ou la dissidence de larges couches de la population. À droite, Sébastian Piñera au Chili et Iván Duque en Colombie ; au centre droit, Lenín Moreno en Équateur ; à gauche, Nicolás Maduro au Venezuela et Daniel Ortega au Nicaragua, ont affronté les difficultés de rue en mobilisant l’ensemble des moyens policiers et militaires à leur disposition. Andrés Manuel Lopez Obrador au Mexique a créé en 2019 une Garde nationale, composée de militaires pour affronter le défi sécuritaire. Sébastien Piñera a le 20 octobre 2019, légitimé le recours aux armées en déclarant le Chili et sa démocratie en guerre contre un ennemi extérieur qualifié « de puissant et implacable ».

Avec des conséquences physiques et souvent létales pour la population. 1810 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre à Rio de Janeiro en 2019. 8 morts en Équateur du 2 au 13 octobre 2019. Au Chili, 23 manifestants sont décédés, et 350, d’octobre à décembre 2019, ont souffert de graves lésions oculaires. Le Haut-Commissariat des droits de l’homme des Nations unies a publiquement stigmatisé l’usage disproportionné de la force par les autorités de Bolivie, du Chili et du Venezuela.

La voie des armes a été consolidée par des lois et dispositifs sécuritaires, encadrant les libertés fondamentales, en particulier le droit de manifester, adoptées en vue, selon leurs initiateurs, de défendre la démocratie. En Bolivie, Evo Morales, au Brésil les amis de Michel Temer, au Venezuela le régime de Nicolás Maduro ont proposé et pratiqué une lecture perverse de la démocratie. Evo Morales n’a pas respecté en 2016, le verdict d’un référendum populaire interdisant sa réélection. Le Parlement brésilien a en 2016, déposé la présidente élue, Dilma Rousseff, avec des arguments inconstitutionnels, validés par le vote majoritaire de ses adversaires politiques. Nicolás Maduro a procédé en 2017 à l’élection sur mesure d’une Constituante dotée de pouvoirs législatifs, reléguant aux oubliettes l’Assemblée nationale à majorité oppositionnelle.

Ces premiers pas ayant été franchis, les dérives se sont banalisées. En Bolivie, après la démission d’Evo Morales, une présidente intérimaire, Jeanine Añez, a été proclamée sans quorum parlementaire, et a immédiatement, au nom du « rétablissement » de la démocratie, engagé une chasse aux sorcières contre les amis et partisans du Chef de l’État sorti. Son gouvernement intérimaire a créé le 3 décembre 2019, le GAT, une unité antiterroriste « pour désarticuler les cellules terroristes menaçant notre patrie (…) agissant dans le pays depuis 14 ans » (date de la première élection d’Evo Morales) a précisé le ministre de l’Intérieur. Le Sénat du Chili a adopté le 21 janvier 2020, un projet de loi accordant aux forces armées la responsabilité de sécuriser les espaces publics, sans nécessité de déclarer un état d’exception, « en cas de grave altération de l’ordre public ». Au Venezuela, un président de l’Assemblée nationale a été élu le 5 janvier 2020, par une coalition « maduriste » en l’absence d’adversaires, pourtant majoritaires en nombre, empêchés par les forces de l’ordre d’entrer au Parlement.

De fil en aiguille l’armée est sortie de son rôle, étroitement limité depuis la fin des dictatures militaires à la défense de la souveraineté nationale. Elle est intervenue comme institution appelée à modérer les tensions sociales et politiques et à leur imprimer une orientation répondant aux intérêts de l’une des parties aux conflits. En Bolivie, le général en chef des forces armées, Williams Kaliman, a « conseillé » le 10 novembre 2019 à Evo Morales de démissionner. Au Brésil, les militaires sont intervenus dans le débat politique en 2018, adressant un avertissement au Tribunal suprême saisi d’une demande de libération conditionnelle de l’ex-président Lula, en vue d’empêcher sa candidature aux présidentielles. L’un des leurs a été élu chef de l’État, le capitaine Jair Bolsonaro, l’un des leurs est également vice-président, le général Hamilton Mourão, tandis que d’autres sont ministres et directeurs de départements ministériels. Au Pérou, le président Martín Vizcarra, contesté par le Congrès, a réaffirmé son autorité le 1er octobre 2019, en publiant une photo où il apparaît entouré et « adoubé » par les généraux des forces armées. Une semaine plus tard, en Équateur, Lenín Moreno, qui avait abandonné son palais présidentiel, en a repris possession après avoir prononcé un discours encadré par un groupe de généraux. Même scénario fin octobre au Chili, où le chef de l’État, Sébastian Piñera, est apparu à la télévision, flanqué du général Javier Iturriaga, qu’il venait de nommer responsable de la sécurité à Santiago, la capitale.

L’Argentine a échappé à cette dérive militarisante. Le traumatisme laissé par la dictature la plus répressive du sous-continent, et la dégradation du prestige militaire, les forces armées ayant été vaincues sur leur terrain d’excellence aux Malouines, ont asséché budgétairement et moralement la corporation. Pour autant le général César Milani, chef d’État-Major des armées argentines, de 2013 à 2015, incarcéré pendant plus de deux ans, pour être finalement acquitté, en a tiré la leçon suivante : « les classes privilégiées pensent que l’armée est au service de leurs intérêts ».

De façon plus transversale, les gouvernants, quels qu’ils soient, ont privilégié l’appel aux forces armées pour préserver l’ordre existant, à Bogota, Caracas, Rio de Janeiro, ou Santiago du Chili. Faute de pouvoir, ou vouloir, affronter démocratiquement de difficiles débats, conduisant à la fabrication de compromis supposant l’acceptation d’alternances et une juste répartition du poids social et économique de la crise, on assiste à une militarisation des démocraties latino-américaines. Ce retour des soldats dans les affaires intérieures, écartés dans les années 1980/1990 au sortir des dictatures militaires, interpelle. Le constat que l’on peut en tirer aujourd’hui est mitigé. Le levier d’influence qui leur est ainsi accordé a jusqu’ici été utilisé à des fins corporatistes. Les militaires refusent de partager le poids des efforts collectifs et entendent que leur soient maintenus leurs avantages, salariaux et sociaux, des retraites avantageuses. Ce qui veut dire en termes budgétaires, 5,5 % du PIB au Pérou, 6,4 % en Équateur, 7,1 % au Chili, 11,6 % en Colombie.

Quel avenir pour le Royaume-Uni après le Brexit ?

Fri, 31/01/2020 - 10:38

Plus de trois ans après le référendum qui avait vu la victoire des partisans du Brexit et après de nombreux reports et incertitudes sur la réalisation du projet, le Royaume-Uni passe aujourd’hui son dernier jour au sein de l’Union européenne. Quels seront les impacts du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ? Le point de vue d’Édouard Simon, directeur de recherche à l’IRIS.

Aujourd’hui est le dernier jour du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. Quelles sont désormais les prochaines étapes pour sa mise en œuvre effective ?

Ce qui est historique c’est qu’à partir de demain, le Royaume-Uni cesse officiellement d’être un État membre de l’Union européenne. Il ne sera donc plus représenté dans les différentes institutions de l’UE. C’était déjà le cas au sein de la Commission von der Leyen, qui a pris ses fonctions malgré l’absence de Commissaire britannique. Ce sera désormais le cas dans les autres institutions de l’Union : le Conseil et le Parlement européen, les députés européens britanniques ont ainsi fait leurs adieux à leurs collègues cette semaine à Strasbourg, lors de leur dernière session plénière.

Pour autant, le Brexit est loin d’être achevé. Le Royaume-Uni entre demain dans une « période de transition » qui doit prendre fin, en théorie, le 31 décembre et qui doit lui permettre de négocier avec l’Union européenne le cadre et les détails de leur relation future. On en sait un peu plus désormais sur la nature de celle-ci.

Parmi toutes les possibilités qui étaient évoquées ces dernières années (régime OMC, accord de libre-échange [type Canada], régime EEA [type Norvège]), le gouvernement de Boris Johnson a fait savoir qu’il souhaitait négocier un accord de libre-échange. Cela étant, si la forme est réglée (à peu près, car la coopération en matière de défense, par exemple, devra faire l’objet d’un accord spécifique), le fond ne l’est pas et l’essentiel reste à négocier.

Et 11 mois c’est très peu. Un accord de libre-échange met généralement au mieux une dizaine d’années à être négocié. Cependant, dans le cas du Royaume-Uni, la mécanique de négociations sera assez différente des autres négociations commerciales de l’Union puisque l’objectif n’est pas de faire converger des régimes tarifaires, réglementaires ou juridiques, mais de déterminer dans quelle mesure ils pourront diverger – ce qui n’est pas nécessairement plus simple. Par ailleurs, il existe, au Royaume-Uni, de fortes tensions sur la possibilité de prolonger cette transition. Car, le régime appliqué au Royaume-Uni — qui ne participe plus au processus législatif, mais doit continuer à se conformer au droit européen — est le cauchemar absolu des Brexiters.

Quel devrait être le Royaume-Uni post-Brexit ? Certains ont peur qu’il devienne un paradis fiscal au cœur de l’Europe ; ces inquiétudes sont-elles fondées ? Quid des dossiers nord-irlandais et écossais dans ce contexte ?

Les Britanniques doivent aujourd’hui faire un choix sur la nature de la relation qu’ils souhaitent avoir avec l’Union européenne, mais celle-ci est intimement liée à la nature de leur propre trajectoire nationale, notamment en termes de stratégie de développement économique. Leur intérêt objectif serait d’avoir la relation la plus proche possible avec l’Union européenne, qui est aujourd’hui, de très loin, leur principal partenaire commercial (environ 45 % des exportations britanniques alors que les États-Unis n’en représentent que 15 %). Pour autant, la contrepartie d’une telle proximité c’est l’absence de divergence réglementaire, ce qui limite d’autant la possibilité de développer un modèle de dumping fiscal, social, environnemental… Mais, si le Royaume-Uni accepte le principe d’un alignement réglementaire, alors pourquoi avoir quitté l’UE ?

Se pose donc, de manière concomitante, la question du projet national britannique. Et, là encore, celle-ci est loin d’être simple à régler.

D’une part, il leur faudra déterminer une nouvelle stratégie de développement économique. Si le Royaume-Uni voulait devenir un paradis fiscal, ce n’est pas le fait d’être un État membre de l’Union qui l’en aurait empêché. En matière de fiscalité, l’unanimité est, en effet, de mise et l’Union économique et monétaire est précisément minée par la concurrence que se livrent les États européens en matière fiscale. Paradoxalement, il sera peut-être plus difficile pour les Britanniques de le faire en dehors de l’UE du fait du rapport de force qui n’est pas vraiment à leur avantage.

Mais d’autre part, et alors que le Brexit avait été vendu aux électeurs britanniques comme la possibilité d’écrire un nouveau récit national, c’est-à-dire comme un facteur de cohésion nationale, ce processus apparaît bien plutôt comme une force centrifuge importante. La géographie du référendum de 2016 le montre. En témoigne également la nouvelle demande officielle du gouvernement écossais d’organiser un second référendum d’indépendance, qui a reçu — pour l’heure — une fin de non-recevoir de Boris Johnson. De telles velléités pourraient-elles voir le jour en Irlande du Nord ? Ce n’est théoriquement pas impossible, l’Irlande ayant élu 9 nationalistes pour 8 unionistes. Le statut particulier de l’Irlande après la période de transition, qui devrait continuer à appliquer certaines régulations européennes, pourrait jouer en ce sens.

Comment devrait se mesurer le départ du Royaume-Uni au niveau des politiques européennes ?

Pour l’instant, et tant que durera la période de transition, les politiques communes (politique agricole, de recherche, de cohésion, etc.) ne devraient pas être affectées par le départ du Royaume-Uni, qui continue à participer à celles-ci. Au-delà, la participation du Royaume-Uni aux différentes politiques de l’Union sera tout d’abord conditionnée par l’existence d’un accord de libre-échange puis se réglera au cas par cas.

La première conséquence du départ du Royaume-Uni de l’UE sera budgétaire. En quittant l’UE, le Royaume-Uni (qui était un contributeur net au budget de l’Union), laisse un « trou » de 11 milliards d’euros dans le budget européen. Même si le Royaume-Uni devra payer pour participer aux politiques communes qui l’intéressent, cela ne viendra pas compenser ce trou. Réduction du budget, augmentation des contributions nationales, création de nouvelles ressources propres : les solutions sont connues, mais aucune ne fait l’unanimité chez les Européens.

Les conséquences devront ensuite être mesurées politique par politique. Le Royaume-Uni ne participera plus à l’intégralité des politiques communes que cela soit de son fait (politique agricole commune, par exemple) ou de celui des Européens (il n’est pas encore certain que le Royaume-Uni puisse accéder aux financements du Fonds européen de défense, par exemple). Et là, les conséquences peuvent être préjudiciables aussi bien pour le Royaume-Uni que pour les Européens. Par exemple, ceux-ci se montrent particulièrement inquiets des conséquences potentielles du départ du Royaume-Uni sur la coopération en matière de renseignement ou judiciaire.

Liban : le nouveau gouvernement peut-il faire face à la crise ?

Thu, 30/01/2020 - 18:47

 

Après plusieurs mois de fortes contestations sociales dans le pays, Hassan Diab a été nommé nouveau Premier ministre en décembre dernier, et vient de former un nouveau gouvernement. Quels sont les défis auxquels ce nouveau gouvernement devra faire face ? Qu’en est-il des contestations populaires ? Le point de vue de Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l’IRIS

Un nouveau gouvernement s’est formé. Vous semble-t-il à même de répondre à l’urgence de la situation ? Les nouveaux ministres inspirent-ils confiance ? Quels seront les principaux chantiers ?

La situation a atteint un tel degré de gravité que même si ce gouvernement avait été composé d’une vingtaine de superhéros dopés à la potion magique, il aurait eu beaucoup de mal à répondre aux multiples urgences. Bien que comportant quelques belles figures, ce gouvernement est loin de répondre aux attentes des Libanais et la façon dont il a été formé ne laisse rien augurer de bon. Le Premier ministre a réussi à former une équipe comportant une dizaine de personnalités plus ou moins indépendantes, mais il a aussi été contraint de jouer le jeu politique traditionnel (marchandages en coulisses, noms sortis du chapeau à la dernière minute, vetos sur plusieurs personnes pour des raisons inavouables, partages des postes entre les leaders communautaires conspués par la rue).

Ce gouvernement est donc hybride et les quelques personnes qui pourraient avoir des velléités réformatrices risquent de se retrouver noyées dans la médiocrité générale et n’auront peut-être ni le temps ni les moyens d’imprimer leur marque.

L’urgence la plus absolue est celle de la crise économique et financière. Les Libanais ont le sentiment que leur classe politique n’a pas du tout pris conscience de la gravité de la situation. Le Premier ministre n’est pas véritablement maître du jeu. L’oligarchie au pouvoir depuis 30 ans conserve la haute main sur le gouvernement et le parlement.

L’heure n’est donc pas encore à l’optimisme, mais il pourrait y avoir quelques percées et réformes qui pourraient être menées à bien, notamment celle de la justice. La ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, première femme à occuper ce poste, est une universitaire respectée, agrégée de droit et spécialiste du pluralisme, des relations entre systèmes laïques et systèmes religieux. Elle est porteuse d’une véritable vision et milite depuis de nombreuses années pour l’indépendance de la justice, pour la transparence et la déconfessionnalisation. Elle pourra compter sur le soutien du nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats, Melhem Khalaf, autre figure intègre et indépendante élue dans l’enthousiasme postrévolutionnaire. D’autres personnalités comme le très respecté président du Conseil Supérieur de la Magistrature Souheil Abboud, le dynamique Club des juges, ainsi que des ONG comme Kulluna Irada et Legal Agenda font un lobbying actif pour soutenir cette réforme qui est indispensable à toute lutte contre la corruption et à des réformes politiques plus ambitieuses.

Une autre nomination qui fut très bien accueillie est celle de Nassif Hitti au Ministère des Affaires étrangères. Bien connu des milieux diplomatiques et universitaires français puisqu’il fut en poste à Paris pendant de nombreuses années comme ambassadeur de la Ligue des États arabes, Nassif Hitti est un diplomate habile, affable et chevronné, qui dispose d’un excellent réseau aussi bien dans le monde arabe qu’en Occident. Sa nomination a été accueillie avec un grand soulagement aussi bien par le corps diplomatique libanais que par les diplomates étrangers en poste à Beyrouth qui ont plus que jamais besoin d’un interlocuteur solide et respecté de tous.

Où en sont les mobilisations populaires au Liban et leurs revendications ? La formation de ce nouveau gouvernement est-elle en mesure de les calmer ?

Les partis au pouvoir misaient sur un essoufflement de la mobilisation populaire et escomptaient que cette vague révolutionnaire finirait par céder la place à un retour de la torpeur de la population libanaise, confrontée aux urgences économiques. Il n’en est rien et l’on voit que le souffle de la révolution ne s’est toujours pas éteint.

Cependant, il est certain que cette mobilisation est en train de changer de forme : la formation du nouveau gouvernement a quelque peu changé la nature des mobilisations populaires. Certains estiment, peut-être à juste titre, qu’il faut donner sa chance, ou du moins un délai de grâce, au nouveau gouvernement, et attendre qu’il présente son projet économique, bien que personne n’en attende de miracles.

À ce stade, rien n’est encore venu calmer la colère des Libanais, qui ont toujours le sentiment que leur intelligence est encore insultée quotidiennement par leurs élites politiques.

 

Plan Trump-Kushner : plan de paix ou plan d’occupation?

Thu, 30/01/2020 - 16:39

Pascal Boniface revient sur le plan de paix américain pour le Proche-Orient, présenté le 28 janvier par Donald Trump à Washington, en présence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Coronavirus : lutter contre une épidémie

Thu, 30/01/2020 - 09:04

 

Le risque épidémique n’est pas nouveau, il a façonné l’humanité de manière spontanée et importée, avant même de jalonner l’Histoire. Lorsque de chasseur-cueilleur, l’Homme est devenu éleveur, il a perdu une vingtaine de centimètres de taille moyenne et quelques années d’espérances de vie, qu’il mettra environ dix mille ans à récupérer… oui, en ce moment même ! La proximité des animaux auprès des Hommes qu’imposaient les premières techniques d’élevage a favorisé la transmission des éléments pathogènes de l’animal vers l’Homme.

La peste noire a frappé de son sceau la fin du Moyen-Âge, en marquant les esprits pour le millénaire à venir de 50 millions de morts et 8 ans de paix autour du bassin méditerranée après le début de l’épidémie. 150 ans plus tard, de l’autre côté de l’océan, c’est à la variole que les conquistadors doivent leur victoire sur les populations amérindiennes.

30 millions de morts pour la grippe espagnole à la sortie de la Première Guerre mondiale, le double des pertes humaines de cette guerre qui vient de se finir et que tout le monde s’accorde à qualifier de boucherie.

Plus proche de nous, le SARS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 nous a fait peur. On a répété l’expérience moins de 6 ans plus tard avec la grippe aviaire qui déclenche des plans de vaccination massive, qui seront par la suite très critiqués autant par leurs ampleurs que par leurs coûts.

Virus, bactéries et autres organismes pathogènes sont aussi petits que source d’inquiétude, notre imaginaire puisant dans l’inconscient collectif que sous-tend cette rapide fresque historique, au risque de basculer parfois en hystérie collective.

Et c’est là, le maillon faible du risque épidémique : l’Homme, et surtout sa peur qui va se nourrir des fausses rumeurs et propager un comportement non adapté, qui parfois se révèle plus pathogène que la maladie elle-même.

Les fausses rumeurs, ce sont elles qui ont permis en 2014 à Ebola de faire un peu plus de 11 000 morts, le mode de transmission touchait à la culture et aux traditions ancestrales. Il est alors plus aisé de penser qu’un bain d’eau salé permettait de se protéger du virus que de remettre en cause les préceptes ancestraux de mises en terre des défunts. Les théories du complot dont les réseaux sociaux se sont fait la caisse de résonnance ont attisé cette méfiance de la population. Aujourd’hui, pour ne pas répéter les mêmes erreurs et limiter l’épidémie au maximum, il est important de faire la part des choses et de ne pas céder à la panique, aux fakemed et aux théories en tout genre…

Identification du Coronavirus

Et non pas « coronarovirus » comme on le voit souvent sur internet. Pourquoi ce lapsus ? Une « coronaro » est l’examen diagnostic et thérapeutique clef en cas de coronaire (artère vascularisant le cœur) bouchée, un infarctus en devenir en somme. Les maladies cardio-vasculaires étant très présentes dans nos sociétés, c’est un mot que l’on entend relativement souvent et le cerveau fait le raccourci.

Ce « Novel 2019-Co » virus est une nouvelle souche de virus de la famille des coronavirus qui n’avait pas été identifiée chez l’homme auparavant. Il sera probablement nommé différemment le jour où l’on parviendra à identifier l’animal dont il est originaire.

Une des particularités de ce coronavirus est de pouvoir infecter les animaux et l’Homme. Comme cela a été le cas pour le SARS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002, transmis à l’homme par la civette, et le MERS (Syndrome respiratoire du Moyen-Orient) en 2012 avec le dromadaire. C’est donc une zoonose. Il est primordial d’identifier l’animal source de l’épidémie, afin de limiter les risques de résurgences de la maladie dans l’espace (dans une ville voisine), mais aussi le temps.

Le 31 décembre 2019, le premier cas d’une pneumonie inconnue s’est déclaré au « marché de la mer » de Wuhan (Chine). D’autres cas similaires ont suivi, amenant les autorités à formuler l’hypothèse que la source provenait du marché, marché fermé le lendemain.

Très rapidement le système sanitaire chinois a identifié le virus et mis à jour sa séquence génétique. Suivant le protocole du règlement sanitaire international qu’elle a signé en 2005, la Chine a partagé cette détermination avec les autorités sanitaires régionales et internationales, telles que l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Ce partage d’information a permis une identification rapide du Novel 2019-Co sur les cas importés au-delà des frontières de la Chine. Suivi d’un déclenchement rapide de recherche de contact et une prise en charge adaptée. C’est pourquoi aujourd’hui encore, les nombres de cas sont aussi limités hors des frontières de la Chine.

L’identification du virus est primordiale pour apporter les soins adaptés au patient lui-même. La recherche de contact n’amène rien au patient, mais protège la population dans son ensemble. C’est le principe de la santé publique. Or protéger la santé publique (la population) permet à moyen et long terme de protéger l’individu. C’est donc un cercle vertueux et indispensable.

La transmission interhumaine est établie depuis le 19 janvier, avec l’hypothèse forte d’une transmission dans le cadre d’un contact étroit. La maladie se transmettrait par les postillons (éternuements, toux) dans un rayon d’un mètre. La recherche des personnes contacts (c’est-à-dire les gens ayant été en contact étroit avec des cas confirmés de coronavirus) et leur mise en observation ont pour objectif de limiter la propagation du virus sur des transmissions de seconde, troisième et quatrième générations.

Le Novel 2019 Co en définitions et quelques chiffres :

Le coronavirus entraîne des signes cliniques d’infection respiratoire aiguë basse, de la fièvre, une toux… d’un banal rhume à la pneumonie grave pouvant entraîner le décès du patient. Cependant la grande majorité des personnes infectées présentent une pathologie modérée, donc non sévère.

En date du 27 janvier, on dénombre 2798 cas et 80 décès, tous en Chine.

La majorité de ces décès sont survenus chez des patients qui étaient déjà porteurs de pathologies telles que l’hypertension artérielle, le diabète et maladies cardio-vasculaires pouvant diminuer l’efficacité du système

Sur les 2798 cas de Novel 2019 Co confirmés, 37 sont apparus hors de Chine. Trente-quatre d’entre eux avaient été à Wuhan dans les 14 jours précédant l’apparition des symptômes. Les trois restants seraient des cas de transmission dite de seconde génération. C’est-à-dire qu’ils auraient eu des contacts directs, avec des patients étant allés au marché de Wuhan.

Actuellement, il y a en Chine 5794 cas suspects en attente de confirmation/infirmation d’une infection, de quoi faire potentiellement grimper les chiffres de cas confirmés très rapidement. C’est également le cas aux États-Unis, où 73 patients sont en attente du même diagnostic.

N’est considéré comme « cas suspect », qu’un patient présentant des signes cliniques d’infection respiratoire aiguë basse grave nécessitant une hospitalisation, associée à une des deux conditions suivantes :

  1. Ayant voyagé ou séjourné dans la ville de Wuhan en Chine dans les 14 jours précédant la date de début des signes cliniques.
  2. Ayant eu un contact étroit avec un cas confirmé d’infection au 2019-nCoV, pendant que ce dernier était symptomatique.

La composante géographique et/ou le contact étroit avec un cas confirmé sont donc déterminants pour faire de vous un « cas suspect », puisque les signes cliniques eux ne le sont pas.

« Mais que fait le gouvernement ? »

Plusieurs niveaux de préparation et de prévention

  • Le système de santé français lui est prêt depuis 2003. Prêt à recevoir et prendre en charge des patients suspects et/ou confirmés.
  • Des établissements de références sont identifiés, où sont pris en charge les cas suspects (trois en France à ce jour, et qui sont tous passés par le marché de Wuhan) et les contacts mis en observation pendant 14 jours (temps d’incubation maximal du Novel 2019-Co).
  • Les services d’Urgence et SAMU sont formés à la prise en charge en cas de patient suspect (même si les recommandations à la population sont de ne pas aller aux urgences si vous suspecter une infection au Novel 2019-Co, mais d’appeler le 15).
  • Les agences régionales de Santé s’occupent de la procédure d’identification et de suivi des cas contacts.
  • L’Institut Pasteur a développé un test diagnostic permettant d’avoir des résultats rapidement.
  • Informations aux voyageurs :
  • Un système d’information a été mis en place dans les aéroports afin de sensibiliser les voyageurs au risque épidémique et d’améliorer leur vigilance en cas d’apparition de symptômes. Ces posters dans les aéroports ont été source de railleries sur les réseaux sociaux, mais cibler les populations en mouvement est pourtant l’un des outils les plus efficaces dans la lutte contre les épidémies. C’est comme ça que l’Inde en 2009 a su éradiquer la Poliomyélite de son territoire, en vaccinant et informant les populations dans les gares, aux arrêts de bus, dans les trains… Aujourd’hui, 11 millions de personnes prennent l’avion chaque jour, dans un contexte d’épidémie qui pourrait potentiellement devenir une pandémie (pathologie présente sur tous les continents), il est indispensable de cadrer les aéroports.
  • Il n’y a pas à ce jour de screening « température » aux aéroports de manière générale, parce que la température peut avoir été occultée par un doliprane, parce qu’on peut avoir une fièvre due à un paludisme, une otite, une angine, une réaction vaccinale…
  • Si on voyage vers l’Asie, évitez tout contact avec des animaux vivants ou morts ni ne mangez de viande crue ou peu cuite.
  • Informations à la population :
  • Privilégier le lavage de main, utiliser des mouchoirs jetables, éternuer dans son coude, comme c’est le cas en temps de grippe saisonnière.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a à ce jour pas déclaré l’urgence sanitaire d’ordre international, en argumentant le petit nombre de cas importés (les 37 cas sur 2798 au total à ce jour) et l’importance des moyens mis en place par la Chine pour circonscrire l’épidémie.

La Chine a déjà 3 municipalités, dont Wuhan, qui ont mis en place une quarantaine. La recherche de cas suspects est très active au sein des hôpitaux et dans la population générale dans la ville de Wuhan, les marchés sont inspectés, toutes les provinces de Chine recherchent de nouveaux cas. La population est sensibilisée sur les mesures à respecter.

Quelle est la suite ?

La suite immédiate s’écrit au jour le jour, beaucoup d’incertitude encore autour de ce nouveau coronavirus : son taux de létalité, son mode exact de transmission, son origine, sa gravité, sa contagiosité… Au jour du 28 janvier, hors des frontières de la Chine et si vous ne revenez pas de Wuhan et sa région, il est fort probable qu’individuellement le risque soit assez faible. En termes de santé publique, le risque lui est considéré comme élevé, toujours parce qu’il y a 11 millions de personnes qui voyagent chaque jour.

À plus longue échéance, que savons-nous ?

Nous savons d’ores et déjà que de nombreux coronavirus ont déjà été identifiés circulant parmi les animaux sans encore avoir été transmis à l’homme. Ce n’est a priori qu’une question de temps et d’opportunité pour voir l’apparition d’une nouvelle maladie émergente. Comme c’est le cas aujourd’hui, comme cela a été le cas dans les années 70 avec le virus Ebola et en 2014.

Une maladie émergente a pour origine le monde animal (souvent la faune sauvage). C’est une introduction surprise d’un nouvel agent pathogène (aujourd’hui le Novel 2019-Co) suivie d’une dissémination dans une population non immunologiquement préparée.

Cet évènement nécessite généralement une coexistence de 3 phénomènes :

– Modification de l’écosystème : des travaux de déforestation, d’irrigation, des zones suburbaines non contrôlées, des déplacements de population.

– Acquisition de mécanisme de résistance aux médicaments par l’agent infectieux. On touche là à notre problématique de plus en plus présente d’émergence de bactérie résistante aux antibiotiques.

– Baisse de la vigilance des systèmes de contrôle, voire une absence de contrôle. Il est ici question de problématique de financement des systèmes de santé qui est un problème partagé par tous.

En 2001, la déclaration d’Abuja engageait les pays de l’Union africaine à allouer au moins 15 % de leur budget à l’amélioration du secteur de la santé. En 2012, seule la Tanzanie avait atteint cet objectif, quatre pays en 2014… Du fait de sa forte présence géographique dans la bande tropicale (haut lieu de biodiversité), l’Afrique représente 25 % du poids des pathologies au niveau mondial.

Lors de l’alerte pandémie de la grippe aviaire en 2005, 13 laboratoires ont été financés à travers l’Afrique pour identifier les virus de la grippe sans rien prévoir sur le côté curatif ou préventif des populations. Idem en 2009 avec la grippe A H1N1, les pays industrialisés investissaient dans la prévention et le côté curatif, quand aucune prévention efficace n’était prévue pour les pays à bas revenus, dont les efforts étaient entièrement orientés vers la détection.

Ce déséquilibre dans les moyens mis en œuvre et leurs objectifs, questionne l’éthique bien sûr, mais surtout la pertinence scientifique. La mondialisation et le flux régulier et irrégulier de personnes chaque jour dans le monde rendent caduc ce raisonnement. Si on continue à considérer une « médecine tropicale » et une « médecine occidentale », on risque d’accentuer drastiquement nos problèmes de pandémie à l’avenir.

D’autant plus que le changement climatique, grand pourvoyeur de « modification des écosystèmes », va multiplier les occasions de voir éclore de nouvelles maladies émergentes, là-bas comme ici.

Leçons et interrogations sur le « Brexit »

Wed, 29/01/2020 - 10:00

L’histoire de l’intégration européenne ne relève pas du processus linéaire. Le « Brexit » l’atteste. Celui-ci vient ponctuer une relation tortueuse entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Depuis l’adhésion à la CEE en 1973, la participation britannique est marquée par un déficit de volonté d’intégration, concentrée sur la réalisation d’un grand marché unique et rétive à toute logique fédérale (avec ses déclinaisons monétaires, sociales, fiscales, etc.). Si le retrait du Royaume-Uni s’inscrit dans une certaine logique, cette expérience unique est aussi une source d’enseignements sur la nature de l’intégration européenne et sur le sens de l’appartenance à l’Union.

Le retrait de l’Union : un droit souverain des États membres

Le statut d’État membre de l’Union européenne (ou d’État intégré) revêt une dimension protectrice, car il inclut une part de liberté, dont l’exercice repose précisément sur les droits qui lui sont reconnus. Certains de ces droits procèdent de la sauvegarde de la souveraineté étatique dans le système juridique de l’Union. Ainsi, la consécration d’une clause de retrait par le traité de Lisbonne a tranché un débat doctrinal lancinant sur le caractère (ir)réversible de l’appartenance à l’Union : tout État intégré peut librement « décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union » (art. 50 TUE). Justifié par le volontarisme et la souveraineté étatiques qui sous-tendent le lien d’intégration, le mécanisme de la clause de retrait repose sur le principe d’un retrait volontaire, unilatéral, inconditionnel et complet. Cela signifie qu’un État intégré ne saurait être exclu ou expulsé de l’Union, qu’un État membre peut décider librement d’exercer son droit de retrait sans avoir à justifier le motif de sa décision (l’initiative de désengagement appartient donc de façon unilatérale à l’État membre), et qu’un retrait partiel (de l’Union économique et monétaire et de la zone euro, par exemple, comme cela avait été imaginé pour la Grèce) n’est pas concevable.

La notification de l’intention de retrait de l’État intégré n’est pas d’effet immédiat. L’article 50 TUE prévoit qu’après avoir notifié son « intention » d’exercer son droit de retrait, l’État membre concerné négocie et conclut avec l’Union un accord. Les traités cessent alors d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, à l’issue d’un délai de deux ans après la notification de l’intention de retrait, tel qu’éventuellement prorogé. Une possibilité largement utilisée durant le processus du « Brexit »…

Si le préalable formel de l’accord de retrait est censé accompagner et ordonner au mieux la sortie de l’Union, un accord n’est ni juridiquement obligatoire, ni politiquement garanti. Un retrait sans accord ou « no deal » est possible de jure. Cette option a été évoquée dans le cas britannique. À l’inverse, l’article 50 TUE n’aborde pas de manière explicite la question de la révocation de l’intention de retrait : il ne l’interdit ni ne l’autorise expressément. La Cour de justice a finalement précisé que l’État intégré est libre de révoquer unilatéralement sa demande de retrait à l’issue d’un processus démocratique conforme aux règles constitutionnelles nationales[1]. Du reste, des milliers de Britanniques ont régulièrement manifesté leur volonté de voir cette hypothèse devenir réalité, pour ainsi demeurer « citoyens de l’Union ». Un scénario – d’un second référendum ? – qui ne s’est pas réalisé, mais qui a été longtemps envisageable tant le processus du « Brexit » fut long, laborieux et incertain…

Le droit de retrait : un exercice politique délicat

Le 23 juin 2016, les Britanniques ont voté à 51,9 % des voix en faveur du Brexit, c’est-à-dire la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Une décision démocratique qui a été difficile à traduire en fait, en raison de la signification profonde de l’appartenance à l’Union. L’État membre de l’Union européenne n’est pas n’importe quel État. Le concept de souveraineté paraît en effet inadapté pour rendre compte de quoi « l’intégration » est le nom. Celle-ci se cristallise autour d’un « lien spécial » qui se matérialise par une interdépendance entre l’Union et les membres, mais aussi entre ses États intégrés eux-mêmes. C’est une logique d’interdépendance (tant avec l’organisation d’intégration qu’avec les autres membres étatiques intégrés), d’imbrication et d’interaction multiniveaux (en particulier sur le plan organique et fonctionnel) qui est à l’œuvre au sein de l’Union. Ainsi, en dépit d’un statut différencié qui traduisait déjà une volonté d’intégration a minima, la mise en œuvre du droit de retrait par le Royaume-Uni a d’emblée été confrontée à la difficulté de procéder à la déconstruction du lien d’intégration noué au sein de l’Union (avec l’organisation elle-même, mais aussi avec ses autres membres).

En outre, une « procédure multiniveaux » très complexe est destinée à permettre la négociation et la conclusion d’un accord de retrait entre l’Union et l’État concerné. Ainsi, l’article 50, § 1 TUE souligne bien qu’un État membre ayant décidé d’exercer son droit de retrait doit le faire « conformément à ses règles constitutionnelles ». Or le débat constitutionnel britannique sur la portée juridique du référendum de 2016 en faveur du Brexit a lourdement pesé sur le processus. En outre, la phase transitoire, entre l’acte de notification de l’intention de retrait et le retrait officiel, s’est avérée une période d’incertitude politico-juridique pour le Royaume-Uni. Le résultat du référendum a ouvert une période d’instabilité politique et gouvernementale au Royaume-Uni, marquée par de fortes dissensions au sein même des deux principaux partis du système politique (les Conservateurs et les Travaillistes) et par la démission de deux Premiers ministres successifs : James Cameron (l’initiateur du référendum, qui a fait campagne contre le « Brexit ») et Theresa May.

De plus, les difficultés à conclure et à ratifier l’accord de retrait, et donc à fixer la date effective de celui-ci, ont perturbé l’ordre juridique, institutionnel et « socio-économique » de l’Union. En effet, si à partir de la date du retrait, l’État devient un État tiers à l’Union, durant la procédure de l’article 50 TUE il garde sa qualité de membre de l’Union : aussi l’État en phase de retrait reste-t-il en principe soumis au respect des obligations de tout État intégré. Plus largement, le Brexit a des conséquences géopolitiques tant pour le Royaume-Uni que pour l’Union européenne. Pour le premier, d’un côté, le retrait a ravivé des dissensions internes en Irlande et des velléités d’indépendance en Écosse ; de l’autre, le Royaume-Uni renoue avec le fantasme de la « relation spéciale » avec les États-Unis, tout en étant confronté à la question de la définition de ses nouvelles relations avec l’Union (tel est l’objet des difficiles négociations sur l’accord bilatéral commercial, distinct de l’accord de retrait proprement dit). Pour l’Union européenne, outre le spectre de voir naître un « paradis fiscal » à l’échelle britannique qui déstabiliserait son ordre économique social et financier, le Brexit redessine de facto ses frontières et affaiblit son poids démographique, économique, commercial, diplomatique et militaire.

Non seulement l’appartenance à l’Union n’est pas définitivement acquise, mais la relation ambivalente des États à l’intégration indique qu’au-delà de la « différenciation formelle ou statutaire », les États intégrés ne partagent pas/plus la même conception et représentation du projet d’Union. La dynamique d’approfondissement ne neutralise pas les formes de résistance exprimées par des États et/ou nations, au nom d’une souveraineté et d’une identité ancrées dans leurs constitutions. Des États membres (comme la Pologne et la Hongrie, mais pas seulement) n’hésitent plus à remettre en cause certaines des valeurs communes qui les lient à l’Union. L’officialisation du Brexit renforce le spectre de la désintégration. Il n’empêche, il apparaît clairement que l’expérience britannique a eu un effet repoussoir sur les opinions publiques des 27 États membres de l’UE et que les partis politiques eurosceptiques ne sont pas parvenus à capitaliser sur le départ des Britanniques. En France, même au Front national, la tentation d’un retrait de l’Union, en général, et de la zone euro, en particulier, n’est plus à l’agenda politique. Enfin, l’hypothèse même d’un retour des Britanniques n’est pas exclue en droit. Une fois sorti, l’« ex-État membre » (nouvelle catégorie d’État tiers) de l’Union européenne peut demander à réadhérer à l’organisation sur la base de l’article 49 TUE. Possible en droit, ce scénario relève aujourd’hui de la politique fiction…

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Béligh Nabli est l’auteur de « L’État intégré », Pedone, déc. 2019.

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[1] CJUE, Ass. plén., 10 décembre 2018, Wightman e.a./ Secretary of State for Exiting the European Union, aff. C—621/18, ECLI:EU:C:2018:999.

La flotte sous-marine japonaise bien placée dans la bataille de mer de Chine et du Pacifique

Tue, 26/11/2019 - 17:51

Début novembre a été lancé à Kobe le dernier sous-marin de la classe Soryu des forces d’autodéfense maritimes japonaises (Fad, la marine de guerre nippone). Le JS Toryu, qui veut dire « dragon combattant » en japonais, est le 6e de cette classe construit par Kawasaki Heavy Industries, les six autres l’ayant été par Mitsubishi Heavy Industries. Le submersible, qui a été mis en cale en janvier 2017, devrait être livré à la marine en mars 2021.

Ce nouveau sous-marin est un élément clé de la bataille navale en mer de Chine et plus généralement dans le Pacifique et au-delà.

Le premier exemplaire de cette classe de sous-marins, à propulsion classique a lui été lancé en décembre 2007, et est entré en service en 2009.

Cette classe marque une rupture technologique, notamment depuis le 11e exemplaire de la classe entré en service le 18 mars 2019, utilisant des batteries au lithium-ion qui ont une capacité double par rapport aux batteries utilisées auparavant au plomb.

Avec ces sous-marins, le Japon devient le premier pays à être équipé de batteries au lithium.

La classe Soryu est une version améliorée de la classe Oyashio. Ce sont les plus grands sous-marins conventionnels du monde. Les dimensions sont impressionnantes : 84 mètres de long et 9 de large, ils déplacent 2950 tonnes en surface et 4100 en plongée ! Mus par des moteurs diesel, ils peuvent atteindre 20 nœuds en plongée, 13 en surface.

Ces sous-marins donnent un avantage technologique certain sur leurs rivaux.

Certes, ils sont coûteux — 496 millions de dollars l’unité —, mais ils sont équipés de 6 tubes lance-torpilles de 533 mm qui peuvent tirer la torpille lourde japonaise de type 89. Ils peuvent également lancer le missile antinavire à moyenne portée UGM-84-C Harpoon qui peut détruire des navires de surface.

Comme l’a expliqué Yann Rozec dans son brillant mémoire « L’arme sous-marine, pilier du système de défense maritime du Japon », réalisé dans le cadre du diplôme Défense et Sécurité de l’école IRIS Sup’ en 2013, « la torpille 89 possède une charge de 267 kilos, une vitesse de 40 ou 70 nœuds, et une portée de 30 ou 50 kilomètres. Ces torpilles lourdes peuvent être utilisées aussi bien contre un bâtiment de surface que contre un sous-marin ennemi. Ce type d’armes est l’un des instruments principaux de la lutte anti-sous-marine ».

Par ailleurs, les nouvelles batteries au lithium permettent aux sous-marins d’éteindre leur moteur à propulsion diesel pendant des durées longues et de mettre en marche les batteries au lithium beaucoup plus silencieuses sous l’eau, réduisant ainsi la signature acoustique de ces sous-marins et les rendant difficiles à détecter.

En outre, ils sont dotés de revêtements anéchoïques : des tuiles de caoutchouc recouvrent la surface du sous-marin afin d’absorber les ondes et les rendent encore plus difficilement détectables. Ils sont aussi équipés du système AIP (Air independent propulsion) qui permet au sous-marin de rester sous l’eau jusqu’à deux semaines.

Ces navires ont également un rayon d’action de 6100 nautiques (11 297 kilomètres) et peuvent descendre jusqu’à 650 mètres. Outre, cette portée remarquable, ils peuvent engager des navires ennemis jusqu’à 70 kilomètres de distance. Enfin, le sous-marin est équipé d’un système informatisé d’origine suédoise qui accroît sa manœuvrabilité dans les eaux peu profondes, ce qui le rend très polyvalent.

Avec ce sous-marin, le Japon accroît sa capacité défensive et offensive face à la menace navale chinoise qui est très clairement identifiée dans les Livres blancs de la Défense japonaise publiés chaque été par le ministère de la Défense japonais.

Il complète le système de surveillance des eaux territoriales japonaises et contribue à leur défense effective, y compris dans les eaux éloignées comme les îles Senkaku revendiquées par la Chine, alors que la posture de défense japonaise est réorientée vers le sud.

En outre, comme le soulignait Yann Rozec, « les Fad maritimes entendent positionner leurs sous-marins dans des zones stratégiques afin de garantir la sécurité des axes maritimes, le Japon utilise ses bâtiments afin de protéger ses côtes et de défendre les trois détroits stratégiques de Soya, Tsugaru et Tsushima ».

Par ailleurs, avec cette dernière acquisition, la flotte sous-marine passe de 18 à 22 sous-marins. C’est conséquent d’autant plus que la Chine a elle-même beaucoup augmenté sa flotte sous-marine depuis 1992. Selon la revue DSI de novembre 2019, la Chine dispose de 14 Song, 18 Yuan, 12 Kilo et un reliquat de 12 Ming. Mais ces navires — même les plus récents — sont moins performants et beaucoup plus bruyants.

Ainsi, avec l’entrée en service prochaine du nouveau sous-marin de la classe Soryu, le Japon marque une nouvelle rupture technologique et maintient un avantage stratégique face aux velléités expansionnistes chinoises.

Israël : quel agenda national et international ?

Tue, 26/11/2019 - 17:09

Pascal Boniface analyse la situation en Israël alors que Benyamin Netanyahou a été mis en examen jeudi 21 Novembre et que se profilent les troisièmes élections législatives de l’année

« Et si on modifiait vraiment les règles du football » – 4 questions à Ludovic Ténèze

Tue, 26/11/2019 - 15:31

Ludovic Ténèze, professeur agrégé à l’UFR STAPS Paris Descartes, est titulaire du Diplôme d’État Supérieur, mention football. Il répond aux questions de Pascal Boniface à l’occasion de la parution de son nouvel ouvrage « Et si on modifiait vraiment les règles du football, 99 propositions », aux éditions L’Harmattan.  

Qu’est-ce que l’« international football association board » ?

Cette institution surnommée le « Board », créée en 1886 par les quatre associations britanniques, accompagne les premiers pas d’une compétition regroupant les sélections nationales d’Angleterre, d’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande. En 1913, la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) devient membre du Board. Son influence est croissante, cependant il faut considérer que les Britanniques gardent le pouvoir sur les lois du football.

Il s’agit d’une instance internationale avec une compétence juridique particulière en charge du processus d’unification des règles et de leur application. Le Board peut décider de changer ou non la loi, expérimenter ou non une nouvelle règle. Il joue également le rôle du « gardien du temple », chargé de surveiller les règles du jeu sur l’ensemble de la planète. Cette instance a la réputation d’avoir su s’ériger en protecteur du jeu, mais aussi, paradoxalement, d’avoir réussi à faire évoluer les lois du jeu inventées au XIXe siècle.

Les lois du football sont-t-elle immuables ?

Les lois du jeu semblent gravées dans le marbre. La classification des 17 lois du jeu élaborée en 1938 par Stanley Rous, est la garante du secret de la réussite d’un jeu devenu le premier sport universel. Modifier cette classification s’apparente à un sacrilège.

Cependant, l’étude des archives du Board atteste d’une transformation importante, insoupçonnée et inconnue de chaque loi du jeu. À la lumière des comptes-rendus des 133 assemblées générales annuelles du Board, il est possible de dénicher plus de 700 tentatives de transformations. Celles-ci concernent la loi, les sanctions ou les décisions liées aux lois du jeu, qui peuvent être considérées comme de véritables décrets d’application, ou amendements de la loi.

Plus des deux-tiers des propositions ont été acceptées par le Board. Il faut retenir que celui-ci prend beaucoup de temps entre la proposition initiale et la modification à proprement dite. Par exemple pour le hors-jeu, le passage de la « règle des trois joueurs » à celle « des deux joueurs » est adopté en 1925 au bout de 31 ans ! Cette latence des décisions, invite à un réexamen minutieux des propositions rejetées déjà faites au Board depuis 1886. Parmi les multiples demandes de transformations des lois du jeu, certaines finiront par aboutir.

Ainsi, les « 99 propositions » émanent prioritairement des archives du Board, et notamment la tentative de rendre tous les coups francs directs, l’utilisation de cinq remplaçants, le jeu des touches au pied ou l’adoption de la règle des « 10 mètres » du rugby appliquée pour toute contestation des décisions de l’arbitre.

La tendance est-elle à la disparition progressive de l’aléatoire ?

L’institution sportive fait progressivement disparaitre l’aléatoire, ce qui la différencie des jeux traditionnels corporels.

Cette tendance se manifeste par l’apparition des filets en 1895, pour vérifier la validité du but, l’évolution de la « balle à terre » qui à l’origine s’exécutait en lançant de façon aléatoire le ballon en l’air et la possibilité de remplacer un joueur blessé. Le tirage au sort, à la fin des prolongations pour déterminer le vainqueur du match de Coupe, laisse la place au début des années 1970 à l’épreuve des tirs au but, qui permet aux actions motrices de décider du sort du match.

La quantification du temps additionnel préfigure sans doute de l’apparition d’une table de marque pour jouer au temps effectif comme au basket-ball. Cette proposition peut paraitre farfelue, pourtant elle émane de l’ancien triple ballon d’Or Marco van Basten, responsable du développement technique de la FIFA et répond à la volonté de redynamiser le football au XXIe siècle.

La technologie sur la ligne de but et l’assistance vidéo participent également à la réduction de l’aléa. La VAR (Video Assistant Replay) est devenue très rapidement un acteur du processus de transformation. Par exemple pour les fautes de mains, le débat s’engage avec des options diamétralement opposées.

D’une part, le Board peut décider dans l’esprit des lois de continuer de sanctionner uniquement les mains « volontaires » ou « intentionnelles » laissant une large place à l’interprétation.

D’autre part, si la tendance est de faciliter le travail de la VAR, les membres du Board vont décider de sanctionner toutes les mains, en conformité avec la disparition progressive de l’aléatoire. Une décision alléchante dans l’optique d’afficher, comme le fait la FIFA, un bilan de 99% de bonnes décisions arbitrales grâce à l’aide de la VAR.

On entend souvent « Il y a plus de violence dans le football qu’auparavant » : est-ce vrai ?

Non, c’est tout le contraire ! Pour s’en convaincre, il suffit de regarder des extraits de la Coupe du monde de 1974. Chaque action du match opposant l’Uruguay aux Pays-Bas semble d’une violence incroyable et une véritable ode aux tacles ! L’interdiction du tacle par derrière à partir de 1998 participe à la limitation du droit de charge, pour attaquer l’adversaire ou le déposséder du ballon.

La meilleure illustration de cette diminution du droit de charge reste l’exemple du gardien de but. En 1897, le Board décide qu’il peut être chargé quand il tient le ballon. Il est donc possible d’expédier honnêtement le gardien de but et le ballon dans le filet grâce à une charge correcte et loyale. L’équipe de France, marque sept buts entre 1907 et 1913 en projetant le gardien tenant le ballon, dans ses propres filets. L’attaquant Eugène Maës en avait fait une de ses spécialités. Un siècle plus tard, même si pour les Britanniques la charge reste d’une importance primordiale, le gardien apparait comme super protégé !

La balle au pied du XIXe siècle, stigmatisé par le « dribbling game » s’apparentait à un sport collectif de combat. La ligne d’affrontements, plutôt violente, confondue avec la ligne de hors-jeu flottante, a fait place à un sport de démarquage dans lequel les joueurs se disputent la possession du ballon, dans des duels hyper-réglementés. La manifestation d’une véritable euphémisation de la violence.

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